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Barkhane : “Ils meurent au nom de la France, aux Français de leur rendre hommage”

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La France a rendu un dernier hommage jeudi 7 janvier 2021 au sergent-chef Yvonne Huynh et au brigadier-chef Loïc Risser, morts pour la France au Mali.

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Agnès Pinard Legry - publié le 07/01/21
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Alors que la France a rendu hommage sur le pont Alexandre III ce lundi 4 et ce jeudi 7 janvier à cinq soldats morts au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane le général Bruno Dary, ancien gouverneur militaire de Paris, revient sur le sens de cet hommage rendu par la France à ses soldats.Après un premier hommage national lundi 4 janvier à trois militaires morts au Mali, les Français étaient invités une nouvelle fois ce jeudi 7 janvier à se rendre sur le pont Alexandre III, devant les Invalides, pour un second hommage à deux autres soldats tués dans des circonstances similaires. En l’espace de quelques jours, le 28 décembre 2020 et le 2 janvier 2021, cinq soldats français déployés au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane ont été tués. Le brigadier-chef Tanerii Mauri, le chasseur de 1ère classe Quentin Pauchet et le chasseur de 1ère classe Dorian Issakhanian, tous trois issus du 1er régiment de chasseurs de Thierville-sur-Meuse, et, quelques jours plus tard, le sergent Yvonne Huynh et le brigadier Loïc Risser, tous deux issus du 2e régiment de hussards de Haguenau, près de Strasbourg.

Cinq décès qui portent à 50 le nombre de soldats français tués au Sahel depuis 2013 dans les opérations anti-djihadistes Serval puis Barkhane. “Ces soldats sont morts au nom de la France”, rappelle auprès d’Aleteia le général Bruno Dary, ancien gouverneur militaire de Paris et à l’origine du “plan Hommage” que l’on connaît aujourd’hui. “La France et sa population doivent leur rendre hommage au moment où leurs dépouilles mortelles retrouvent le sol du pays qu’ils ont servi”. Entretien.

Aleteia : L’armée française se trouve une nouvelle fois endeuillée après la mort de cinq soldats au Mali en l’espace de quelques jours. Comment l’accepter ?
Général Bruno Dary : Le métier de militaire est conçu autour de la mort. Il ne s’agit pas de mourir pour mourir bien sûr, la mort n’est pas une finalité en soi. Mais la différence avec d’autres métiers c’est que le soldat sait que la mort est une éventualité, une possibilité. On fait tout pour que cette éventualité n’arrive pas mais elle existe. C’est d’autant plus difficile pour notre société de le comprendre aujourd’hui que son regard sur la mort évolue. Pourtant, il suffit de se replonger dans l’histoire contemporaine pour se rendre compte qu’elle n’a jamais cessé d’exister : durant la Première Guerre mondiale 1.000 personnes sont mortes chaque jour en moyenne pendant quatre ans sans discontinuité. Lors des 40 jours de campagne de mai-juin 1940, 2.000 soldats sont morts chaque jour. La guerre d’Algérie, c’est 10 morts par jour pendant sept ans. Mais on a tendance à oublier que lorsque l’on fait la guerre, lorsque l’on mène une opération, malgré le degré d’entraînement, la mort est présente. En tant que militaire on sait que lorsqu’un ordre est donné le soldat l’exécute jusqu’au bout, parfois au prix de sa vie. Mais la société le refuse ou l’évacue du spectre.

Avec ces morts se pose une nouvelle fois la question de la pertinence de l’opération Barkhane et de la présence française au Mali. Est-ce un échec ?
Si la France se retire, les mêmes causes produisant les mêmes effets, toutes les capitales d’Afrique de l’ouest à commencer par Bamako tomberont sous le joug de Daesch. La France fait donc office de rempart. Si cela suffit pour le moment à éviter une catastrophe, c’est-à-dire que cela ne dérape pas en guerre civile ou en guerre tout court, cela ne suffit pas pour régler le problème. D’une part parce qu’en agissant ainsi on permet aussi indirectement à des gouvernements de continuer dans la corruption et la prévarication comme c’était le cas au Mali, et d’autre part car ce qui est fait sur le plan militaire n’est malheureusement pas fait sur le plan diplomatique, politique ou encore économique. Tant que la réponse n’est pas globale, le problème ne sera jamais résolu.



