Après les mesures annoncées par le gouvernement pour ce deuxième confinement, François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), fait part à Aleteia de son inquiétude et de ses interrogations quant au redressement de l’économie française.L’annonce d’un nouveau confinement par Emmanuel Macron mercredi 28 octobre a été un coup de tonnerre pour de nombreux Français, au premier rang desquels les chefs de petites et moyennes entreprises contraintes de fermer car jugées non essentielles pendant cette période. “Je comprends leur désarroi, leur colère”, reconnaît auprès d’Aleteia le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), François Asselin. “On ne peut pas ne pas les écouter : ils savent ce que ça veut dire tout risquer”. Entretien.
Aleteia : Quel est votre sentiment en ce début de deuxième confinement ?
François Asselin : Vous avez ceux qui vont pouvoir continuer à travailler et ceux qui vont devoir s’arrêter. La différence par rapport à cela c’est que des entreprises ont fait des efforts considérables avec leurs salariés afin de mettre en place les règles sanitaires, installer des systèmes de protection individuels et collectifs…On sait que le virus ne se développe pas ou très peu dans le milieu entrepreneurial, les petits commerces. Quand vous apprenez que vous devez fermer votre commerce alors que ça ne vient pas de chez vous, que vous savez que cette fermeture est quasiment synonyme de mort économique, que votre statut d’indépendant de vous donne pas droit au chômage, que vous avez des échéances à rembourser… L’annonce de ce deuxième confinement, c’est la Terre qui se dérobe sous vos pieds. Vous vous dites qu’il ne vous restera que des dettes et rien d’autre. Il faut se mettre deux minutes à la place de ces hommes et de ces femmes. Comment leur expliquer qu’il n’est pas plus ou moins dangereux d’aller faire ses courses au supermarché que dans les commerces indépendants mais que ces derniers vont quand même devoir fermer et leur clientèle se fournir ailleurs. Toutes ces considérations, très humaines, sont difficilement supportables. Et c’est sans compter que l’on va découvrir au fur et à mesures les filières amonts c’est-à-dire les entreprises qui travaillent et distribuent à d’autres entreprises qui risquent elles aussi de mettre la clef sous la porte.
Si aucune autre solution n’est envisageable, il faudra alors que le soutien de l’État soit à la hauteur des sacrifices consentis.
On peut réellement s’interroger sur la pertinence de fermer ces commerces indépendants. Est-ce vraiment justifié ? Ne peut-on pas trouver d’autres solutions en autorisant leur ouverture avec des arrêtés préfectoraux, en renforçant les mesures sanitaires…. Si aucune autre solution n’est envisageable, il faudra alors que le soutien de l’État soit à la hauteur des sacrifices consentis.
Quelles mesures doivent être prises en priorité pour les petites et moyennes entreprises ?
La première des choses est de compenser le loyer que les entreprises ne pourront pas payer faute de recette. Bruno Le Maire a commencé à avancer une solution à ce sujet mais elle demeure partielle pour le moment. La deuxième chose serait de compenser la perte d’exploitation. Mais cette mesure demeure difficilement atteignable en matière de finances publiques. C’est quand même ça qui est absurde : vous avez des gens qui ne demandent pas à être payés à rien faire mais à travailler ! Et ils seraient même prêts à accepter des conditions plus strictes pour pouvoir le faire. Il y a également deux possibilités que l’on doit pouvoir offrir aux chefs d’entreprise dont une a été actée ce jeudi 29 au soir par Bruno Le Maire : la possibilité de sursoir un an supplémentaire au prêt garanti par l’état que certaines entreprises vont devoir commencer à rembourser dès avril 2021. L’autre possibilité à laquelle nous travaillons est la mise en place d’un prêt de consolidation qui permettrait d’étaler les dettes de l’entreprise sur une plus longue période.
Malheureusement, malgré ces mesures, certaines entreprises ne se relèveront pas…
Effectivement, certaines d’entre elles devront aller au tribunal de commerce. Mais là encore on doit pouvoir faire preuve d’humanité : il faut que les dettes sociales (du chef d’entreprise, ndlr) fassent partie des dettes de la liquidation (de l’entreprise, ndlr) sinon on va droit vers de nombreux drames humains.
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Comment l’économie française pourrait-elle repartir ?
On pourra se relever à la seule condition qu’il nous reste un tissu d’entreprises viables après cette période. Nous n’avons donc pas d’autre solution que de soutenir les entreprises. Nous devons également soutenir les chefs d’entreprise car nous allons avoir besoin de ces profils, de ces personnes capables de prendre des risques, d’embaucher, de créer une dynamique.
Que peut-on répondre aux patrons de PME qui doivent faire face à des choix difficiles ?
Je comprends leur désarroi, leur colère. On ne peut pas ne pas les écouter, les comprendre. Ils savent ce que ça veut dire tout risquer. Nous devons respecter les lois de la République mais nous devons aussi nous mobiliser pour faire en sorte qu’ils soient soutenus à la hauteur de leur sacrifice.
Qu’est-ce que cette période dit de notre société ?
Cette période est très révélatrice de l’évolution du monde occidental. Nous avons un rapport très délicat avec la mort car visiblement la peur de la mort l’emporte sur l’envie de vivre. Mais n’oublions pas qu’il est possible d’y remédier en réalisant que nous ne tenons pas le monde mais que quelque chose au-dessus de nous le tient et que cette transcendance, structurante, est essentielle. C’est dans ces périodes où l’on va puiser très au fond de soi, où l’on coule au fond de la piscine, qu’on trouve la force de se relever, d’impulser un mouvement ascendant pour reprendre son souffle… et découvrir Son souffle.
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