Le sort réservé par les habitants de Bethléem à Jésus et sa famille ressemble à celui que l’homme d’aujourd’hui lui réserve : celui des moins hautes préoccupations.
Il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune (Lc 2, 7). Cette note dans l’évangile de Luc qui explique pourquoi Jésus va naître dans une étable peut être comprise de deux façons, qui sont complémentaires. Soit il n’y a plus de place dans les auberges de la région pour accueillir la sainte famille et ils ne disposent donc que d’une étable pour s’installer, soit la salle commune, avec ses allées et venues permanentes, n’est pas une place convenable pour une femme qui va bientôt accoucher. Dans les deux cas il ne se trouve personne pour laisser la “chambre haute”, la pièce la plus tranquille de la maison pour permettre à une jeune femme d’enfanter avec le minimum de confort nécessaire.
De l’étable à la chambre haute
Cette chambre haute est celle où Jésus nous invite à nous retirer pour prier le Père. “Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra” (Mt 6, 6). Cette chambre, la plus retirée, est le sanctuaire de notre conscience et de notre âme, le lieu où depuis notre baptême réside le Seigneur. C’est là qu’il nous attend et lorsque nous prions nous faisons passer la sainte famille de l’étable à la chambre haute, nous lui offrons le lieu le plus tranquille où elle veut demeurer pour que Jésus naisse à nous. L’effort de l’Avent est ne pas reléguer cette sainte famille dans l’étable de nos maisons, cette pièce accessoire, en dehors, qui ne sert qu’à garder les bêtes pour assurer la subsistance de la maisonnée. Or c’est bien là le risque de Noël : transformer l’événement fondateur en élément accessoire, en faire un prétexte, un élément de folklore ou l’occasion d’une débauche.
Ni accessoire, ni désincarné
Lors des débats sur la réouverture des lieux de culte le mois dernier, certains n’ont pas compris l’importance de cette liberté dans les droits fondamentaux. Les manifestants du spectacle cette semaine s’étonnaient que les lieux de culte soient ouverts et non les théâtres ou les cinémas, mettant sur un pied d’égalité le divertissement et la prière, la culture et le culte, la création et la rédemption. D’autres se sont étonnés que seuls les catholiques manifestent leur désir de prier alors que d’autres cultes ne le réclamaient pas ou du moins avec moins d’insistance.
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D’une part l’événement de la crèche dans une étable explique cela : certains ont mis la sainte famille dans l’étable et non plus dans la chambre haute. La foi est un accessoire, certes utile, respectable, important, mais qui n’est pas au centre, qui n’est plus dans l’intime de la dignité de chaque personne humaine. Si elle est accessoire, elle doit être traitée comme telle, soumise aux normes de tout ce qui n’est pas essentiel, l’essentiel en octobre ayant été défini de façon arbitraire comme la nourriture, la santé, les transports, l’informatique et… les bâtiments et travaux publics (!). D’autre part les fidèles des autres confessions ne sont pas les croyants d’un Dieu qui s’est fait homme, qui a habité au milieu des hommes et qui continue à y être réellement présent à chaque célébration. Le gouvernement envisage “les cultes” en bloc, comme s’ils étaient tous les mêmes, obéissants aux mêmes présupposés et aux mêmes contraintes.
Nous ne laissons pas Dieu dans une étable où nous allons le visiter quand l’envie nous en prendrait : nous mettons l’enfant, le plus fragile, le plus précieux, au centre de nos vies.
Le gouvernement sait faire la différence entre un restaurant, un théâtre ou une boîte de nuit mais pas entre la prière synagogale, la grande prière du vendredi à la mosquée et la messe dominicale. Nous touchons ici à la spécificité chrétienne, catholique, de l’Eucharistie. Ce n’est pas tellement nous qui allons adorer Dieu et nous rendre présent à Lui, comme la prière de tout croyant de toute religion peut le vivre. C’est Dieu qui se rend présent au milieu de nous, Emmanuel, Dieu-avec-nous, qui nous invite à Le recevoir. Cette importance que nous accordons à la Messe et au sacrement de l’Eucharistie est l’événement même de Noël. Nous ne laissons pas Dieu dans une étable où nous allons le visiter quand l’envie nous en prendrait : nous mettons l’enfant, le plus fragile, le plus précieux, au centre de nos vies.
Jésus présent
La désaffection des catholiques français pour la célébration communautaire, la messe, est la projection de ce qu’il s’est passé à Noël dans la ville de Bethléem : nous avons mis la sainte famille dans l’étable de nos vies car il n’y a pas de place pour eux dans la salle commune, dans la chambre haute de nos vies. Il ne sert pas à grand-chose de se lamenter du faible taux de pratiquants : il n’est que la conséquence d’un manque de foi en Jésus célébré et présent au cœur de nos églises, comme les habitants de Bethléem n’avaient pas reconnu le sauveur cette nuit-là.
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