C’est un moment rare et émouvant qu’ont vécu les moines de Saint-Wandrille (Seine-Maritime) fin janvier. Les corps de cinq anciens moines de l’abbaye, retrouvés lors de fouilles archéologiques préventives, ont été ré-inhumés dans le cloître de l’abbaye. Pour l’occasion, la communauté a organisé une petite cérémonie religieuse symboliquement forte. Tout commence en 2018. Alors que les moines de l’abbaye de Saint-Wandrille entreprennent des travaux d’assainissement dans le cloître pour faire passer un conduit, des fouilles archéologiques préventives sont organisées par l’Inrap. Une étape obligatoire sur tout site historique avant la réalisation de travaux. Que ne fut pas leur surprise de découvrir, en creusant, plusieurs ossements humains superposés les uns sur les autres. “Rien n’indiquait leur présence”, explique le père abbé de Saint-Wandrille, le frère Jean-Charles Nault.
Ces corps, dont il restait quelques traces de vêtements, ont été étudiés dans les laboratoires de l’Inrap. Grâce à ces recherches, deux corps ont été présumément identifiés. Il s’agirait de ceux de Dom Laurent Carrel, scribe de l’abbaye mort en 1730 et de Dom Pierre Esnot mort en 1734, deux moines de la Congrégation de Saint-Maur. Une fois l’étude terminée, les moines ont expressément demandé à l’Inrap de récupérer les corps afin qu’ils soient ré-inhumés au même endroit. Habituellement, les restes découverts lors d’études archéologiques sont entreposés dans des réserves afin d’enrichir les connaissances scientifiques. Exceptionnellement, et parce que l’abbaye est encore active, l’Inrap a accepté de rendre les ossements. Désireux de leur offrir une sépulture digne, la communauté de Saint-Wandrille a créé des petits caveaux pour l’occasion.
Le 27 janvier, en début d’après-midi, toute la communauté s’est ainsi rassemblée pour assister à la ré-inhumation et organiser une petite cérémonie religieuse. Placés de part et d’autre des caveaux, les moines ont procédé à une lecture forte de sens, faisant écho aux ossements desséchés et la résurrection que tout croyant attend. Un extrait du chapitre 37 du Livre d’Ézéchiel :
Alors le Seigneur me dit : « Fils d’homme, ces ossements peuvent-ils revivre ? » Je lui répondis : « Seigneur Dieu, c’est toi qui le sais ! » Il me dit alors : « Prophétise sur ces ossements. Tu leur diras : Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur :
Ainsi parle le Seigneur Dieu à ces ossements : Je vais faire entrer en vous l’esprit, et vous vivrez. Je vais mettre sur vous des nerfs, vous couvrir de chair, et vous revêtir de peau ; je vous donnerai l’esprit, et vous vivrez. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur. »
Dans cette atmosphère baignée par des chants grégoriens et des nuages d’encens, les moines ont recouvert les ossements d’un linge sur lequel ils ont apposé des plaques de métal, gravées de quelques éléments historiques pour les générations futures. Enfin, le tout a été scellé par une dalle. Une étape effectuée par les ouvriers du chantier de restauration présents lors de la cérémonie. Gilles Deshayes, l’archéologue responsable de la fouille et Aminte Thomann, anthropologue à l’Inrap avaient également fait le déplacement.
“Cette cérémonie était très émouvante pour nous”, confie le père abbé. “Depuis le début du Covid-19, nous enchaînons les funérailles”, dit-il avec émotion. En effet, la communauté a déjà perdu quatre moines depuis novembre dernier des suites de l’épidémie. “Re-inhumer des moines que nous n’avons pas connu est très particulier mais c’était important pour nous de leur offrir une sépulture digne”.
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