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Les Évangiles sont-ils fiables ?

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Père Henry de Villefranche - publié le 29/03/21
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Si la connaissance de Dieu procède toujours de la foi, la foi trouve depuis 2.000 ans une assise inébranlable dans ce que rapportent les Évangiles, dont l’historicité ne fait aucun doute pour l’Église. Ils sont les témoins fidèles des événements de la vie de Jésus.

Pour beaucoup de religions qui n’ont aucun enracinement historique, peu importent les circonstances dans lesquelles les paroles de révélation divine ont été prononcées. Il en est ainsi des religions « traditionnelles » et des mythologies, comme les mythologies égyptienne, babylonienne ou grecque auxquelles les israélites ont été constamment confrontés. Dans les religions ou sagesses orientales et dans l'islam, des hommes inspirés ont délivré des messages sur le divin, sur le monde et sur l’humanité. Ces « prophètes » ont parlé à un moment donné de l’Histoire, mais ces circonstances n’ont pas d’importance en ce qui concerne la vérité de leur discours. Savoir que telle sourate du Coran a été écrite à Médine ou à la Mecque n’a qu’une importante tout à fait secondaire pour le musulman. Pour les juifs et les chrétiens, c’est très différent car la foi s’appuie sur des faits : Dieu s’est manifesté par des actes et en Jésus-Christ, il s’est rendu physiquement présent dans l’Histoire. 

Le Dieu de la Bible agit : « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte » (Dt 5, 6). Le Dieu d’Israël agit dans l’Histoire. Le premier des commandements du Décalogue, le texte le plus saint du peuple élu, est cette affirmation : « Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude. » Dieu se révèle à son peuple tout au long d’une Histoire, avec ses phases heureuses et malheureuses. Il en va des rapports de Dieu et de son peuple comme d’une famille, avec ses bons et ses mauvais jours. Israël vit dans l’espérance : un jour, le Messie viendra et instaurera définitivement le droit et la justice. Pour les chrétiens plus encore, Dieu est venu personnellement, il s’est incarné dans l’histoire. Jésus, né sous Hérode le Grand et crucifié sous Ponce Pilate, n’est pas un simple prophète. Il n’est pas seulement venu dire des paroles définitives sur Dieu. Il est lui-même le Dieu incarné qui « déchire les cieux », comme disait le prophète Isaïe. Il réunit le ciel et la terre en sa personne. Il triomphe du mal en acceptant de le subir par amour et sa victoire commence à se manifester par sa résurrection.

Pour l’homme qui s’interroge sur le christianisme, il ne s’agit pas de savoir si les Évangiles sont un beau mythe, mais de savoir s’il a des raisons de croire que cela s’est réellement passé.

Pour l’homme qui s’interroge sur le christianisme, il ne s’agit pas de savoir si les Évangiles sont un beau mythe, mais de savoir s’il a des raisons de croire que cela s’est réellement passé. La religion chrétienne est une religion incarnée. C’est pourquoi les quatre Évangiles sont remplis d’éléments très concrets, rapportés par tous ceux qui ont été « depuis le baptême de Jean le Baptiste » (Ac 1, 22) témoins oculaires des événements. 

Les Écritures saintes rendent compte de cette histoire en rapportant les faits et en en donnant le sens. La base, ce sont les faits. Les chrétiens pas plus que les juifs, n'ont une « religion du Livre ». Comme dans beaucoup d’autres religions, nous vénérons nos Écritures et nous les croyons inspirées par Dieu. Mais elles sont secondes par rapport aux initiatives divines, que l’on appelle plus volontiers sa Parole, ce qui n’est pas la même chose qu’un écrit. 

L’Histoire sainte commence quand Dieu appelle celui auquel il donnera le nom d’Abraham. Il n’y avait pas de greffier pour dresser le procès-verbal de l’entretien, ni de journaliste pour en publier le reportage mais la mémoire en a été conservée. Elle s’est transmise de génération en génération. Et un jour, il est apparu opportun de l’inscrire dans un ensemble de textes, l'Écriture sainte, c'est-à-dire la Bible. Il en est de même dans le Nouveau Testament. Les Évangiles y tiennent la première place parce qu’ils témoignent des événements vécus par Jésus et ses disciples. Par ses paroles, Jésus donne le sens de ces événements et les autres écrits du Nouveau Testament (Actes des apôtres, Épîtres, Apocalypse) ont mis en lumière tout ce dont ils étaient porteurs. Mais la base, c’est « ce que le Seigneur Jésus a vécu au milieu de nous » (Ac 1, 21-22). 