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Gouverneur militaire de Paris de 2007 à 2012 vous avez largement développé le « plan Hommage ». De quoi s’agit-il exactement ?
Le plan Hommage a été initialement mis en œuvre peu après le bombardement de Bouaké en 2004 au cours duquel la France a perdu plusieurs hommes. Il a pour vocation d’accueillir les dépouilles des soldats français morts au combat en transit sur la capitale et avant les obsèques qui se dérouleront dans la ville de garnison ou aux Invalides. C’est vraiment une grosse structure qui a pour but de soulager les familles endeuillées en prenant en charge la partie logistique. J’y ai ajouté l’hommage au pont Alexandre III en m’inspirant de ce que faisait les pays anglo-saxons afin de permettre aux citoyens de rendre également hommage à leurs soldats. C’est en août 2011 que ça a été fait pour la première fois, lorsque deux légionnaires du 2e régiment étranger de parachutistes (2e REP), le caporal-chef Kisan Bahadur Thapa et le caporal Gerhardus Jansen, ont été tués au combat en Kapisa (Afghanistan). Nous avions invité tous ceux qui le souhaitaient à s’associer à la mémoire du sacrifice de ces soldats morts pour la France en étant présent sur pont Alexandre III lors du passage du convoi funéraire. Cela s’est fait peu à peu, progressivement. Aujourd’hui c’est une assemblée très cosmopolite constituée de combattants, d’anciens combattants, de militaires d’active en tenue mais aussi de nombreux civils. C’est une bonne chose : ces soldats meurent au nom de la France, à la France et aux Français de leur rendre un dernier hommage.

Lorsque les cercueils des soldats traversent la cour des Invalides au son des tambours, la réalité l’emporte.

En tant que gouverneur militaire de Paris vous avez été dû accueillir les familles des soldats morts en Afghanistan…
Oui, j’ai dû rencontrer une soixantaine de familles. Il y a deux parties essentielles et particulièrement émouvantes : la mise en bière bien sûr, et l’arrivée des cercueils dans la cour des Invalides après le passage sur le pont Alexandre III. Ne sont présents à ce moment là que les deux familles des soldats : la famille de sang et la famille militaire. Comme je le disais aux familles endeuillées, c’est un moment très lourd, très dur, car le cauchemar devient réalité. Les familles ont été prévenues, elles sont sous le choc, mais elles se demandent si elles ne vivent pas un cauchemar. Là, lorsque les cercueils des soldats traversent la cour des Invalides au son des tambours, la réalité l’emporte. Chaque coup de tambour est un clou qu’on enfonce dans le cœur des familles. Mais c’est un cérémonial essentiel pour elles qui contribue à leur permettre de faire leur deuil.

Que disiez-vous aux proches de ces soldats morts pour la France ?
Je disais que leur fils, leur père ou leur mari était un héros. Dans la longue liste des gens morts pour la France, il est le dernier nom inscrit. Je disais qu’avec sa simplicité, ses qualités, ses défauts et sa générosité, il est allé au bout de sa mission.



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Y a-t-il un souvenir, un moment qui vous a particulièrement frappé ?
Après l’hommage dans la cour d’honneur des Invalides est proposé aux familles un temps de recueillement dans la cathédrale située derrière, saint-Louis-des-Invalides. Il est arrivé à plusieurs reprises que les soldats tués soient de confession différente, qu’il y ait par exemple un chrétien et un musulman. Mais à aucun moment des familles se sont opposées à ce moment de recueillement, de prière silencieuse, commun. Systématiquement les familles nous répondaient qu’ils étaient allés au combat ensemble et qu’il fallait donc qu’ils aillent dans cette cathédrale ensemble. Ce sont des moments d’une grande force.

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