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Les marchands du temple : où est la colère de Jésus ?

Jésus chasse les vendeurs du temple

Le Christ chassant les marchands du Temple, version de Londres, par Le Greco.

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Pierre Vivarès - publié le 05/03/21
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Jésus chassant les marchands du Temple n’est pas en colère, comme nous le sommes quand on ne se maîtrise plus. Son geste est un message qui révèle une vérité cachée.Ce troisième dimanche du carême, nous entendrons ce passage d’Évangile où il est soi-disant question de la sainte colère de Jésus (Jn 2, 13-25). Certains croient pouvoir se servir de ce passage pour justifier leurs énervements divers et variés. Même certains théologiens ont pu se servir de ce texte pour justifier des formes de violence. Si on prend le temps de bien lire le texte, on verra qu’il ne s’agit en rien d’une colère. 

Un geste prophétique

Ces vendeurs avaient pris l’habitude de se rapprocher le plus possible de l’entrée du premier parvis du Temple, au risque de déborder sur l’espace réservé à la prière. Bien sûr ils n’étaient pas dans le temple, lequel était vide et où seul le grand prêtre entrait une fois l’an, mais sur le parvis. Les animaux servaient aux sacrifices et pour les acheter, il fallait changer l’argent pour obtenir une monnaie qui ne servait que dans le Temple et que pour celui-ci. En 30 av. J-C, le grand prêtre avait transféré le marché de la viande du Mont des Oliviers où il était auparavant à l’entrée du Temple, permettant ainsi des revenus supplémentaires. L’opération mercantile était claire et le Temple était riche. 

En faisant ainsi, il leur montre où va leur cœur : vers le sol, vers la terre et vers l’argent.

Le Christ prend le temps de faire un fouet avec des cordes. Pour chasser de nombreux bœufs et brebis, il faut au moins cela. Il renverse les tables des changeurs, ce qui va les obliger à se mettre à genoux pour ramasser leurs pièces. Or, dans un Temple, on ne se met normalement à genoux que pour adorer Dieu. En faisant ainsi, il leur montre où va leur cœur : vers le sol, vers la terre et vers l’argent. Il dit enfin aux marchands de colombes « d’enlever cela d’ici », car s’il avait renversé les cages les contenant, les colombes se seraient envolées et les marchands auraient perdu leur bien. Tout cela est pensé par le Christ et ne ressemble en rien à nos colères au cours desquelles on ne réfléchit plus très bien à ce qu’on fait ou dit. Ce geste est dans la lignée des gestes prophétiques qui révèlent une réalité cachée. D’ailleurs la première question posée est : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Tous ont très bien compris que Jésus pose un acte religieux, un acte de zèle pour la sainteté du Temple et la prière qui doit s’y dérouler. 

Il se révèle sans s’imposer

On peut se demander pourquoi tant de zèle : en effet, il sait que le Temple sera détruit d’ici quarante ans, il sait qu’il est l’image du Père (« qui m’a vu a vu le Père ») alors pourquoi s’occuper de ce qui va disparaître ? Tout d’abord pour faire le lien entre le Temple et son corps : « Détruisez ce Temple et en trois jours je le relèverai. » Cette annonce de la Résurrection permettra aux disciples de faire le lien entre le Temple de Jérusalem, demeure de la gloire du Père, et le corps de Jésus. Après la résurrection, même si nous voyons les apôtres aller prier au Temple dans le livre des Actes, le Temple ne sera plus nécessaire comme il l’a été : le corps du Christ qu’est l’Église, le corps eucharistique célébré et le corps du pauvre servi le remplaceront. Ensuite il fait cela pour permettre au peuple de comprendre qu’il est l’envoyé du Père : « Beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait. » De même qu’il guérit, de même qu’il enseigne, il pose aussi des gestes qui révèlent qui il est sans le dire. La multiplication de pains, la marche sur les eaux, la Transfiguration : autant d’actes de révélation, pour plus ou moins de témoins choisis, afin que chacun fasse un chemin intérieur de découverte et de foi. Afin de respecter la liberté de tous, il ne s’assied pas en leur disant : « Écoutez les amis, je suis le Verbe de Dieu, la deuxième personne de la Trinité, vrai Dieu et vrai homme et d’ailleurs je vous le prouve : pif, paf un miracle ! » 

Apprendre à se maîtriser

Cette façon de faire serait violente et ne respecterait pas la liberté de chaque personne de faire un chemin de foi. Dieu se révèle, il ne s’impose pas. Certains voudraient un Dieu un peu plus radical, qui fait clairement comprendre qui il est et ce qu’il veut. Un Dieu qui se met en colère et qui nous ressemble un peu. Mais le temps du carême est le temps pour ressembler à Dieu et non l’inverse ! Pensons à ce que nous faisons, à ce que nous disons et maîtrisons nos actes et nos paroles, même lorsque celles-ci doivent être claires ou exigeantes envers ceux dont nous avons la responsabilité. 


Jésus et les marchands du temple
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