Dans cet esprit, les apôtres ont prêché sans cesse pour communiquer tout ce qu’ils avaient « vu, touché, entendu » (1 Jn 1, 1) du Christ Jésus, « depuis le baptême de Jean » (Ac 1, 22) jusqu’à son « enlèvement au ciel » (l’Ascension). Leurs enseignements délivrés d’innombrables fois, à des foules de plus en plus nombreuses ont été rédigés et publiés par les évangélistes dans ces récits que l’on appelle les Évangiles, à l’attention de publics différents.

Avant tout des témoins, les apôtres se vivent comme tels. C’est la mission que leur a donnée le Christ lui-même : « Vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement » (Jn 15, 26). « Vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Ce n’est pas une belle histoire qu’ils racontaient. Ils avaient conscience de témoigner de faits dont ils avaient été témoins et ils ne les renieront jamais, jusqu’au martyre.

Après la Pentecôte, l’Église naissante grandit très vite, avec les baptêmes de milliers de personnes touchées par la prédication et le témoignage des apôtres (Ac 2 , 41 ; 4, 3 ; 5, 4 ; 6, 1). Pour répondre à leur attente, les apôtres se consacrent au « service de la parole » (Ac 6, 1), prenant soin de l’enseignement de ces multitudes, qui devront à leur tour devenir des formateurs. Pendant des mois et des années, ils vont donc enseigner et répéter à ces multitudes de disciples « assidus à l’enseignement des apôtres » (Ac 2, 42) le témoignage de tout ce qu’ils ont vécu avec Jésus, et de tout ce qu’il a enseigné aux foules « depuis le commencement » de sa vie publique.

L’Évangile de saint Luc procède en revanche d’une démarche différente et complémentaire : il est le fruit d’une enquête auprès des témoins oculaires qui vise à vérifier et compléter les évangiles déjà existants.

Saint Matthieu rassemblera ces « Mémoires des apôtres » en milieu juif, avant que Marc, Luc et Jean fassent de même pour des publics différents. C’est ainsi que se fixent, selon toute probabilité rapidement, au cours de la répétition de ces enseignements et en langue hébraïque, les récits des « Mémoires des apôtres » qui seront rassemblés par saint Matthieu. L’Évangile rédigé par saint Marc, l'a été, selon la Tradition, à Rome, à partir des prédications de saint Pierre dont il était le disciple. L’Évangile de saint Luc procède en revanche d’une démarche différente et complémentaire : il est le fruit d’une enquête auprès des témoins oculaires qui vise à vérifier et compléter les évangiles déjà existants, qui sont très certainement ceux de Matthieu et Marc. L’Évangile de saint Jean rassemble et commente les paroles de révélations particulières et plus profondes, que Jésus destinait au petit cercle de ses disciples proches, déjà formés. Selon la Tradition, il sera publié par Jean au soir de sa vie, à Éphèse, après la révélation de l’Apocalypse, mais les paroles qu’il contient étaient « déjà stables et fixées » (saint Épiphane) depuis longtemps. 

C’est ainsi qu’au centre de chacun des textes évangéliques, il y a Jésus et le disciple témoin qui nous rapporte les événements. L’identité de chaque évangile est particulière. Dans chaque récit, il y a d’un côté Jésus, personnage historique qui a vécu dans un contexte particulier et identifiable, et d'un autre le lecteur attendu, dont on espère qu’il deviendra disciple. Les quatre auteurs sacrés nous ont chacun à leur tour rapporté ce qu’ils savaient, pour nous faire parvenir l’histoire des événements par-delà les siècles. C’est à eux que nous devons les Évangiles et leurs points de vue complémentaires sont autant de chemins qui doivent permettre de suivre Jésus, c’est-à-dire d’imiter son comportement.

