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Le contrôle social chinois : le numérique pour surveiller la population

chine

Technologie d'identification faciale en Chine.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 17/12/20
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Amplifié à partir des années 2000, le système de contrôle social chinois conjugue espionnage de la population, généralisation du numérique, dressage des comportements. Il dessine une société où tous les individus peuvent être surveillés, où la vie privée et l’anonymat n’existent plus. Mis en place au début des années 1990, le contrôle social chinois est une sorte de permis à points citoyen. En cas d’infraction ou de non-respect de certaines consignes, les citoyens chinois perdent des points et peuvent rétrograder de catégorie. Selon les catégories auxquelles ils se rattachent, ils ont des facilités pour mettre leur enfant à la crèche, pour disposer d’un logement social, pour voyager à l’intérieur du pays ou à l’extérieur de la Chine. Les comportements vertueux sont valorisés, les comportements non conformes sont estimés déviants eu égard à la citoyenneté et à la solidarité.

Ce système est rendu possible par l’accroissement de l’usage du numérique. Contrôle facial, traçage des personnes grâce à leur téléphone et leur pass de transport, collectes des données numériques par les entreprises publiques et semi-publiques ; tout peut ensuite être croisé et regroupé pour accroître le contrôle des populations. Le système de crédit social chinois (SCS) fonctionne : il a permis de diminuer le nombre d’accidents de la route, les automobilistes s’arrêtant davantage aux feux et les piétons traversant dans les clous, sous peine, pour les uns et les autres, de perdre des points. Il a permis d’accroître la « civilité » et de développer la solidarité entre les citoyens d’un pays immense. Mais on voit bien aussi le danger de ce genre de système qui étouffe toute liberté et toute initiative et qui assure un contrôle total des populations.

Traçage et contrôle numérique

La multiplication de l’usage du numérique dans la vie quotidienne offre de nombreuses possibilités de collecte des données et donc de connaître la vie intime des personnes. La reconnaissance faciale est ainsi utilisée pour ouvrir la porte de son domicile, pour régler ses courses au supermarché en lieu et place de sa carte bleue comme pour surveiller les gares, les rues et les lieux publics. Toutes ces données étant stockées, elles peuvent ensuite être utilisées pour connaître les moindres faits et gestes de la population élaborant un système de plus en plus intrusif du contrôle des personnes. Au nom de la sécurité et de la citoyenneté, c’est une prison numérique qui est créée où toute liberté est effacée.


Hong Kong
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À Shanghai par exemple, les habitants de la ville peuvent entrer sur une application, dénommée « Honest Shanghai », leur numéro personnel d’identification administrative pour obtenir une évaluation de leur crédit social fondée sur leur statut professionnel, le paiement de leurs assurances et de leurs impôts, leur casier judiciaire, etc. Quant à la ville de Pékin, elle prévoit de mettre en place son propre système de notation et de « listes noires ». Xi Jinping a vanté ce modèle, au nom de la défense de la sécurité et de l’amélioration de la vie des personnes : « Si nous utilisons correctement l’intelligence artificielle, nous serons capables de savoir à l’avance qui pourrait être un terroriste, qui pourrait faire quelque chose de mauvais ».

De l’amélioration sociale au contrôle des déviants

Détecter qui pourrait être un « terroriste » suppose au préalable de se mettre d’accord sur ce qu’est un « terroriste ». Il ne prend pas nécessairement les traits d’un barbu maniant le couteau comme on l’imagine en France. En Chine, le terroriste peut prendre les habits de l’opposant politique ou de celui qui pratique un culte interdit ou non reconnu. La logique sécuritaire fait donc glisser le système vers un usage de contrôle politique des populations, ce qui est déjà effectif dans plusieurs zones de la Chine.

C’est l’encouragement à la délation des chrétiens pratiquant leur foi en dehors de l’église officielle.

Le SCS est ainsi déjà utilisé pour réprimer les « cultes hérétiques ». Dans la ville de Roncheng, des points bonus sont accordés à ceux qui dénoncent aux autorités des membres des organisations religieuses non autorisées par le gouvernement. C’est l’encouragement à la délation des chrétiens pratiquant leur foi en dehors de l’église officielle. Ceux qui participent aux activités de ces « cultes hérétiques », sont rétrogradés au « niveau d’alerte C », juste avant le niveau le plus bas, le niveau « D », celui des criminels. Classées en C, ces personnes se voient privées d’un grand nombre de droits civiques. Le SCS fait surgir une nouvelle forme de dictature et de société policière.

Le SCS n’est pas qu’une spécialité chinoise

Nous aurions tort de dénigrer ce système comme une particularité étrangère chinoise. La demande sécuritaire française a fait sauter de nombreuses digues en matière de protection des libertés. La vidéosurveillance se généralise, au lieu de chercher plutôt à arrêter les criminels. Le stockage des données est de plus en plus important, sans que les utilisateurs sachent toujours ce qui en est fait. Le prétexte du Covid est utilisé par certains pour créer un passeport sanitaire qui va bien au-delà de la simple protection des personnes, tels les propos tenus par le député Julien Borowczyk, (propos tenus sur CNews, 14 novembre 2020) : « Il faut que la population accepte un certain nombre de changements. D’avoir un passeport Covid avec son téléphone après avoir fait un test antigénique. Avec ce passeport on peut bénéficier du restaurant, du bar ou de la boîte de nuit. »

Si l’on peut entendre l’argument de la défense sanitaire, le risque est néanmoins très grand d’un glissement vers un usage immodéré de ces nouvelles technologies. Que savons-nous par exemple de l’usage des données fait par les assistants personnels vocaux ? Ces machines à qui nous commandons les courses ou un morceau de musique en savent beaucoup sur nos vies. Ou plus exactement, l’usage des données utilisées par les entreprises du numérique permet de connaître l’intime des personnes qui en ont possession. Ces données peuvent être utilisées à des fins commerciales, à des fins politiques (contrôle des « cultes hérétiques ») comme être volées lors d’une cyber-attaque. Le modèle chinois de contrôle social peut aisément devenir le nôtre. Rien n’empêchera ensuite d’en faire usage contre les « terroristes » islamistes, ultra gauche et ultra droite et, de glissement en glissement, d’obtenir un contrôle total de la population. Loin d’être une fenêtre exotique sur ce qui se passe au loin, l’exemple du système de crédit social chinois pourrait un jour devenir le miroir de notre propre société.


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