Alors que le gouvernement doit annoncer ce jeudi 26 novembre une nouvelle jauge pour la reprise des messes publiques dès ce samedi, l’ensemble des catholiques semblent vouloir faire entendre leur voix. Ils envisagent plusieurs scénarios.Des messes publiques à nouveau autorisées mais dans la limite de 30 personnes, peu importe qu’elles soient célébrées dans une cathédrale ou dans une chapelle, voilà ce qu’a annoncé Emmanuel Macron dans la soirée du 24 novembre. Une nouvelle qui n’a pas manqué d’agacer et de décevoir des milliers de catholiques. Une vague de réactions sur les réseaux sociaux et un échange téléphonique entre Emmanuel Macron et le président de la CEF Mgr Eric de Moulins-Beaufort plus tard, une nouvelle jauge “plus réaliste” est actuellement en discussion et devrait être annoncée ce jeudi 26 novembre. “Nos vives réactions d’hier soir ont dû alerter sur la grossière erreur qui a été faite par le gouvernement”, assure à Aleteia Mgr Xavier Malle, évêque de Gap et Embrun. “Elle relève une grande méconnaissance de la réalité de nos diocèses, de notre foi mais aussi du travail qui est fait depuis plusieurs semaines par l’Église de France”.
De nouveaux rassemblements à prévoir ?
“Ça suffit, il faut arrêter de nous infantiliser”, a quant à lui réagi Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, au micro de Radio Notre-Dame. “Jusqu’à présent nous avons été extrêmement loyaux avec les autorités légitimes – comme Saint-Pierre et Saint Paul nous le demandent – mais quand on va trop loin et que l’on touche à notre conscience et à notre bon sens, cela ne va pas passer du tout.”
En attendant de connaître cette ‘jauge’, les catholiques sont donc dans l’expectative…et s’impatientent. Sur les réseaux sociaux, des centaines d’entre eux ont fait part de leur volonté de retourner manifester si les messes reprenaient dans ces conditions “méprisantes”. “Pour le moment seuls deux rassemblements sont prévus”, explique à Aleteia Jean-Benoît Harel, l’un des co-fondateurs de la pétition en ligne “Pour la messe”. “Mais les fidèles sont tellement remontés qu’il pourrait y en avoir d’autres : dans certaines villes les rassemblements ont été déclarés en préfectures mais les organisateurs attendent l’annonce de la nouvelle jauge pour les rendre publics”.
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Du côté juridique, l’attente se fait à deux niveaux : la nature de l’annonce de ce jeudi – un nombre fixe de personnes, un taux de remplissage de l’édifice ou la règle des 4m² autour de chaque fidèle – mais aussi, et surtout, la publication du décret. “Une annonce télévisée n’a pas de valeur juridique en soi”, rappelle auprès d’Aleteia Maître Henri de Beauregard, l’un des avocats qui avaient déposé un référé-liberté devant le Conseil d’État. Le décret, qui devrait être publié vendredi 27 novembre au matin, va donc traduire juridiquement les discussions en cours.
Des référés-libertés prêts à être déposés
Pour Maître François-Henri Briard, qui a représenté six évêques lors de l’audience devant le Conseil d’État début novembre, la jauge des 30 personnes n’est pas tenable et tombera devant le Conseil d’État. “Dans la jurisprudence, on peut porter atteinte à une liberté fondamentale à condition que ce soit adapté, nécessaire et proportionnel. Or la limite de 30 personnes n’est en rien proportionnelle”, rappelle Maître François-Henri Briard. En effet, pourquoi les célébrations religieuses seraient limitées à 30 personnes alors que le protocole d’entreprise mis en œuvre par le ministère du travail précise que l’espace distanciel du salarié en entreprise est de 4m² et que les commerces de grande distribution ont donné leur accord pour la règle des 4m²”. Cette jauge serait même, selon Maître Henri de Beauregard, illégale car il s’agirait “d’une inégalité de traitement entre les cultes et les commerces”.
Une chose est sûre, assure encore Maître François-Henri Briard, “un référé-liberté et prêt à être envoyé au Conseil d’État dès la publication du décret si ce dernier est inacceptable pour les cultes”. “Si la nouvelle jauge nous semble irrecevable et que le décret est rendu public je pourrais introduire un référé”, abonde Henri de Beauregard. “Mais le Conseil d’État devra ensuite fixer la date de l’audience, ce qui nous amènera à début décembre”.
Le sentiment que le gouvernement ‘joue la montre’
Ce sentiment que le gouvernement n’a cessé de ‘jouer la montre’ avec les cultes depuis le début du confinement semble assez unanimement partagé. Il y a d’abord eu la décision rendue par le Conseil d’État début novembre obligeant l’État et les cultes à se réunir régulièrement et au plus tard le 16 novembre. Date à laquelle – in extremis – l’État a convoqué les représentants des cultes. Là encore l’Église catholique avait d’ores et déjà mené un travail fastidieux, précis, qui lui avait permis de proposer un protocole sanitaire strict, envoyé le jour-même au ministre de l’Intérieur et des Cultes Gérald Darmanin ainsi qu’au Premier ministre Jean Castex. Une semaine plus tard, le protocole n’est pas encore définitivement arrêté, comme en témoigne la prise de parole du président de la République.
Concrètement que va-t-il se passer ? Si les prêtres sont eux aussi déçus et mécontents, ils attendent les directives de leurs évêques. Curé dans la Manche, le père Lerouge a d’ores et déjà annoncé à ses paroissiens qu’il attendrait les modalités communiquées par le vicaire général jeudi afin de voir “quel cadre est réellement donné à nos rassemblements, et les choix qui s’imposent”. “Je ne doute pas qu’ils seront contraignants mais ma confiance dans nos communautés ne me fait pas douter le moins du monde que nous contribuerons tous à donner de la place à chacun, le dimanche et durant toute la semaine, dans nos églises”, assure-t-il.
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Si tous attendent – et espèrent – que la jauge de 30 personnes sera remplacée par un taux de remplissage de l’édifice, que se passera-t-il si ce n’est pas le cas ? Reprise des manifestations du côté des fidèles, recours devant le Conseil d’État côté juridique… et messes à 30 personnes côté pastoral ? Bien sûr, prêtres et évêques vont tout faire pour multiplier le nombre d’offices pour permettre à un maximum de fidèles d’y assister. “Mais en limitant à 30 personnes, surtout dans les grandes villes, c’est intenable”, assure encore Mgr Xavier Malle. “Une chose est sûre : je ne dirai pas à mes prêtres de compter. Si le gouvernement veut le faire, qu’il aille compter lui-même dans chaque cathédrale, église et chapelle”.