Un seul témoignage et un seul regard ne suffisent pas, quand on veut cerner toute la richesse d’un événement concret. Comme le rappelle le concile Vatican II : « Les auteurs sacrés ont composé les quatre Évangiles, en triant certains détails entre beaucoup de ceux que la parole ou déjà l'écriture avait transmis, en en faisant entrer quelques-uns en une synthèse, ou en les exposant en tenant compte de l'état des Églises, en gardant enfin la forme d'une proclamation, afin de pouvoir ainsi toujours nous communiquer des choses vraies et authentiques sur Jésus » (encyclique Dei Verbum V,19), mais chacun l’a fait selon sa perspective propre, et dans le but de rejoindre un public particulier.

La doctrine chrétienne prêchée par les apôtres est originale parce qu’elle est marquée par un respect inconditionnel de la vérité et par une dénonciation permanente du mensonge. Soixante-quatre passages répartis dans l’ensemble du Nouveau Testament dénoncent vertement les attitudes mensongères. Dans l’Évangile de saint Jean, le Diable est désigné partout comme « menteur et père du mensonge » (Jn 8, 44). Les écrits chrétiens s’adressent à des personnes qui sont sans cesse invitées à rejeter tout mensonge et à témoigner de la vérité, d’une manière très incarnée. C'est vraiment une base du Nouveau Testament : « Amen, Amen », ce qui signifie : « En vérité, en vérité », est présent partout et le terme vérité (aletheia) est lui-même extrêmement utilisé — souvent d’ailleurs de manière redondante : « J'aime en vérité — non pas moi seulement, mais tous ceux qui ont connu la vérité — en raison de la vérité qui demeure en nous et restera avec nous éternellement » (2 Jn 1, 1). 

La vérité est un des noms du Christ et les chrétiens la magnifient sans cesse. L’historien ne devrait pas négliger ce parti-pris de vérité qui caractérise la première communauté chrétienne. « Qu’est-ce que la vérité ? » a demandé Pilate (Jn 18, 38). C’est d’abord une dénomination de Jésus qui a dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6) et qui dit être « venu pour rendre témoignage à la vérité » (Jn 18, 37). Tout l’Évangile dit la même chose et insiste sur la vérité : le Père cherche des adorateurs « en esprit et en vérité » (Jn 4, 23) et « sa parole est vérité » (Jn 17, 16). L’Esprit « de vérité » (Jn 14, 16), « rend témoignage » à la vérité (Jn 15, 16) et il nous « conduit à la vérité toute entière » (Jn 16, 13). Jean-Baptiste lui aussi est présenté comme ayant « rendu témoignage à la vérité » (Jn 5, 33). Saint Paul « manifeste la vérité » (2 Co 4, 2) et dit que « la colère de Dieu se révèle contre ceux qui tiennent la vérité captive dans l’injustice » (Rm 1, 18), que « la charité met sa joie dans la vérité » (1 Co 13, 6), qu’il faut « marcher selon la vérité » (Ga 2, 14), « vivre selon la vérité » (Eph 4, 15), « se soumettre à la vérité » (Ga 5, 7), « accueillir l’amour de la vérité » (2 Th 2, 10), etc. 

L’Église a toujours conservé ces quatre versions, sans jamais chercher à éliminer ou réduire les différences.

C’est encore le thème principal de saint Jean dans son Évangile, dans ses lettres et dans l’Apocalypse. À l’inverse, il n’y a « pas de vérité » chez le Diable. Par exemple, saint Paul distingue avec attention les paroles qui viennent du Christ et celles qui viennent de lui. Dans la première épître aux Corinthiens 7, 25, saint Paul distingue clairement les « prescriptions du Seigneur » de ses « propres avis ». Il semble donc inviter à exclure l’idée trop répandue selon laquelle on pourrait attribuer à Jésus dans les évangiles des paroles qu’il n’aurait pas lui-même prononcées. Tout porte à croire que l’Église primitive ne s’y croyait pas autorisée.

