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L’antispécisme est-il le nouvel obscurantisme ?

Antispecisme
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Jeanne Larghero - publié le 15/05/21
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La confusion entre le monde animal et le monde humain ne peut servir de fondement à la protection des animaux.

Qu’appelle-t-on obscurantisme ? Les théories qui refusent les lumières de l’intelligence, le concours de la raison, celles qui piétinent l’héritage de la culture, et construisent leur discours en agitant un épouvantail : la peur et l’émotion. Évidemment, celui qui pense avoir raison est toujours tenté d’accuser son adversaire d’obscurantiste, lui évitant ainsi de le traiter directement d’abruti, quitte à passer lui-même pour un pédant… Il est pourtant un courant de pensée qui choisit ouvertement de renoncer aux clarifications que la raison impose, et qui mérite d’autant plus d’attention qu’il prétend constituer une force politique qui entend compter aux prochaines élections présidentielles. 

L’antispécisme refuse de reconnaître la différence spécifique qui sépare les humains du reste du monde animal. L’objectif est semble-t-il louable : condamner et empêcher les souffrances infligées aux animaux par les humains. Aveuglés par le sentiment de supériorité de leur espèce, attachés à leur suprématie, les humains exploiteraient sans vergogne les animaux, et ignorants de la conscience qu’ont les animaux de la douleur, ils les brutaliseraient sans scrupule. Partant de là, la théorie et la pratique marchent main dans la main : croyance en un continuum biologique animal-humain et lutte active contre la souffrance animale se confondent.

Le propre de la raison est d’éviter les simplifications faciles, le « j’aime - j’aime pas », et de reconnaître la complexité du réel.

Mais il semble justement que le propre de la raison, à la différence de l’émotion, du sentiment, soit de reconnaître et d’établir des distinctions là où règne la complexité. Le propre de la raison est d’éviter les simplifications faciles, le « j’aime - j’aime pas », et de reconnaître la complexité du réel.

Reconnaissons que la capacité qu’ont les humains à prendre en compte le bien-être des animaux, à œuvrer pour la survie des espèces menacées, à organiser un environnement, une agriculture qui intègre le monde animal, l’étudie, le soigne, est précisément le signe de ce dont nous n’avons pas toujours conscience : la responsabilité humaine vis-à-vis du reste de la nature. Paradoxalement, la nature toute entière, qui semble dominer notre pauvre et fragile espèce humaine de toute la force de ses éléments et des espèces puissantes, parfois effrayantes, qui la constituent, est placée sous la protection de l’homme, et le livre de la Genèse n’affirme pas autre chose… Nous, les humains, sommes en charge de la nature, et dotés des moyens de cette responsabilité : nous sommes pourvus de la forme spécifique d’intelligence qui permet… de penser l’absence. 

Nous sommes dotés de ce caractère unique qui nous sépare du monde animal, et ce faisant nous permet de le comprendre et d’en être les gardiens attentifs et efficaces.

Penser l’absence, cela signifie poser des objectifs qui n’existent pas encore, imaginer les moyens qui restent à inventer, se soucier des besoins de ceux qui vivront après nous, rêver demain, chercher Dieu. Nous sommes dotés de ce caractère unique qui nous sépare du monde animal, et ce faisant nous permet de le comprendre et d’en être les gardiens attentifs et efficaces. La grande erreur de l’antispécisme est de ne pas voir que l’issue favorable de son combat repose sur cette évidence. Comment convaincre les humains qu’ils ont la capacité à penser et respecter la condition animale tout en leur déniant cette forme d’intelligence particulière qui leur vaut d’être responsable de la nature et aptes à la protéger ? C’est pourquoi la confusion entre le monde animal et le monde humain ne peut servir de fondement à la protection des animaux, le caractère intrinsèquement contradictoire du brouillard antispéciste n’est pas le meilleur service rendu à la cause animale. 

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