Depuis maintenant 35 ans, le père Bernard Devert, ancien promoteur immobilier, s’est donné pour mission avec Habitat et Humanisme, de réconcilier l’humain et l’urbain.Le mouvement Habitat et Humanisme a vu le jour en 1985. Depuis 35 ans, ses objectifs n’ont pas changé, à savoir lutter contre le mal-logement et l’isolement des personnes en situation de précarité. Le père Bernard Devert résume l’intuition qui l’a encouragé : “L’acte de construire des logements n’est pas un marché ordinaire. Il peut faire la différence entre la vie et la mort. C’est avant tout un acte de soin !”
Il affirme ne pas être le fondateur de cette association à l’intuition originale. “La fondatrice, c’est Maria”, assure le père Devert. Maria était une veuve octogénaire que Bernard Devert, alors dirigeant de sa propre société de promotion immobilière, a rencontrée en tant que cliente. Maria vivait dans un appartement très vétuste, et le promoteur envisageait pour elle un déménagement. Il le faisait avec les meilleures intentions du monde, un nouveau logement venait d’être construit pour elle en périphérie. Maria serait plus à l’aise dans sa nouvelle habitation, plus lumineuse et confortable. Pourtant Maria ne l’entendait pas de cette oreille. Se relevant sur ses béquilles elle a jeté “Vous, avec votre fric, vous pouvez me déplacer… Mais ne me dites pas que c’est pour mon bien. Je n’en ai rien à faire du confort que vous me promettez. Le confort, ce n’est pas ce qui me fait vivre. Ici, j’ai encore quelques amis, des relations. Sans ça, je ne vois pas de raison de continuer.”
Il rencontre rapidement des professionnels de l’immobilier et des financiers qui, comme lui, ont la conviction que le marché immobilier ne peut pas être guidé par le seul appât du gain.
L’argent, un bon serviteur
Cet échange tendu a constitué un électrochoc pour le futur prêtre : “Je me demandais si la logique de marché n’avait pas écrasé ma conscience… Peu de temps après, j’ai vendu ma boîte de promotion pour fonder Habitat et Humanisme”. Il ne s’agissait pas de rejeter en bloc la logique du marché, précise-t-il, mais à ne plus en faire un maître. L’argent devait reprendre sa place, celui d’un serviteur.
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Mais que pèsent les cas de conscience d’un promoteur immobilier, résolu à inverser la logique du marché immobilier ? Plus que l’on pourrait croire, assure le prêtre, car il a réalisé qu’il était loin d’être seul. En effet, il rencontre rapidement des professionnels de l’immobilier et des financiers qui, comme lui, ont la conviction que le marché immobilier ne peut pas être guidé par le seul appât du gain. Avec leur aide, il parvient à loger correctement des personnes dans le besoin. “Correctement”, c’est-à-dire non seulement dans de bonnes conditions de confort, mais dans des sites qui permettent la mixité sociale, évitent la ghettoïsation, la formation de bulles isolées les unes des autres.
Des professionnels se mobilisent
Parmi toutes les personnes qui ont prêté main forte à Habitat et Humanisme, le père cite l’exemple d’Alain Mérieux, Président de l’Institut Mérieux, porteur du collectif l’Entreprise des possibles. “Alain Mérieux m’a dit un jour que si j’avais un problème, je pourrais aller le trouver…” Quand, des années plus tard, Alain Mérieux est allé le voir en lui reprochant de ne pas avoir recouru à son aide, le prêtre lui a répondu qu’il l’avait déjà fait : « Vous m’avez fait un cadeau inestimable, lui a-t-il répondu. Grâce à votre offre, je savais que j’avais votre confiance, que je n’étais pas seul ».
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Depuis 35 ans, Habitat et Humanisme a logé près de 25.000 familles et en 2019, 1920 nouvelles familles. Les plans pour l’avenir ? Le prêtre les résume en reprenant une phrase de Victor Hugo : “Que l’utopie soit la vérité de demain”. Il espère que ces deux périodes de confinement de 2020 ont rappelé notre dépendance, les uns envers les autres. Et conclut : “L’histoire du Mouvement demeure celle d’une rencontre avec des femmes et des hommes mis de côté en raison de leur pauvreté. Notre commune volonté, le sens d’Habitat et Humanisme, c’est qu’ils soient à nos côtés pour nous aider à être plus humains.”
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