Éclipsée de l’histoire par sa sœur, Madame de Montespan, favorite de Louis XIV, Marie-Madeleine de Rochechouart (1645-1704) était pourtant une figure d’autorité indéniable, dotée d’un esprit vif et d’une intelligence redoutable. Abbesse de Fontevraud, son savoir impressionnait d’importants personnages de la cour, y compris Sa Majesté. L’enfance de Marie-Madeleine Gabrielle Adélaïde de Rochechouart se déroule dans un environnement digne d’un conte de fée : la cour. Jusqu’à ses 10 ans, la fille du gouverneur de Paris vit sous le même toit que le frère du roi. Mais les jeux de la cour ne l’intéressent pas. Elle préfère perdre ses heures à la bibliothèque. Car non contente de partager la même beauté que ses sœurs, Marie-Madeleine est surtout dotée d’une intelligence incomparable. Passionnée de littérature, elle dévore les ouvrages de philosophie et s’adonne à l’apprentissage des langues. Elle apprend le grec, le latin, l’italien… Elle parle même si bien la langue maternelle de l’infante Marie-Thérèse d’Espagne, qu’elle impressionne toute la cour.
Bien que destinée à la vie religieuse depuis sa naissance, Marie-Madeleine ne découvre que tard sa vocation, touchée par les brillants écrits de saints qui traitent de l’éthique et de la philosophie. Elle prend alors le voile devant toute la cour en 1664. À peine six ans plus tard, elle est nommée abbesse de Fontevraud le 18 août 1670 par le roi, probablement grâce à sa soeur, favorite du roi.
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Un caractère humble pour un esprit brillant et généreux
Marie-Madeleine ne tarde pas à se montrer à la hauteur de sa tâche. Elle administre son abbaye et la soixantaine de couvents qui y sont rattachés avec poigne. Le manque de discipline des religieux à sa charge est ce qui l’inquiète le plus. Certains demandent des permissions de sortie pour un rien et s’adonnent à ce qu’elle définit comme un “libertinage d’esprit”. Inacceptable ! Les serviteurs de Dieu n’ont pas fait vœu d’obéissance pour délaisser leurs communautés. À partir de 1686, les religieuses ne peuvent sortir qu’en cas de nécessité absolue. Et les pères confesseurs ne peuvent plus participer au loisir de la chasse, même si le roi les y invite.
Marie-Madeleine n’hésite pas à user de sa fortune personnelle pour embellir la gigantesque abbaye de Fontevraud. Elle fait restaurer les vieilles chapelles, en fait construire de nouvelles, renouvelle les dortoirs, fait aménager de spacieuses galeries et fait tailler les jardins. Car oui, l’abbesse surmenée utilise son peu de temps libre pour jardiner ou écrire.
Mais si elle fuit la cour et Versailles, de nombreuses figures importantes de l’époque viennent la trouver pour lui demander conseils. Racine lui-même, par exemple, séduit par les talents de l’abbesse, l’invite à traduire avec lui Le Banquet de Platon. En plus de la littérature, Marie-Madeleine est versée dans les sciences, la philosophie, l’éthique, la théologie, l’Écriture sainte… Mais elle se garde bien de la gloire littéraire, réservant ses ouvrages de piété et de morale pour elle et ceux à sa charge. Son humilité lui est trop précieuse.
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Amie du roi qui défendait ses droits
Parmi toutes les amitiés qu’elle entretient avec la noblesse, la plus intéressante reste celle avec le Roi-Soleil lui-même. Depuis le premier de ses rarissimes séjours à la cour (l’histoire n’en retient que quatre) Louis XIV est fasciné par cette femme savante et aime à converser avec elle. Il souhaite la faire abbesse de Montmartre pour la rapprocher de la cour, ce qu’elle refuse. Pas même la séparation du roi et de sa sœur en 1681 n’affecte cette amitié.
La notoriété de Marie-Madeleine ne plaît pas à tout le monde et l’archevêque de Reims ainsi que de nombreux évêques redoutent son autorité. En 1695, un édit décrète que les permissions de sortie des religieuses soient écrites par l’archevêque du diocèse. Mais l’abbesse refuse de se laisser faire. Avec l’aide du souverain, elle défend sa position si bien durant les années qui suivent que ses adversaires finissent par céder vers 1701.
Le 15 août 1704, le roi qui ne versera pas une larme à la mort de son ancienne maîtresse, pleure la mort de celle qu’il surnommait la reine des abbesses et qui est bien trop souvent oubliée de l’histoire. L’immense savoir de Marie-Madeleine de Rochechouart n’avait d’égale que son humilité et sa droiture.