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Haïti : retrouver le chemin de la fraternité

HAITI
Jean-Baptiste Noé - publié le 14/05/21
L’enlèvement de dix personnes, le 11 avril dernier, a montré une nouvelle fois les vulnérabilités d’Haïti, pays encore marqué par le terrible séisme de 2010 et d’insolubles problèmes politiques. Le pays reste fragile, soumis à la criminalité et à la violence, même si le changement de constitution peut apporter une lueur d’espoir.

L’ancienne île espagnole d’Hispaniola, française entre 1626 et 1809, a donné naissance à deux pays qui se partagent une même île : Haïti à l’ouest et la République dominicaine à l’est. Une île, deux pays, deux cultures et deux développements différents. La République dominicaine affiche un indice de développement humain (IDH) de 0.73, un fort PIB interne et un régime stable, en dépit des violences qui demeurent et de l’infiltration des cartels de la guerre. Haïti est au contraire un pays pauvre (IDH : 0.49), soumis aux aléas climatiques et aux violences. Les espoirs de l’indépendance de 1825 et les projets de Toussaint Louverture n’ont pas suffi, l’île demeure en retard par rapport à ses voisins des Caraïbes. La pauvreté favorise l’essor de la rapine et le développement de la criminalité, qui passe de plus en plus par l’enlèvement d’adultes, dont les ravisseurs espèrent pouvoir retirer une rançon.  

Ce fut le cas le 11 avril quand dix personnes ont été kidnappées, dont sept prêtres, alors qu’elles se rendaient à l’installation d’un nouveau curé. Une rançon d’un million de dollars fut demandée, une somme impossible à payer pour les missionnaires de la Société des prêtres de Saint-Jacques dont est originaire la quasi-totalité des victimes du rapt. L’enlèvement et la rançon sont devenus un commerce comme un autre et le prêtre une pièce de choix, car supposé disposer de solides soutiens financiers, notamment à l’international. Ces pratiques témoignent d’un risque d’explosion sociale si le gouvernement ne trouve pas un moyen d’y mettre un terme. Les otages ont été libérés sains et saufs le 30 avril, après intervention des ambassadeurs de France et des États-Unis.  

La constitution actuelle donne très peu de pouvoir au président de la République qui ne peut pas prendre les mesures nécessaires au gouvernement du pays. Établi en 1987, le texte avait pour objectif d’éviter une nouvelle dictature, donc de ne pas concentrer les pouvoirs entre les mains du chef de l’État. Mais le pouvoir est désormais tellement dilué, et notamment entre la multitude de partis politiques (plus de 260), qu’aucun gouvernement n’est possible. Le président est élu au suffrage universel, ce qui lui donne une véritable légitimité démocratique, mais le pouvoir est divisé entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Tous les acteurs politiques sont d’accord pour constater que la Constitution de 1987 est un obstacle au développement du pays et qu’elle doit être remplacée. Mais peu sont d’accord sur le texte qui doit en prendre la suite. Un référendum constitutionnel doit se tenir en juin prochain puis les élections présidentielles et législatives à l’automne. 

Dans le projet de constitution, le chef de l’État aura un vice-président, comme aux États-Unis, et le pouvoir législatif serait monocaméral. Il est également prévu que la diaspora haïtienne puisse voter. Si cette rénovation politique est un préalable, il n’est pas certain que cela soit suffisant pour sortir le pays de la pauvreté où celui-ci est englué depuis son indépendance.  

Haïti est également marqué par une prégnance de plus en plus forte du vaudou. Originaire du Bénin, cette pratique s’est implantée en Haïti où elle connaît un développement différent du vaudou nigérian et béninois. Pour être vaudou en Haïti, il faut être nécessairement baptisé catholique, ce qui n’est pas le cas en Afrique. Le vaudou a été interdit jusqu’en 1987, année où sa pratique fut dépénalisée. Il fut reconnu comme un culte à part entière en 2003. La danse, les transes, les tambours, les actes de magie se pratiquent la nuit et à l’écart des villes, en parallèle du culte catholique. Une situation qui inquiète les autorités de l’Église qui craignent le syncrétisme entre les deux cultes et les amalgames qui détournent de la foi catholique. Comme pour les mafias nigérianes, le culte vaudou est pratiqué par les associations criminelles lors de rites qui mêlent initiations et criminalité. Des pratiques qui fragilisent le corps social et politique et qu’il est beaucoup plus difficile de changer qu’une constitution. Haïti demeure l’île des espoirs, notamment avec les consultations électorales à venir, mais aussi l’île des fractures et des difficultés.  

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