Avec le projet de loi du gouvernement, le christianisme et le judaïsme risquent de perdre des droits fondamentaux selon le président de Via-La voie du peuple.Président de Via-La voie du peuple, l’ancien Parti chrétien-démocrate, Jean-Frédéric Poisson est candidat à l’élection présidentielle de 2022. Il fait part à Aleteia de ses inquiétudes sur la loi « confortant les principes républicains ». Ce texte n’est pas, d’après lui, à la hauteur des enjeux et menace de remettre en cause des droits fondamentaux pour les autres religions que l’islam.
Aleteia : le projet de loi « confortant les principes républicains » s’appelait auparavant « projet de loi contre les séparatismes ». Qu’est-ce que ce changement de nom révèle d’après vous ?
Jean-Frédéric Poisson : Il révèle deux choses essentielles. On refuse de désigner l’adversaire qui est l’islam conquérant. C’est le seul séparatisme aujourd’hui. Emmanuel Macron avait pourtant été plus offensif lors de sa conférence de presse de novembre dernier. Le projet de loi « confortant les principes républicains » est donc une reculade du gouvernement. D’autre part, la notion même de séparatisme est gênante car elle semble acter la division de notre pays. J’entends par là que le séparatisme intervient lorsqu’un pays est déjà divisé en communautés : le problème n’est plus alors d’assurer la cohésion sociale mais seulement d‘empêcher qu’une communauté, constituée sous forme communautariste, sorte du giron de la République.
Comment expliquez-vous la volonté de cibler des « séparatismes » en général, quitte à amalgamer toutes les religions ?
J’y vois l’idée d’imposer par la force la suprématie de la loi républicaine sur toute autre forme de loi. Le ministre de l’Intérieur nous explique que nous ne pouvons pas discuter avec ceux qui font primer la loi de Dieu sur la loi de la République. Je suis croyant et la République ne réglera pas ma conscience même si je respecte évidemment l’ordre républicain. Dans ma vie privée, comme dans ma vie publique, les commandements de Dieu sont pour moi supérieurs à ce que la République m’incite à faire ou non. L’immense majorité des croyants sont dans une même perspective.
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Malgré un mauvais intitulé et des expressions malheureuses, estimez-vous que ce projet de loi est à la hauteur des enjeux ? Qu’apporte-t-il de positif et quels sont ses principaux manques ?
Des choses vont dans le bon sens et d’autres non. J’ai proposé déjà que le régime des associations cultuelles soit imposé à toutes les associations culturelles créées par les musulmans en France, comme les écoles coraniques ou les centres culturels (cf. L’Islam à la conquête de l’Occident, éditions du Rocher 2018). Ce sont en réalité des lieux de culte car l’islam ne connaît pas de séparation entre politique et religion ; tous les lieux culturels de l’islam sont par conséquent religieux. En revanche, je n’approuve pas ce projet de loi à deux titres. Il est inutile car beaucoup des dispositions qu’il contient sont déjà dans notre droit : les luttes contre la polygamie, le mariage forcé et la haine sur les réseaux sociaux notamment. Il est aussi dangereux car toutes les religions sont concernées par les mesures portant sur l’association culturelle, y compris le christianisme et le judaïsme qui risquent de perdre des droits fondamentaux. J’ajoute aussi qu’en voulant interdire l’éducation à la maison, le gouvernement remet en cause une garantie constitutionnelle. Il fait comme si les parents n’avaient pas l’autorité sur leurs enfants. C’est une vision socialiste des choses. Le projet de loi Vincent Peillon de 2013 désignait déjà l’État comme un « co-éducateur » avec les parents.
Je conçois, bien sûr, qu’une égalité des croyants devant la loi soit indispensable mais on ne peut pas procéder pareil avec des religions qui acceptent la division entre le spirituel et le politique.
Les représentants des religions ont aussi fait savoir leurs craintes. Les reprenez-vous à votre compte ?
Elles sont absolument justifiées. Cela devrait provoquer chez les responsables des confessions des protestations très vigoureuses et déclencher des procédures de leur part. Je conçois, bien sûr, qu’une égalité des croyants devant la loi soit indispensable mais on ne peut pas procéder pareil avec des religions qui acceptent la division entre le spirituel et le politique, voire qui l’ont théorisé comme c’est le cas du christianisme (« Rendez à César ce qui est à César ; et rendez à Dieu ce qui est à Dieu »), et celle qui ne l’accepte pas (l’islam). Deuxièmement, ce projet de loi fait peser une incertitude insupportable sur des associations qui sont très anciennes. Je pense par exemple à ces associations issues des accords signés en 1923 par l’État avec le Vatican et qui régissent aujourd’hui le système des associations diocésaines. Comment une loi pourrait-elle passer outre un traité ? Ces associations pourraient voir leur agrément potentiellement remis en cause par le préfet jusqu’à éventuellement leur interdire l’organisation du culte dans leur périmètre. Que ce soient les atteintes à la liberté culturelle ou à la liberté d’éducation, il y a donc dans ce projet de loi la marque des États les plus autoritaires.
Propos recueillis par Laurent Ottavi
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