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Comment gérer le handicap au sein de la fratrie ?

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Solenn Varennes - publié le 13/12/20
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L’arrivée d’un enfant handicapé dans une famille est toujours un chamboulement. La vie familiale doit trouver un nouvel équilibre : l’acceptation de cette différence, l’organisation logistique, les rendez-vous médicaux… Mais qu’en est-il des frères et sœurs ? Au centre Paul Dottin, à côté de Toulouse, un neuro-pédiatre s’occupe d’enfants handicapés moteur depuis plus de 30 ans. Ce médecin prend en charge des enfants handicapés de moins de 6 ans qui viennent la plupart du temps en ambulatoire pour des séances de kiné, de psychothérapie, d’orthophonie, d’ergothérapie. Les familles sont présentes lors des soins mais pas les fratries. Pourtant, notre expert a toujours eu à cœur de demander comment allaient les frères et sœurs. « Même si je ne voyais que rarement les fratries, j’ai toujours fait très attention de demander aux parents comment allaient les autres membres de la fratrie », commente-t-il. Souvent la réponse était spontanée : tout va bien, on ne l’entend pas ! » Une réaction normale car face à toutes les difficultés que l’on peut rencontrer avec son enfant handicapé, tout paraît extrêmement facile avec ses enfants en bonne santé. Et pourtant, c’est loin d’être toujours évident pour eux.

Cette question de la place des frères et sœurs est finalement très peu abordée. « Souvent, dans un centre comme le centre Paul Dottin, les psychologues n’ont pas le temps ni le budget pour s’occuper des fratries. Quant bien même il y aurait de grands besoins ! Mais la priorité reste l’enfant porteur de handicap », explique le pédiatre. Alors, au quotidien, au sein même de la famille, comment donner aux frères et sœurs la place qu’ils méritent ?

Les aider à trouver leur place

Diane et Antoine sont les parents de Maxence, 7 ans, atteint du syndrome Pallister-Killian (anomalie chromosomique rare), Brune 5 ans et Louis, 1 an. « Maxence est notre ainé, et finalement, je pense que cette place dans la famille a son importance », explique Diane. « C’est positif pour deux raisons : avec Maxence, les premières années, nous étions disponibles à 100%, nous étions pleinement présents pour lui ». En effet, Maxence, actuellement en classe de CP, a depuis sa naissance un suivi important en psychomotricité et en orthophonie. Ces rendez-vous prennent du temps et le fait d’être le seul au sein de la famille facilite les choses. « La deuxième chose qui me semble positive, continue Diane, c’est de ne pas avoir de points de comparaisons. Nous ne voyons pas le handicap de Maxence, nous voyons son évolution. »



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Un point de vue également partagé par Anne-Sophie et Laurent, parents de Charles, 12 ans et Ambroise 4 ans. Charles, l’aîné, est atteint de la maladie de Joubert avec atteinte hépatique : cette maladie orpheline engendre un retard psychomoteur et touche plusieurs organes avec dégénérescences des yeux, des poumons et des reins. L’espérance de vie est normalement de 18 mois. Charles est donc un miraculé. « Quand votre aîné est handicapé, vous êtes dans une disponibilité totale pour lui les premières années, c’est même une normalité, vous ne vous posez pas de question », commente Anne-Sophie.

Pour notre expert du centre Paul Dottin, la place de l’enfant handicapé dans la fratrie peut en effet avoir son importance dans la relation des parents avec les autres enfants : « Même si chaque famille est unique et a son propre fonctionnement, il est vrai que souvent, quand l’enfant handicapé est le deuxième ou troisième d’une fratrie, il est peut être parfois tentant de vouloir laisser les aînés se débrouiller seuls car ils sont plus grands et donc plus autonomes. »

Trouver du temps pour eux

Finalement qu’importe la place dans la fratrie, l’important est que chaque enfant puisse devenir ce qu’il est, malgré les imprévus de la vie. « À l’arrivée de Brune, nous avons encore pris beaucoup de temps pour Maxence, les rendez-vous s’enchaînent comme chaque semaine et nous emmenions Brune partout. Elle suivait le rythme de son frère », explique Diane. « C’est sa référente à la crèche qui un jour nous a alertés. Brune avait fait un dessin de notre famille et s’était représentée à l’écart. Nous avons alors réalisé qu’elle avait besoin de passer du temps avec nous et sans son frère. » Diane décide donc de prendre une journée par semaine seule avec Brune pendant que Maxence est au centre spécialisé.