On n’a jamais cherché à gommer ce qui pouvait paraître comme des différences entre les Évangiles. Depuis près de deux mille ans, les quatre livres, appelés Évangiles, sont étudiés, analysés plus qu’aucun texte de la littérature mondiale ne l’a jamais été. Aucun des personnages de l’Antiquité ne bénéficie de quatre témoignages distincts. L’Église a toujours conservé ces quatre versions, sans jamais chercher à éliminer ou réduire les différences. Trois des Évangiles se ressemblent davantage, mais avec des caractéristiques propres à chacun. Le quatrième, celui selon saint Jean, tranche par rapport aux trois autres, mais il est incompréhensible sans eux. Il en est complémentaire. La pluralité des sources aurait pu être gênante et on aurait pu tenter de la gommer, mais son maintien montre qu’il ne s’agit pas de propagande sur des idées et au contraire de comptes rendus aussi complets et fidèles que possible sur des événements fondateurs complexes, dont la richesse permet de produire des interprétations toujours plus approfondies L’indépendance relative des témoins est vraiment un gage d’authenticité de même que le fait que l’on n’ait jamais cherché à dissimuler les différences.

Les Évangiles n’hésitent pas à présenter des faits et gestes de Jésus qui rompent avec son temps et qu’il aurait été difficile d’inventer ! Les évangiles rapportent des faits qui ne sont pas toujours faciles à défendre. Ils ne sont ni un éloge, ni une propagande, comme en atteste leur analyse. Un des critères d’historicité ou d’authenticité les plus intéressants est ce qu’il est convenu d’appeler « l’embarras ecclésiastique », car de nombreuses scènes rapportées par les évangiles sont à première vue « gênantes » pour les disciples et les croyants ! D’où viennent ces témoignages, écrits incontestablement par des juifs et cependant si choquants par bien des aspects pour des juifs ? Y voir une sorte de canular littéraire ou une pure fiction montée par quelques esprits échauffés ne serait guère conforme à ce que nous savons par ailleurs des mentalités juives en Palestine à cette époque.

Par exemple, Jésus se fait baptiser par Jean-Baptiste, ce qui le met en situation de subordonné ou de disciple, d’autant que Jean-Baptiste baptisait des pécheurs. Or dans la doctrine de Paul, Pierre et Jaques, il est clairement indiqué que Jésus était sans péché. On n’allait donc pas inventer cette scène dans le Jourdain ! La solidarité de Jésus avec les pécheurs alors qu’il est sans péché est vraiment originale. C’est une situation exceptionnelle, un fait qui s’impose à nous et qui est un élément supplémentaire à expliquer. Il faudrait encore citer la manière dont Jésus prône la non-violence et en même temps prend des coups de sang : les vendeurs chassés du Temple, c’est un geste très fort. De temps en temps des réprimandes contre ses propres disciples ou contre les autorités font un contraste étonnant avec les préceptes recommandant la douceur, le pardon des offenses... On a un portrait tout à fait haut en couleurs.

L’idée que le Messie attendu pouvait être souffrant était étrangère au judaïsme, malgré les prophéties d’Isaïe. On ne peut pas inventer la fin si brutale de Jésus Christ — elle s’impose à nous.

Autre exemple : celui que l’on présente comme le Maître par excellence n’a pas forcément bien réussi avec ses propres disciples. Ils ne comprenaient d’abord souvent pas ce qu’il leur disait ; un de ceux qui avaient été choisis l’a trahi ; celui qui devait devenir le chef des apôtres l’a renié ; et tous les autres ont fui alors qu’ils avaient passé plusieurs années avec lui, jour et nuit.

Enfin, Jésus, Roi des rois, et Seigneur des seigneurs a été humilié, frappé et crucifié avant de mourir. L’idée que le Messie attendu pouvait être souffrant était étrangère au judaïsme, malgré les prophéties d’Isaïe. On ne peut pas inventer la fin si brutale de Jésus Christ — elle s’impose à nous. Les faits sont violents et têtus. La grâce de Dieu permet de surmonter l’a priori qu’ils sont impossibles et de mesurer la fécondité de cet humainement impensable. Dernier exemple : Jésus ressuscité apparaît d’abord à des femmes. Jamais personne n’aurait inventé cela s’il avait voulu renforcer la crédibilité de l’événement dans la mentalité de l’époque, où le témoignage de la femme était juridiquement irrecevable.

