Le célèbre péplum franco-italien Sodome et Gomorrhe, sorti sur les écrans en 1962, a réuni le réalisateur américain Robert Aldrich et l’italien Sergio Leone. Bien que plus habitués au genre du western, ces deux grandes légendes du cinéma seront pourtant à la source d’une évocation monumentale du personnage biblique Loth. Un homme, certes moins connu qu’Abraham ou Moïse, mais néanmoins acteur clef dans l’Ancien Testament pour avoir été associé à la destruction des villes perverties de Sodome et Gomorrhe. Loth est incarné dans le film d’Aldrich et Leone par le grand acteur américain Stewart Granger.
La vie de Loth, fils d’Harân, l’un des frères d’Abraham, nous est contée aux livres de la Genèse :
Loth et ses bergers arrivent alors sur les rives du Jourdain, y trouvant de l’eau, ils décident d’y installer leur camp. Mais, Loth prend bien soin d’avertir les siens de ne traverser le Jourdain sous aucun prétexte…
Robert Aldrich dont les films sont caractérisés par un univers sombre et violent trouve avec le récit biblique des deux villes synonymes des vices les plus vils un sujet de choix. C’est l’occasion pour lui de dépeindre les instincts les plus bas de l’homme en face desquels Loth apparaît d’une pureté rayonnante. Mais le personnage biblique n’est qu’un homme, et si sa foi est grande, ses faiblesses le conduisent cependant à accepter l’hospitalité des deux villes tentatrices et avec elle ses péchés. La Bible tout au long de son récit fourmille d’exemples où le peuple d’Israël se pervertit pour revenir à sa mauvaise conduite et au polythéisme, reniant ainsi l’Alliance conclue avec Dieu.
Le film Sodome et Gomorrhe, s’il appartient au genre du péplum guère propice aux évocations fidèles et historiques, suit néanmoins assez justement le récit biblique, de la perdition du peuple hébreu jusqu’à la destruction finale de Sodome et Gomorrhe. D’une durée de 2h34, cette réalisation est l’occasion de dresser un tableau sombre et cruel des deux cités livrées à la débauche où aucun vice n’est épargné et dont la funeste réputation sera même rappelée par Jésus dans le Nouveau Testament comme synonyme du mal. La cruelle reine des deux villes sous les traits de l’actrice Anouk Aimée cherche à perdre Loth et son peuple dans cette vie de débauche où tortures de tout genre et esclavagisme sont le lot quotidien. Tournée dans les magnifiques paysages de l’Atlas au Maroc, cette évocation grandiose réunissant un grand nombre de figurants n’échappe pas au genre du péplum avec ses danses tentatrices, ses décors de stuc colorés et de carton-pâte…
Le film « Sodome et Gomorrhe » a librement imaginé et développé la vie et les liens qui rapprochèrent précisément Loth de la reine de Sodome, mais aussi ceux l’unissant à sa seconde épouse Édith, esclave qui lui avait été offerte par la Reine. Or, le récit biblique ne relate guère le détail de la vie de Loth et de sa tribu lors de leur séjour à Sodome. Seules des traditions juives évoquent le nom d’Édith pour la seconde épouse de Loth, alors que la Bible n’emploie que le terme « femme de Loth ».
Cependant, si ce film approfondit les relations entre Loth, son épouse et la reine de Sodome, le récit de la destruction des deux villes s’avère par contre bien fidèle aux Écritures. Deux messagers célestes annonceront, en effet, à Loth la prochaine destruction des deux villes pour ces abominations : « Les deux hommes dirent à Loth : « Qui as-tu encore ici avec toi ? Gendre, fils, filles, tous ceux qui sont avec toi dans la ville, fais-les sortir de ce lieu. Car nous allons le détruire. Elle est grande à la face du Seigneur, la clameur qui s’est élevée contre ses habitants, et le Seigneur nous a envoyés pour détruire ce lieu. » (Gn 19, 12-13). Loth enjoint alors à ses gendres et ses filles de sortir de la ville dont le destin est scellé après qu’il a cherché en vain à intercéder pour elle. Loth précisera aux siens qu’ils ne devront en aucun cas se retourner, sinon ils seront transformés, ainsi que le mentionne la Bible, en statue de sel…
La scène finale illustre parfaitement tout le faste du péplum à force d’éclairs, tremblements de terre, dévastation par le feu, fracas et tonnerre… Le film se termine par le plan émouvant de la femme de Loth transformée en statue de sel pour n’avoir pu s’empêcher malheureusement de se retourner vers la ville dont elle fut l’esclave, conclusion de cet épisode biblique impressionnant et que ce film parvient à restituer avec une certaine réussite.