Décédé ce jeudi 25 mars à l’âge de 79 ans, le cinéaste Bertrand Tavernier a entraîné avec lui un grand nombre de comédiens et de techniciens du cinéma talentueux. Philippe Noiret et Claude Rich, pour ne citer qu’eux, lui doivent parmi leurs plus beaux rôles. Avec une trentaine de films à son actif, il s’est imposé dès les années 1970 comme un relais du cinéma français, avec Que la fête commence (César du meilleur réalisateur en 1976) ou Le Juge et l’assassin. Plus tard, La Passion Béatrice, La fille de d’Artagnan et Quai d’Orsay achèvent de lui donner une place chez les grands noms du cinéma français. Nommé une vingtaine de fois aux Césars, il en a reçu quatre au long de sa carrière et dirigeait jusqu’à sa mort l’Institut Lumière de Lyon.
En 1960, Bertrand Tavernier est jeune étudiant à Paris où il fonde une revue d’étudiants dédiée au cinéma. C’est à cette occasion qu’il interviewe le réalisateur Jean-Pierre Melville et se retrouve son assistant à la réalisation sur le tournage de Léon Morin, prêtre (1961), où Jean-Paul Belmondo incarne ce "saint qui ne sait pas qu’il est un saint" comme l’écrivait François Mauriac dans le Figaro littéraire. Il raconte cette rencontre déterminante dans le documentaire Sous le nom de Melville, d’Olivier Bohler. Loin des contes, cette expérience est dramatique, ce qui n’en empêche pas une fin heureuse. En effet, le jeune Tavernier craint le caractère homérique de Jean-Pierre Melville. Quand il lui recommande, en tant qu’assistant, d’aller voir le film Les contrebandiers de Moonfleet, le metteur en scène somme l’équipe de ne plus lui parler pendant trois jours en guise de punition : il n’a pas aimé ce film. Cela n’empêche pas l’amitié de se nouer entre eux. Et c’est sans doute grâce à l’aventure de ce film que Bertrand Tavernier a pu en faire plus tard.
Après le tournage, le cinéaste se rend chez les parents de l’apprenti réalisateur avec Claude Sautet pour les convaincre de le laisser faire du cinéma. Le jeune premier pouvait maintenant marcher sans crainte vers son destin, celui d’une haute figure du cinéma français, touche à tout, curieux, besogneux, audacieux et libre. Il pouvait même être en avance sur son temps, comme avec Une semaine de vacances (1980) et Ça commence aujourd’hui (1999) qui évoquent la crise de l’école et de l’enseignement. On se souviendra surtout de tous les voyages dans l’Histoire vécus grâce à Bertrand Tavernier, des plongées dans le réalisme de la France, de tous les dialogues savourés, de sa diversité de tons et de l’excellence de sa direction d’acteurs.