Chaque année, les 26 et 27 janvier, la principauté de Monaco célèbre la fête de sa patronne, sainte Dévote.Paul et Virginie pressaient le pas. Arrivés quelques heures plus tôt de Paris, ces jeunes quadras plein d’allant, ne voulaient rien rater des fêtes de sainte Dévote, auxquelles, par curiosité, ils avaient choisi de venir assister à Monaco. Histoire de rigoler un peu. Histoire de se changer les idées loin de la morose ambiance sanitaire française. Arrivés au Port Hercule, intrigués, ils constatent la mise en place d’un décorum digne d’un chef d’État : fanfare, officiels, détachement militaire, etc. Les plus grands honneurs sont rendus, non pas à un yacht luxueux — pourtant il n’en manque pas ici —, mais à une simple barque. Yeux écarquillés, ils cherchent à comprendre. Un marin porte, haut et fier, un reliquaire contenant les ossements de la sainte fêtée en ce jour, patronne de Monaco, de la famille princière et du diocèse.
Le prince et l’archevêque
Les tirs d’armes à feu éclatent et, solennellement, un prêtre en chape rouge saisit les reliques arrivées à bon port. Après avoir béni la mer et la ville, il prend le chemin du vallon vers la petite église. Paul et Virginie, amusés, suivent le mouvement et non sans l’aide de la Providence, trouve place au fond de l’église. Le nom même de sainte Dévote les fait sourire mais ils découvrent, dans le programme à leur place, qu’il s’agit de celui que les premiers chrétiens de Monaco ont donné à cette jeune femme, martyrisée en Corse, échouée miraculeusement chez eux. Dévote : dédiée à Dieu.
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Ils en sont là de leur réflexion quand la musique résonne pour accueillir le prince souverain, son épouse et leurs deux enfants. Le prince avance dans l’allée centrale, précédé de l’archevêque. Il salue, avec une certaine convivialité dans les yeux, une bonne partie de l’assemblée. Paul et Virginie sont frappés. Loin des quelques mises en scène glaçantes des cérémonies parisiennes auxquelles ils ont pu assister à Paris, il constate une bonhomie teintée de dignité qui s’exprime sous leurs yeux. Leur étonnement va grandissant quand il se rende compte que ce chef d’État se signe ouvertement, esquisse une génuflexion, puis carrément, s’agenouille devant les reliques de sainte Dévote et plus encore devant le Saint-Sacrement quand il est exposé. Ils scrutent les visages, pensant trouver à quelque rire ou rictus, une forme de détachement laïque face à toute cette religion ! Mais non. Rien. Et même, il semble bien que tous ils y croient ! Paul et Virginie « hallucinent », car ce qu’ils vivent est bien loin des caricatures qu’ils ont pu lire sur ce petit État méditerranéen. Ils perçoivent aux attitudes du prince et de son épouse un vrai recueillement, un désir profond de croire et, en cette période si dure, d’espérer.
Les clous de la sainte
Ce sont d’ailleurs les mots du célébrant. Sainte Dévote nous montre un horizon : celui de Dieu. Elle nous montre un chemin : celui de l’amour. Elle nous oblige, du souverain au dernier des résidents monégasque, à la bienveillance entre nous. « Plutôt que d’invoquer la constitution monégasque qui définit la religion catholique comme religion de l’État, que tous par leur vie, permettent de dire, comme des premiers chrétiens : regardez comme ils s’aiment. »
Chacun ira récolter dans les cendres encore fumantes, les clous de sainte Dévote, ferveur et foi populaires leur attribuant un pouvoir protecteur, pour l’année à venir.
La cérémonie dans l’église prend fin. Paul et Virginie, sans se poser de questions cette fois, suivent la procession touchés par la ferveur populaire qui s’exprime : Santa Devota prega per nui, scandent les sujets du prince, derrière et avec lui. Dehors, dans la nuit méditerranéenne constellée d’étoiles, la fanfare joue l’hymne national. Aussitôt après, le prince et sa famille vont embrasser la barque de sainte Dévote — souvenir de celle des brigands du Moyen Âge qui avaient essayé de voler le corps de la sainte. Dans l’air frais et nocturne de ce mois de janvier, crépite le bois qui brûle, et montent, claires, chaleureuses, lumineuses, les flammes, avec les chants et l’enthousiasme des participants. Un couple de monégasque, voyant les regards interloqués de Paul et Virginie, leur explique que, dès que cela sera possible, chacun ira récolter dans les cendres encore fumantes, les clous de sainte Dévote, ferveur et foi populaires leur attribuant un pouvoir protecteur, pour l’année à venir.
Des germes d’espérance
Vendredi 27 janvier 2021. Assis côte à côte dans le métro parisien, Paul et Virginie regrettent déjà ces heures intenses. Paul fouille dans sa poche et en retire un clou ! « Mais tu n’es pas dingue ?”, s’exclame Virginie. — “Pas du tout ma chérie. En ramassant ce pauvre clou, j’ai pensé combien nous aurions besoin, nous autres en France, d’un souvenir de cette ferveur si simple à laquelle nous avons pu participer. — Mais enfin, sois quand même rationnel, mon pauvre. — Je crois l’être, mais il me semble bien que nous devrions prendre un peu exemple de ce petit État, proche de nous et très moderne par bien des aspects, pour réconcilier vie publique et foi dans notre pays et redonner à chacun de nos concitoyens les germes de l’espérance et de la transcendance.”
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