Le vicaire général du diocèse de Paris raconte deux histoires qui montrent que l’amour est plus fort que le désespoir.Alors que les puissants ne cessent de brandir la force comme seule réponse possible, seul moyen efficace pour contenir la violence d’en face, en ce temps qui nous prépare à Noël, je voudrais simplement rapporter deux courtes histoires.
Une goutte d’eau décisive
Dans la jungle d’un pays lointain, une guérilla trouvait refuge depuis des décennies. Elle combattait le pouvoir de l’État. Du sang des massacres répondaient au sang et aux massacres. La chaîne de violence semblait éternelle au point que les jeunes gens prenaient les armes à la suite de leurs aînés pour venger les crimes commis, persuadés du fond du cœur de la justesse de leurs engagements. Les uns voulaient préserver l’ordre, les autres demandaient justice. Mais au bout du compte les deux se comportaient comme de parfaits assassins.
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Le peuple était exsangue, chaque famille pleurait ses héros alors que les ténèbres s’épaississaient. Il fallait trouver une solution avant que tous n’y finissent, engloutis. Du côté de l’État, un nouveau président fut mené au pouvoir. Plutôt que de durcir encore les ordres et la répression, il eut une révélation : comme chacun de nous, les guérilleros ont chacun une maman. Et s’il y a bien quelqu’un qui leur manque, au fin fond de leurs forêts, c’est elle. On constitua alors une liste de mères, qui pour certaines n’avaient pas revu leur progéniture depuis parfois vingt ans. Chacune fut invitée à remettre aux autorités une vieille photo, avec leur enfant parti. Et voici que ces photos sont diffusées près des campements connus et des terrains d’action de ces guérilleros, avec un message simple : « Avant d’être un rebelle, tu es mon enfant. Reviens, à Noël je t’attends à la maison ». En quelques jours, plusieurs centaines reviendront vers leurs foyers, bénéficiant d’une promesse d’amnistie. Plutôt que des criminels, on avait préféré rechercher dans la jungle des fils, des enfants. Cet épisode allait conclure la guerre civile dans laquelle les FARC s’étaient engagés en Colombie. Il s’agissait d’une goutte d’eau, mais elle fut décisive.
Dans le fond, n’est-ce pas l’Espérance qui doit nous habiter, la foi dans l’Amour auquel nul ne peut résister ?
La magie de la lessive
L’autre récit est plus burlesque mais tout aussi révélateur. En 2011, des centaines de T-shirts furent distribués à l’entrée d’un festival de rock fréquenté par de nombreux partisans de l’extrême-droite allemande. Ces T-shirt étaient floqués de nombreux symboles familiers à ce mouvement : ils furent reçus avec reconnaissance. Mais, surprise, lorsque ces militants les lavèrent pour la première fois, rentrés chez eux, ils découvrirent un autre message apparu par la magie de la lessive : « Ce que peut faire votre T-shirt, vous pouvez le faire aussi — nous vous aidons à vous libérer de l’extrême-droite ! » « Cela peut paraître gentillet, rapporte Rutger Bregman dans son livre Humanité, une histoire optimiste (Seuil 2020), mais dans les semaines qui ont suivi, le nombre d’appel reçu par la plateforme qui aide ceux qui le demandent à quitter les groupuscules néo-nazis, a bondi de 300 %. Les gens étaient décontenancés par ces messages : ils s’attendaient à provoquer la nausée et la colère et reçoivent une main tendue. »
La foi dans l’Amour
Une main tendue : en Colombie ou en Allemagne, à des guérilleros marxistes ou à des nostalgiques du nazisme… Dans le fond, n’est-ce pas l’Espérance qui doit nous habiter, la foi dans l’Amour auquel nul ne peut résister ? Et n’est-ce pas un problème lorsque nous objectons à cela un « bon » sens qui cependant ne résout rien et même, souvent, complique tout ? Ce « bon » sens qui qualifie volontiers de « contes » ces histoires pourtant vraies. Et qui risque alors de nous faire croire que la violence est la loi de notre vie au point de risquer pour nous tous, un cauchemar sans fin.
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