L’« aigle de Meaux » était l’un des seuls à tenir tête à Louis XIV. Obsédé par la recherche de la vérité, son œuvre, qui vient d’être rééditée par Les Belles Lettres, déployait la raison dans toute sa force.Il existe des œuvres qui changent le cours d’une vie et à l’égard desquelles nous contractons une dette littéraire mais aussi religieuse. Bossuet, sans nul doute, fait partie de celles-ci. Napoléon lui-même écrivait : « Bossuet est la plus grande parole de l’univers chrétien et le meilleur conseiller des princes. Ce que j’ai appris de lui depuis mes difficultés avec Rome me le fait encore plus grand. Je l’avais cru d’abord un poète, un Homère biblique. Le jour où par bonheur je rencontrai Bossuet, il me semblait que le voile du temple se déchirait du haut en bas et que je voyais les dieux marcher. Depuis lors, cette vision ne m’a plus quittée, en Italie, en Égypte, en Syrie, en Allemagne, dans mes journées les plus historiques. »
Une œuvre qui était devenue introuvable
Il faut savoir gré aux éditions Les Belles Lettres de nous gratifier d’une réédition de ces Œuvres historiques, philosophiques et politiques. Certes, les deux volumes valent un certain prix, mais à l’heure où l’on commence à lister ses souhaits pour Noël, ce magnifique coffret constitue une très belle idée de cadeau. D’autant que les œuvres publiées ici sont quasiment introuvables depuis plusieurs générations ! On y retrouve ainsi la Défense de la Tradition des saints Père mais aussi l’Explication de la Messe à un nouveau catholique, la Politique tirée de l’Écriture sainte tout comme plusieurs écrits sur le protestantisme. Afin de mieux saisir le personnage, l’édition est aussi intelligemment complétée par une Histoire de Bossuet écrite par le cardinal et ancien académicien Louis de Bausset.
Le cauchemar du bien-pensant
Jacques Bégnine Bossuet a été surnommé « l’aigle de Meaux » par Voltaire. En effet, le prélat était un des seuls à tenir tête au roi Louis XIV, tout comme l’aigle sait faire face au soleil. L’allusion à saint Jean, l’aigle de Patmos, est aussi évidente tant son œuvre est puissante, son regard perçant et son génie polyvalent. Il nous manque aujourd’hui un Bossuet essentiellement pour une raison simple : dans la tradition des Pères mais aussi de la littérature classique (Homère, Platon, Cicéron), son œuvre obsédée par la recherche et la découverte de la vérité, déploie la raison dans toute sa force : les arguments en deviennent implacables et les arguments irréfutables ! L’œuvre en devient le cauchemar des idéologies et du bien-pensant, soutenu par un verbe unanimement reconnu, mêlant la force du style et l’humour cinglant.
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On peut être étonné qu’il ne soit pas compté parmi les Pères de l’Église et même parmi les saints. Il le mériterait amplement parce qu’il fut aussi un prophète, saisissant par anticipation dans son Discours sur l’Histoire universelle, une société et un État sans Dieu. Paul Valéry disait : « Dans l’ordre des écrivains, je ne vois personne au-dessus de Bossuet. » On ne perdra jamais son temps à lire Bossuet. Au contraire, on le transcendera.
Bossuet, Œuvres historiques, philosophiques et politiques, précédées de L’Histoire de Bossuet par le cardinal de Bausset , Édition établie par Maxence Caron avec une préface de Renaud Silly op, Les Belles Lettres, 2020, 2 tomes, 95 euros.
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