La genèse des Évangiles ne procède pas d’une rédaction planifiée ou idéologique. Comment des faussaires ou des rêveurs cherchant à faire l’apologie de leur maître, Jésus, en le présentant comme le Fils de Dieu, auraient-ils accepté de le montrer recevant un baptême de pénitence donné par Jean, ignorant la date du Dernier Jour, ou anxieux à l’heure de sa mort ? Finalement, la solution la plus rationnelle, c’est de conclure qu’à l’origine, il y a bien des faits dont les évangélistes ont rendu compte. Sur le moment, ils n’ont pas compris grand-chose. Mais ces faits sont restés gravés dans leur mémoire et, dans la lumière de Pâques, ils ont trouvé leur éclairage. 

Le matériau historique des Évangiles est solide. Une connaissance toujours meilleure de la Terre sainte au Ier siècle et de ses usages l’atteste. De nombreuses découvertes récentes (par exemple, la topographie de Jérusalem) ont conforté la véracité et l’authenticité des récits des Évangiles – découvertes de l’archéologie, de Qumran, de la topologie, de la sociologie et des sciences historiques récentes. Tout ce que les évangiles rapportent est conforme à ce que l’on peut savoir de la vie en Judée au Ier siècle. Rien n’est gênant dans les récits évangéliques — y compris des points qui ont par le passé été jugés assez délicats ! On peut en donner plusieurs exemples :

On s’est longtemps posé la question de savoir s’il y avait-il des synagogues au Ier siècle de notre ère en Judée, notamment, ou si les synagogues ne se seraient développées qu’après la chute du Temple. Il aurait été anormal d’avoir des transpositions au Ier siècle de ce que l'on faisait au IIe siècle. Mais le XXe siècle a été une période de considérables avancées sur ces sujets. L’étude des textes aussi bien que l’archéologie ont permis de vérifier qu’il y avait bien des bâtiments synagogaux dans la Judée du Ier siècle.

Le contexte juif et romain décrit dans les évangiles est bien conforme à la réalité que peut discerner la science historique. Selon les textes, Jésus a vécu dans un milieu juif, imprégné de culture romaine. Y compris à des endroits qui avaient été incertains, les archéologues ont fini par retrouver des éléments romains du Ier siècle, des villas romaines, des théâtres, tout autour de Jérusalem et aussi près de Nazareth. Dans ce milieu juif qui était en même temps sous le contrôle de païens, on ressent la tension qui en découlait et on peut reconstituer en partie la façon dont Jésus devait vivre et dans quelles conditions. Les extraordinaires découvertes de Qumran ont aussi beaucoup éclairé le contexte juif de l’époque et ont permis de mieux comprendre de nombreux détails rapportés dans les Évangiles. 

Quant à la géographie à laquelle font référence les Évangiles, elle est bien celle de la Palestine au temps du Christ.

La sociologie du récit est enfin très intéressante à étudier. On découvre Jésus ayant affaire aux pharisiens ou à des sadducéens. Y compris des gens dont on ne sait pas très bien ce qu’ils représentaient, comme les hérodiens ! La dynastie d’Hérode est bien connue, sur un siècle entier, mais il y avait probablement un parti politique qui soutenait cette dynastie, qui avait été inventée puis marginalisée par le pouvoir romain, et qui est bien moins connue. De telles originalités ou particularités dans l’Évangile permettent des comparaisons avec les autres sources que nous pouvons avoir. Ces autres sources ne sont pas très nombreuses, ni du côté païen ni du côté juif. À tel point que dans le milieu universitaire israélien, à l’Université hébraïque par exemple, les Évangiles sont un objet extrêmement précieux d’études historiques, parce qu’ils sont souvent plus proches de la réalité que la littérature talmudique elle-même. 

Quant à la géographie à laquelle font référence les Évangiles, elle est bien celle de la Palestine au temps du Christ. L’analyse topographique permet, avec toute la mobilité que cela suppose en 2000 ans, de repérer aussi bien les paysages que les lieux, les villes et les villages. Le résultat des comparaisons est positif. La Jérusalem du temps de Jésus est de mieux en mieux connue. Les éléments narratifs du procès et de la condamnation, qui interviennent dans un laps de temps limité, sont par exemple parfaitement conformes à l’espace, qui lui aussi est très confiné. Tous les bâtiments sont à 150 mètres environ les uns des autres. Les itinéraires empruntés par Jésus dans Jérusalem sont aujourd’hui très repérables.