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Pour Anne-Sophie et Laurent, la situation est un peu similaire. Ambroise a effectivement beaucoup suivi son frère en rééducation quand il était petit. « En revanche, nous explique Anne-Sophie, je n’ai jamais emmené Ambroise à l’hôpital pour le suivi de Charles. Nous avons jugé que ce n’était pas sa place. Mais cela a une conséquence : il est très inquiet de voir partir son frère à l’hôpital », ajoute Anne-Sophie.

De nombreux questionnements

La question de ce que peuvent ressentir les frères et sœurs vis-à-vis de leur frère ou sœur handicapé est effectivement très importante. « La prise de conscience du handicap de son frère ou de sa sœur n’est pas toujours facile, explique le pédiatre du centre Paul Dottin. Les enfants ne comprennent pas toujours aisément pourquoi leur frère ou leur sœur ne joue pas avec eux, ne parle pas ou moins bien, ne marche pas. Le regard des autres sur lui peut également être dur à gérer pour un enfant. »

« Ambroise s’est très vite rendu compte que son frère n’était pas comme les autres », nous confie Anne-Sophie. Ambroise a une vraie admiration pour Charles. Mais dans le même temps, il ressent une réelle colère et se demande pourquoi son grand frère est différent et pas lui », continue Anne-Sophie. « Il vit très mal le regard des autres sur son frère et le surprotège. » Ambroise a une analyse très mature de la situation. Ce que confirme notre expert : « Certains enfants se construisent avec le handicap et mûrissent en effet beaucoup plus vite. » Très souvent, Ambroise n’ose pas se plaindre. « Je ne veux pas qu’Ambroise se dise qu’il n’a pas le droit à l’erreur », confie Anne-Sophie. Dans le cas de la famille de Maxence, la situation est un peu différente. Diane nous explique : « Brune a bien réalisé le handicap de Maxence. Elle prend soin de lui mais n’a pour le moment, jamais eu à le défendre. »

Parler et expliquer

Face à toutes ces difficultés, l’importance de poser des mots sur une réalité se fait sentir. « À l’âge de 4 ans, nous avons expliqué à Brune avec des mots simples le handicap de son frère », explique Diane. Nous avons insisté sur le fait que nous serions toujours là pour elle et pour son frère Louis, que nous les aimions tous les trois même si Maxence avait parfois besoin de plus d’attention ». Ils ont également expliqué cette différence à Maxence. Le mot handicap est parfois difficile à exprimer mais verbaliser les choses permet d’asseoir la réalité.

Parler aux frères et sœurs est bénéfique mais leur permettre de parler l’est tout autant. C’est d’ailleurs ce que propose l’OCH (Office chrétien pour les personnes handicapées) depuis plus de 20 ans déjà, au travers de groupes de parole dédiés aux frères et aux sœurs de personnes handicapées. Anne Planchais, responsable des journées « Frères et sœurs » depuis six ans explique : « En créant ces groupes de paroles il y a plus de 20 ans, nous avons répondu à une demande forte de la part des familles. » Ces journées sont proposées à partir de 7 ans et sans limite d’âge. Les journées, organisées par tranche d’âge, se déroulent de la manière suivante : un témoignage le matin, puis des petits groupes de partage où chacun peut s’exprimer. L’après-midi est consacré à des ateliers psychologie, détente, juridique, spirituel. Pour les plus jeunes, toute une méthodologie est utilisée pour aider les enfants à s’exprimer plus facilement au travers de dessins ou de contes. « Lors de ces journées, beaucoup de souffrances sont déposées. Les participants sont ravis de pouvoir parler avec des personnes qui connaissent les mêmes situations. Cela permet d’échanger plus facilement », confie à Aleteia Anne Planchais. Beaucoup de joie et d’apaisements ressortent de ces réunions, montrant ainsi le besoin qu’ont ces « frères et sœurs » de parler de ce qu’ils vivent au quotidien.


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L’enjeu est finalement de ne pas tout faire tourner autour du handicap. Sinon, la vie devient trop pesante. « Au quotidien, notamment avec nos amis, nous essayons d’avoir une vie normale. Notre fratrie est une fratrie comme les autres avec cette particularité que Maxence fait les choses à son rythme. Maxence parle moins bien, il fait moins bien les choses mais il reste Maxence », conclut Diane. La mission de ces familles ? Donner sa place à chacun pour que chaque membre puisse grandir sereinement.

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