On connaît la « plainte » célèbre de Saint Paul : « Je ne fais pas le bien que je veux mais je fais au contraire le mal que je ne veux pas. » (Rm 7, 19) Il en déduit qu’il est tout à la fois « esclave de la loi de Dieu » et « esclave de la loi du péché » (Rm 7, 25). L’apôtre était peut-être aussi sujet aux biais cognitifs !
Si nous ne pouvons pas éradiquer les biais cognitifs, nous pouvons néanmoins contrer leurs effets négatifs en prenant peu à peu de nouvelles habitudes. Voici quelques pistes pour apprivoiser nos biais cognitifs.
1Rechercher la contradiction
En mettant à distance nos convictions, le temps de considérer des thèses qui les nuancent ou s’y opposent, nous nous ouvrons à d’autres points de vue qui peuvent élargir notre connaissance, nous faire changer d’opinion ou nous conforter dans nos convictions…en sachant dès lors pourquoi nous préférons notre opinion à d’autres que nous avons pris le temps d’explorer et d’analyser. Nous allons « aux périphéries » de notre pensée, comme le demande le Saint Père, et au final nous y gagnons en ouverture et en profondeur de réflexion.
2Pratiquer un monologue intérieur constructif
Nos pensées et émotions premières peuvent être catégoriques et très pessimistes. Ainsi, lorsque nous sommes sujets au biais négatif d’interprétation, pouvons-nous nous exclamer : « Ma journée a été catastrophique ! ».
Un monologue intérieur constructif et maïeutique peut nous amener à voir les choses autrement et à nuancer notre propos initial. « Les 24h de la journée ? Que veux-tu dire par « catastrophique » ? ».
3Développer une pensée collective
Une manière de réduire notre rigidité mentale peut aussi consister à développer un « système de décision », notamment dans le monde de l’entreprise. C’est ce que propose Olivier Sibony, consultant et auteur de Vous allez commettre une terrible erreur (2019).
Il s’agit de fixer à l’avance les critères à remplir pour que telle décision puisse être retenue, de discuter explicitement des incertitudes au lieu de les mettre sous le tapis, enfin de ne pas faire confiance à sa propre opinion mais de l’exposer à une équipe, voire à deux équipes, à qui on demandera de trouver des arguments pour la défendre ou la disqualifier.
De cette pensée collective réfléchie et méthodique peut émerger une nouvelle pensée plus riche et moins rigide.
4Donner une place au doute dans notre cheminement spirituel
Dans la conscience de beaucoup de chrétiens, le doute est souvent perçu négativement. Pourtant, si on analyse le célèbre « doute » de Saint Thomas à propos de la résurrection du Christ, on peut observer qu’il a conduit Thomas à discerner ce que les autres apôtres n’avaient pas encore réalisé ni exprimé : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn 21,28).
Thomas, en activant son système de pensée « lent » pour reprendre le vocabulaire des neurosciences, autrement dit grâce au doute et au questionnement, a été le premier apôtre à reconnaître la divinité du Seigneur ressuscité. Il peut donc être bon de ralentir le rythme de nos pensées par un peu de doute… pour au final accéder à un meilleur discernement spirituel.
Aliénor Strentz est docteur en ethnologie-anthropologie, enseignante et fondatrice du blog « Chrétiens heureux » .