Au-delà des grands lieux mentionnés dans les Évangiles, les textes saints débordent d’indications d’endroits qui ont été vérifiés. À Jérusalem par exemple, on a mis à jour très récemment la piscine de Siloé, qui est au sud du Temple, avec une extraordinaire voie dallée qui permettait de remonter au Temple, notamment lors des rituels de la fête de Soukkôt dont les évangiles parlent plusieurs fois. Jésus y guérit un aveugle. Au XIXsiècle, on avait déjà retrouvé, au nord, la piscine de Bethesda dans laquelle Jésus guérit un paralysé.

Ces textes évangéliques et l’ensemble du Nouveau Testament ont été rédigés très peu de temps après les événements qu’ils rapportent. Tous les textes du Nouveau Testament sont basés sur le témoignage de contemporains du Christ. Saint Luc insiste dans l’introduction de son Évangile (Lc 1) sur les témoins oculaires qu’il a rencontrés, pour tout vérifier, à un moment où d’autres Évangiles (assurément ceux de Matthieu et Marc) avaient déjà été écrits. Et beaucoup de ces gens-là ont donné leur vie pour attester la vérité de ces témoignages. Tous les apôtres ont subi le martyre, les dix-neuf premiers papes sont morts martyrs, et aussi des multitudes d’évêques et de disciples. Il semble très difficile d’imaginer que ces personnes convaincues, qui parlent sans cesse de vérité et qui ont donné leur vie pour leur foi, puissent être des menteurs.

On ne voit pas pour quel autre motif et dans quel but ces gens simples, sans moyens, sans réputation et sans intérêt terrestre, auraient pu défier les mondes juifs, grecs et romains.

Comment imaginer saint Paul mentirait lorsqu’il écrit, avant l’an 60, que la plupart des témoins du Ressuscité sont vivants, alors que c’est justement vérifiable par ses contemporains ? On sait que les Lettres de saint Paul sont écrites entre 50 et 67 après Jésus-Christ. Il y écrit souvent des choses très précises, comme celles-ci : « Le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures ; il a été mis au tombeau, il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de 500 frères à la fois — la plupart d'entre eux demeurent jusqu'à présent et quelques-uns se sont endormis —, ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Et, en tout dernier lieu, il m'est apparu à moi aussi, comme à l'avorton » (1 Co 15, 3-8). On ne peut bien sûr pas écrire un texte comme celui-ci si on court le risque d’être démenti.

On ne meurt pas non plus pour ce que l’on saurait être un mensonge. « Je crois des témoins qui se font égorger », disait Blaise Pascal. Dès les origines, les chrétiens, sans fanatisme, ont été prêts à aller jusqu’au martyre pour défendre leur foi – et pour maintenir ce qu’ils avaient vu ou entendu. On ne voit pas pour quel autre motif et dans quel but ces gens simples, sans moyens, sans réputation et sans intérêt terrestre, auraient pu défier les mondes juifs, grecs et romains.

Enfin, la diffusion internationale large et très rapide des Évangiles dans toutes les Églises et aux quatre coins du monde en font de très loin les textes les mieux conservés du monde antique. Plus de la moitié des apôtres sont sortis de l’Empire romain. Seuls quatre, Pierre (Antioche, Rome, martyre à Rome), Jean (Éphèse), Jacques le Majeur (Espagne, martyre à Jérusalem – cf. Ac 12,2) sont partis en Occident. Jacques le Mineur est resté à Jérusalem, où il a été précipité du pinacle du Temple. D’après les traditions des différentes Églises apostoliques, tous les autres sont partis en Orient ou hors de l’Empire romain : André en Asie Mineure, Roumanie, Crimée (martyr à Patras), Philippe sur les bords de la Mer Noire (martyr à Hiérapolis), Barthélemy vers Ninive et en Arménie (martyr à Urbanos), Jude Thaddée en Babylonie (martyre à Edesse), Thomas en Inde et en Chine (martyr à Kalamande), Matthieu en Haute Égypte et en Éthiopie (martyr en Syrie), Simon le Zélote en Mauritanie, Arabie (martyr à Ostrakine) et Matthias, en Éthiopie (martyr à Biritov).

