Mercredi 8 avril, veille de la vente aux enchères d'un tableau représentant l’Ecce Homo, attribué à l’école de Ribera, c'est le branle-bas de combat au ministère de la Culture espagnol. Il décide de suspendre la vente ! Mise à prix 1.500 euros, cette œuvre serait potentiellement plus précieuse qu’il n’y paraît, et pourrait être attribuée au Caravage, rien de moins. Le tableau ne quittera donc pas le pays tant qu’il ne sera pas authentifié décident les autorités.
Le musée du Prado, qui a été le premier à émettre des doutes sur l’attribution du tableau, a rapidement contacté Maria Cristina Terzaghi, spécialiste du peintre et professeur à l’université de Roma III (Italie) pour confirmer ou non ses doutes. Après avoir vu la toile sur place, le constat est sans appel pour l’experte : "Je n’ai plus eu de doute, c’était évident pour moi, c’était une œuvre du Caravage" a-t-elle confiée, confortée par "le fait que d’autres y croyaient au Prado", avant d’ajouter que le temps d’authentification "durera le temps qu’il faudra", avec une équipe de plusieurs experts. L’origine de cet Ecce Homo, qui représente le Christ au moment de sa Passion, demeure un mystère. Éric Turquin, un expert parisien reconnu en tableaux, "n’a pas du tout été convaincu par la photo", bien qu’il n’a pas vu le tableau en vrai.
Si le débat s’appuie sur l'œil des spécialistes autant que sur les archives, il est connu que Caravage a peint au moins deux tableaux sur le thème du couronnement d’épines. Le seul texte connu, et écrit de sa main, évoque la promesse du peintre de réaliser un tableau sur ce sujet. Ce tableau, identifié, a été commandé par Massimo Massimi et se trouve aujourd’hui conservé au Palazzo Bianco de Gênes.
En comparant le tableau de Gênes et celui de Madrid, on remarque de fortes similitudes dans la composition. Le Christ, les mains liées, affaibli et humilié, est entouré d’un homme qui l’affuble d’un manteau rouge. Un autre, habillé de noir, se place devant lui. Sur l'un des tableaux, le Christ porte un bâton dans la main. Dans l'autre, c'est l'homme en noir. Deux scènes quasiment semblables avec, comme point commun, ce fameux clair-obscur si caractéristique du maître italien. L’historien de l’art allemand Max Jakob Friedländer (1867-1958) écrivait au sujet de cette maîtrise si singulière de l’artiste : "La faculté de remplir ses individus d’une vie interne, sensible et émouvante, sans le recours à l’idéalisation classique, ni à l’abstraction maniériste, est la qualité fondamentale de l’art du Caravage." Et si le nom de l’auteur du tableau retenu à Madrid demeure inconnu, c’est à la noble représentation du couronnement d’épines que l’acquéreur s’arrêtera.