Le pape François a reconnu ce jeudi 21 janvier les vertus héroïques du professeur Jérôme Lejeune. Pour Aude Dugast, postulatrice de sa cause de canonisation, cette annonce est un signe d’espérance au moment où le projet de loi de bioéthique s’apprête à être examiné par le Sénat.“Ce qui est frappant chez Jérôme Lejeune, c’est qu’il avait toujours l’espérance. Il disait : “La mort est une victoire dérisoire, seule la vie peut gagner, et la vie gagnera”. Alors que le pape François vient de reconnaître les vertus héroïques du professeur Jérôme Lejeune (1926-1994), médecin et professeur de génétique à l’origine de la découverte de la trisomie 21, Aude Dugast, postulatrice de sa cause de canonisation, revient pour Aleteia sur la figure emblématique de Jérôme Lejeune et sur ce que représente cette reconnaissance.
Aleteia : Déclarer le professeur Lejeune vénérable, est-ce une reconnaissance pour l’ensemble de son travail en faveur de la recherche ?
Aude Dugast : C’est une reconnaissance pour l’ensemble de son œuvre. La partie recherche, bien sûr, mais également la partie soins. Sa première vocation était de soigner ses patients. C’est dans ce désir de soigner les patients qu’il s’est ensuite mis à chercher comment les guérir. Le professeur Lejeune avait une vision globale, au service des patients. C’est également une reconnaissance pour l’autre volet de son action, qui était la défense inébranlable de la vie. Il était un avocat de la dignité de la vie et des enfants trisomiques.
Quel héritage le professeur Lejeune a-t-il laissé ?
À la mort de Jérôme Lejeune, toute son œuvre aurait pu s’arrêter. Sa famille et ses amis porches ont décidé de créer la Fondation Jérôme Lejeune en 1996 pour poursuivre son travail. Aujourd’hui, elle le fait de manière très fidèle, avec encore plus de moyens. Elle déploie ces trois actions : chercher, soigner, défendre. Au regard de l’actualité bioéthique, le travail mené par la fondation est plus que jamais nécessaire. Ce qu’elle fait est un miracle quotidien de Jérôme Lejeune.
Alors que le Sénat s’apprête à passer en revue le projet de loi bioéthique – l’examen en séance en deuxième lecture démarre le 2 février prochain – la reconnaissance des vertus héroïques de Jérôme Lejeune a-t-elle quelque chose de prophétique ?
Cette annonce intervient le 21 janvier 2021. On ne peut pas s’empêcher de penser au chiffre “21” de trisomie 21. C’est peut-être un petit clin d’œil du ciel. Y a-t-il eu une intervention de Jérôme Lejeune ? Je ne sais pas.
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Ce qui est frappant chez Jérôme Lejeune, c’est qu’il avait toujours l’espérance. Il disait : “La mort est une victoire dérisoire, seule la vie peut gagner, et la vie gagnera”. Toutes les personnes qui se battent à sa suite pour faire reconnaître la dignité de la vie se réjouissent aussi de la reconnaissance de ces vertus de Jérôme Lejeune. Plus de 15 ans après sa mort, il reste un phare, une référence pour toutes les personnes qui se battent pour la vie et la vérité. Le voir déclaré vénérable aujourd’hui, c’est un énorme signe d’espérance.
En quoi la personnalité du professeur Lejeune est-elle inspirante pour les chrétiens aujourd’hui ?
Ce décret porte sur l’héroïcité de ses vertus. Donc ce n’est pas que sur son œuvre extérieure, qui est une émanation de sa personne, mais aussi sur toute sa personne et la façon dont il a vécu ces vertus. Comme chrétien baptisé, toute la personne de Jérôme Lejeune s’est déployée dans sa montée vers Dieu.
Jérôme Lejeune, incarne une sainteté fondée sur l’intelligence.
Ceux qui l’ont connu ont été très marqués par son intelligence exceptionnelle, qu’ils sentaient orientée vers la vérité. Quand on lit Jérôme Lejeune, tout s’éclaire et tout devient simple. Il nous montre la vérité, c’est-à-dire Dieu. Cela explique pourquoi il y a une vraie joie à lire ses écrits. Jérôme Lejeune incarne une sainteté fondée sur l’intelligence. Il était animé par cette vertu de foi. Toute sa vie a été guidée par sa recherche de la vérité et par la charité.
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Pour autant, le discours du professeur Lejeune n’était pas toujours un discours de foi ou dogmatique. Dans le combat sociétal qu’il menait, il employait toujours un discours scientifique, de médecin, fidèle au serment d’Hippocrate, qui était donc entendable par tout le monde et pas seulement par les chrétiens. Bien sûr, sur le plan spirituel, Jérôme Lejeune est un exemple incroyable. Doublé d’un hymne à la beauté de l’intelligence.
Que disent les nombreux documents compilés dans le procès en canonisation de la vie de foi du professeur que vous avez pu examiner ?
Quand on étudie sa vertu de foi, on voit à quel point son intelligence était au cœur de sa foi. Il a développé au fur et à mesure de sa maturité et de son déploiement intellectuel une foi qu’il a reçue dès l’enfance.
On voyait bien que Dieu le guidait, ça se sentait.
Il a continué à se former, à étudier, à lire saint Thomas d’Aquin et beaucoup d’autres auteurs. Donc il n’avait pas d’un côté une intelligence très développée sur le plan scientifique et d’un autre côté, une intelligence de la foi correspondant à celle d’un enfant de catéchisme de huit ans. Dans ses lettres de fiançailles avec sa futur femme Birthe par exemple, on voit à quel point ils ont mis leur union sous le regard de Dieu. Dans ses écrits purement scientifiques, il ne parlait pas de Dieu car ce n’était pas le lieu, mais on sent bien que tout était orienté vers Lui. Certains de ses anciens collègues disent qu’il ne parlait pas souvent de Dieu, car il n’avait pas besoin d’en parler. On voyait bien que Dieu le guidait, ça se sentait.
Peut-on espérer sa béatification prochaine ?
Même si nous pouvons l’espérer, je ne peux pas vous le dire car je ne suis pas dans les petits papiers du bon Dieu ! Pour l’instant dans cette cause magnifique, tout vient à point à qui sait attendre. Le bon Dieu est aux manettes. Maintenant que Jérôme Lejeune est vénérable, j’espère que nous aurons un miracle bientôt, mais je ne maîtrise pas l’agenda du bon Dieu !