C’est dans une relative indifférence de la communauté internationale que le jugement est tombé début avril. Neuf militants historiques de l’opposition à Pékin ont été condamnés pour leur rôle dans l’organisation d’une des plus grandes manifestations qui avait eu lieu à Hong Kong lors de la crise politique de 2019. Rassemblant près de deux millions de personnes, cette manifestation, bien que pacifique, n’avait pas été autorisée. Ces sanctions ne font qu’illustrer la répression implacable que mène la Chine à Hong Kong. Parmi ces militants, cinq d’entre eux, au-delà de leur opposition marquée à Pékin, n’ont jamais hésité à témoigné de leur foi chrétienne.
Il participe à la messe tous les matins dans l’église Saint-Joseph, en plein centre-ville et s’occupe souvent des lectures.
À l'instar de l’avocat Martin Lee, surnommé “le père de la démocratie” car il est le corédacteur de la Constitution de cette région semi-autonome. Ce catholique pratiquant a été condamné à onze mois d’emprisonnement. Âgé de 82 ans, sa peine est néanmoins assortie de sursis. "Pour les catholiques, c’est un personnage familier", a écrit à son sujet le père Gianni Criveller de l’Institut pontifical des missions étrangères, dans un vibrant portrait publié sur Mondo e Missione, la revue des Missions étrangères de Paris (MEP). "Il participe à la messe tous les matins dans l’église Saint-Joseph, en plein centre-ville et s’occupe souvent des lectures". Le prêtre, qui a vécu 27 ans en Chine, rappelle également que Martin Lee a figuré pendant des décennies "parmi les conseillers les plus appréciés du diocèse, souvent invité à s’adresser aux prêtres, aux diacres et aux laïcs sur des thèmes brûlants de l’actualité".
La parlementaire Cyd Ho, âgée de 66 ans, a été quant à elle condamnée à huit mois de prison. "Elle m’avait dit pendant une manifestation que quand elle était enfant, elle avait été baptisée par un missionnaire des MEP", reprend le prêtre dans son hommage. L’intellectuelle Margaret Ng, catholique elle aussi et condamnée à une peine de prison avec sursis, s’était exprimée la nuit du 1er juillet 1997 (jour de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, ndlr) au côté de Martin Lee depuis le balcon du Parlement. Lors de sa déclaration elle avait évoqué Thomas More, patron des politiques. "J’ai travaillé au service de l’État de droit. Je sais que saint Thomas More est le saint patron des hommes de loi. Il a été jugé pour trahison parce qu’il n’avait pas plié la loi à la volonté de son roi", avait-elle déclaré. "Ses dernières paroles célèbres sont bien connues, je me permettrai juste de les adapter quelque peu pour les faire miennes : ‘Je suis une servante de la loi, mais avant tout du peuple. Parce que la loi doit être au service du peuple et non le peuple au service de la loi’".
Autre figure chrétienne condamnée : l’ancien député et leader syndicaliste – il est secrétaire général de la Confédération Syndicale de Hong Kong (HKCTU) – Lee Cheuk-yan, 64 ans. "Son épouse Elizabeth Tang a été "adoptée" quand elle était encore une petite orpheline, ainsi que ses deux sœurs, par le père Adelio Lambertoni, originaire de Velate (Italie), où les époux Lee se rendaient chaque année pour prier près de la tombe du missionnaire", reprend le père Gianni Criveller. Baptisé dans l’Église anglicane, Cheuk-Yan fréquente avec son épouse et sa fille la paroisse catholique de leur quartier et la maison des MEP. La vie des époux Elizabeth et Lee Cheuk-Yan a été entièrement consacrée à la justice sociale, motivée par leur foi chrétienne.
On retrouve enfin, bien sûr, sur le banc des condamnés, le magnat de la presse Jimmy Lai. Septuagénaire, il n’a jamais cessé de témoigner de son hostilité à la Chine. Né à Canton, il est arrivé à Hong Kong à l’âge de 12 ans comme passager clandestin d'un bateau. Il s’est converti au christianisme à l’âge adulte et a été baptisé à la fin des années 1990 par le cardinal Joseph Zen. Il aurait réalisé des dons à hauteur de 20 millions de dollars en faveur du cardinal afin de soutenir l’Église catholique dite "souterraine" (non-officielle) de Chine. Le fondateur d’Apple Daily, le journal le plus populaire de Hong Kong, a également confié que son combat pour la démocratie et la liberté était enracinée dans sa foi chrétienne. Emprisonné depuis janvier, il a été condamné à 14 mois de prison.
Lors d’un autre jugement rendu le 13 avril Joshua Wong, 24 ans, jeune figure du mouvement pour la démocratie à Hong Kong, a été condamné à quatre mois de prison pour avoir participé en octobre 2019 à un rassemblement interdit et enfreint la loi proscrivant de dissimuler son visage pendant les manifestations. Cette nouvelle peine va prolonger celle de 13 mois et demi de prison prononcée à son encontre en fin d'année dernière pour l'organisation d'un rassemblement interdit en juin 2019, qu'il est en train de purger. Protestant et animé par ses convictions, il a partagé à plusieurs reprises sa détermination sans faille. "Il ne s’agit pas de savoir si nos choix sont faciles ou pas, mais s’ils sont justes ou injustes", avait-il martelé. "Se battre pour préserver la démocratie sous un régime chinois autoritaire est une obligation, nous n’avons pas le choix."