Les apôtres ont fondé des Églises variées, dont la postérité est constituée par l’ensemble des Églises apostoliques : grecs orthodoxes, chaldéens, syriens, arméniens, coptes, maronites, en Inde et jusqu’en Chine, dont les traditions et le patrimoine liturgique sont très utiles pour comprendre, compléter et valider les traditions occidentales. C’est grâce à ces différentes Églises, qui parlaient des langues très différentes et qui ont évidemment voulu disposer dès que possible des évangiles dans leur propre langue, que l’on a aujourd’hui la chance de disposer d’un nombre impressionnant de manuscrits du Nouveau Testament.

Pour la plupart des textes anciens, on n’a en général que quelques dizaines de copies manuscrites. Il n’y a que huit exemplaires manuscrits pour Hérodote, dix pour la Guerre des Gaules de Jules César, quelques dizaines au maximum pour les autres, et ces copies sont éloignées de sept, huit ou dix siècles des textes originaux. Mais personne ne remet jamais en cause l’authenticité de ces textes, dont l’enjeu spirituel est moindre, même s’ils sont de grand intérêt scientifique.

Ainsi, le Nouveau Testament est de très loin le texte le mieux conservé du monde antique.

Ainsi, le Nouveau Testament est de très loin le texte le mieux conservé du monde antique. Du fait de sa diffusion immédiate et dans toutes les Églises de ces textes, on dispose de 5.000 manuscrits grecs, 10.000 manuscrits latins, 9.000 en d’autres langues et plus de 36.000 citations de ces textes dans les écrits des Pères de l’Église et de leurs contemporains. Aucun autre texte ne présente scientifiquement de telles garanties de fiabilité et de conservation. Le fait que les textes aient été écrits par des contemporains et qu’ils aient été immédiatement diffusés dans le monde entier et traduits dans toutes les langues connues dans de telles proportions interdit évidemment toute idée de falsification, comme l’islam a pu le prétendre, six siècles après les événements et sans jamais apporter la moindre preuve de cette affirmation.

Les Anciens avaient réfléchi sur ce qu’est l’histoire. Le travail des évangélistes s’inscrit dans cette réflexion — non seulement juive, mais aussi gréco-latine — qui dit qu’il ne suffit pas de cumuler des événements, car il faut les mettre en récit. De plus, si l’oral est important, nous avons déjà à l’époque l’éloge du document. Saint Paul, dans une de ses lettres, demande qu’on lui apporte ses rouleaux et il loue une école à Ephèse (Ac 20) parce qu’il y trouve des tables, nécessaires à son travail ! Les textes des Évangiles ont été scrupuleusement transmis. Ainsi, il est impressionnant de voir à Dublin, à Rome, à Genève, trente feuillets parfaitement lisibles des lettres de saint Paul qui datent de l’an 200. L’histoire de la transmission de nos textes du Nouveau Testament est extraordinaire, qui nous donne de manière fragmentaire l’immense respect que l’on avait dès le IIe siècle pour ces récits, alors que les évangiles apocryphes avaient beaucoup moins d’intérêt déjà à l’époque — eux qui ont été beaucoup moins transmis, beaucoup moins lus ; tout en n’étant pas interdits.

La fiabilité historique des Évangiles est affirmée aussi par l’Église, de la manière la plus ferme. Le concile Vatican II l’a redit clairement :

Mais si la foi s’appuie sur les Évangiles, elle ne se déduit pas d’eux et requiert un assentiment libre. Selon les écoles et leurs présupposés souvent déterminants, les dimensions du « noyau » historique des Évangiles ont été estimées plus ou moins largement, mais il serait ridicule de nier l’existence de ce noyau. Pour autant, la foi reste un acte libre, auquel aucune déduction ne peut conduire. Prenons deux exemples. Que Jésus ait eu des prétentions divines, il est plus raisonnable de l’admettre que de l’exclure. Mais ces prétentions étaient-elles légitimes ? L’historien le plus catholique refusera, en tant qu’historien, de répondre à votre place. Au troisième jour après sa mort, Jésus est ressuscité : tous les écrits chrétiens en témoignent. Puis-je y croire ? Dois-je y croire ? C’est une question de conscience. La réponse peut m’emmener plus loin que je ne l’aurais pensé.

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