Le Vatican a présenté ce mardi 1er juin une révision du code de droit canon dans l’Église catholique par la promulgation de la Constitution apostolique "Pascite gregem Dei" – "Paissez le troupeau de Dieu" en latin – signée le 23 mai 2021. Elle vise à adapter le droit de l’Église au monde d’aujourd’hui et à rééquilibrer le rapport entre justice et miséricorde "qui a parfois été mal interprété", entrainant un climat de "laxisme", notamment dans un certain nombre de cas d’abus sexuels commis par des clercs sur des mineurs.
L’évêque de Rome a justifié la révision générale du chapitre VI portant sur les "sanctions pénales dans l’Église" par la volonté d’adapter les peines et les sanctions "aux changements sociaux et aux nouveaux besoins du peuple de Dieu". "Il est devenu évident que la discipline pénale promulguée par saint Jean Paul II le 25 janvier 1983 dans le Code de Droit Canonique devait […] être révisée", a-t-il expliqué en introduction de sa Constitution apostolique.
Cette révision d’envergure n’est pas le fruit de la seule volonté du pape François. C’est Benoît XVI qui l’avait initiée en 2007. Le projet a fait l’objet d’une grande consultation collégiale entre experts et pasteurs, à Rome et dans les conférences épiscopales. Elle a abouti à une vaste transformation de ce chapitre VI : sur les 89 canons qui composent ce Livre VI, 63 ont été modifiés, soit 71%, 9 autres canons ont été déplacés (10%) et seulement 17 restent inchangés (19%).
Les plus importantes modifications concernent la question des abus sur mineurs. Jusqu’alors considérés uniquement comme des délits contre "les obligations spéciales" (Titre V) propres au sacerdoce au même titre que la rupture du vœu de chasteté, ils sont aussi considérés comme des délits contre la vie, mais aussi "la dignité" – terme ajouté dans la révision – et la liberté humaine (Titre VI).
Sont concernés les abus sexuels commis par des clercs sur des mineurs mais aussi sur des personnes affectées par une quelconque fragilité. Le texte inclut aussi le détournement de mineur, la possession ou l’exhibition d’images pédopornographiques (Can. 1398).
Les laïcs dans l’exercice de leur mission ecclésiale sont eux aussi concernés par cette même modification. La prescription pour ces derniers passe à 7 ans, contre 5 ans auparavant. Pour les clercs, elle atteint désormais 20 ans (Can. 1362).
La révision du droit canonique prend aussi quelques précautions pour s’assurer de la bonne application des peines, que ce soit concernant la personne condamnée mais aussi pour les autorités épiscopales, insérant une notion de "vigilance" à plusieurs reprises. On observe aussi un élargissement et une rationalisation de l’échelle des peines. Est notamment ajouté le paiement d’une somme d’argent pour les fins de l’Église en fonction des règles mises en place par la conférence épiscopale (Can. 1336) – une mesure déjà en pratique dans les cas d’abus.
Le texte législatif comporte également de nouvelles normes en matière d’économie de manière à répondre aux récents litiges qui ont secoué le Saint-Siège. Ainsi désormais, "le clerc ou le religieux qui, outre les cas déjà prévus par le droit, commet un délit en matière économique" (Can. 1293) sera puni de peines expiatoires (Can. 1336) avec l’obligation de réparer le dommage commis.
Est stipulée l’interdiction de donner ou promettre quoi que ce soit afin que quelqu’un exerçant un office ou une charge dans l’Église "omette" d’agir illégitimement (Can. 1377). De même, celui qui accepte ces dons ou promesses sera puni selon la gravité du délit, jusqu’à la privation de l’office. De nouvelles normes qui pourraient être utiles pour prévenir tout risque de corruption.
Le même article défend quiconque exerçant une charge de demander "une offrande qui dépasse ce qui est établi ou des sommes supplémentaires" sous peine d’une amende pécuniaire appropriée ou d’autres peines, y compris la privation de l’office.
Le nouveau livre prévoit par ailleurs de nouvelles dispositions en matière de présomption d’innocence (Can. 1321) : désormais, "quiconque est retenu innocent jusqu’à ce que le contraire ne soit prouvé".
Enfin, sera punie toute personne qui empêche le libre exercice d’un ministère ou du pouvoir ecclésiastique ou bien l’usage des biens sacrés (Can. 1272), ou encore violentent un ecclésiastique exerçant un pouvoir. Autre nouveauté : ceux qui empêchent la tenue libre d’une élection ou violentent un électeur ou un élu seront sanctionnés. Une règle qui pourrait s’appliquer lors d’un conclave, d’un synode, ou lors d’élections au sein des conférences épiscopales.