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Marc Aurèle aurait-il pu être chrétien ?

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Christophe Dickès - publié le 09/10/20
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Pourquoi les chrétiens furent-ils condamnés au temps de Marc Aurèle (121-180), philosophe réputé pour sa sagesse ? Auteur d’une biographie magistrale consacrée à l’empereur Marc Aurèle, paru aux éditions Perrin, Benoît Rossignol revient sur le fameux épisode des martyrs de Lyon en 177.L’image que nous avons de l’empereur Marc Aurèle est celle d’un sage, vieux et barbu. Dans le fameux film de Ridley Scott, Gladiator (2000), il demande au héros Maximus de justifier les guerres impériales, alors que l’armée romaine vient de remporter une victoire contre les barbares. Peu après, dans un effet de miroir, son fils Commode, dépité d’être écarté du pouvoir, énumère les vertus majeures que lui a enseignées son propre père : la sagesse, la justice, la force morale et la tempérance. Dans la doctrine morale chrétienne, on les appelle les vertus cardinales. Seule la sagesse a été remplacée par la prudence. 

Le martyre de Blandine

Né en 121, Marc Aurèle le stoïcien aurait pu être séduit par le christianisme. Il n’en fut rien. Ce fut, selon l’expression de son biographe Benoît Rossignol, une « non-rencontre ». Même s’il fut considéré comme un empereur philosophe, Marc n’a pas hésité à faire condamner des chrétiens à la demande du gouverneur de Lyonnaise. L’épisode est connu : on y retrouve le vieil évêque Pothin, le citoyen romain Attale, un médecin du nom d’Alexandre mais aussi et surtout la jeune esclave Blandine qui, aux côtés d’une cinquantaine de frères, furent persécutés. 


sainte Blandine
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Accusés de cannibalisme et d’inceste, dénoncés et livrés à la vindicte populaire, les chrétiens n’avaient guère de chance de s’en sortir. Certains moururent en prisons, d’autres furent exécutés sur la place publique. Leur martyre nous est connu par la Lettre des chrétiens de Lyon à l’Église de Smyrne, insérée dans l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée (265-339). Blandine avait survécu dans les prisons. Livrée aux bêtes, on ne donnait pas cher de sa peau : « Aura-t-elle la force de tenir bon jusqu’au bout? Ne va-t-elle pas apostasier? » se demandait-on. Il n’en fut rien. Les bêtes affamées refusèrent de s’attaquer à la jeune femme, attachée à un poteau comme il était d’usage. Dernière martyr dans l’arène, elle finit par être égorgée par un bourreau en dépit des cris de la foule : « Abjure donc ! Sacrifie à nos dieux ! Tu auras la vie sauve ! »

Les chrétiens sont accusés de déloyauté politique

C’est bien parce que les chrétiens refusaient de sacrifier aux dieux romains et à l’empereur qu’ils furent persécutés. Cependant, ce serait une erreur de considérer le règne de Marc Aurèle comme un moment de persécutions généralisées. Nous ne possédons aucun texte de lui exigeant la recherche et la persécution des chrétiens dans l’ensemble de l’empire. Aux Ier et IIe siècles, les persécutions restent très localisées, même si l’interdiction légale des chrétiens date de 112, sous le règne de Trajan. Ils étaient donc malgré tout tolérés et pouvaient exercer leur culte dans un cadre privé, les fameuses « églises de maisonnées ». Il faut attendre le règne de Dèce (249-251) et plus encore celui de Valérien (253-260) pour voir une tentative généralisée de démantèlement des Églises. Parce qu’ils refusaient de sacrifier à l’empereur en période de crise, les chrétiens étaient accusés de déloyauté politique. Ils se mettaient en dehors de la collectivité et portaient atteinte à « la cohésion sociale et l’identité collective ». 

La religion romaine : une pure pratique

Certes, on a voulu faire des écrits de Marc Aurèle une préfiguration du christianisme. Ce serait une erreur, nous dit Benoît Rossignol, de les considérer ainsi : « Tout, dans la vie de Marc, comme dans ses écrits, témoigne de son adhésion sincère à la religion romaine. » Il respectait et accomplissait « les rites transmis par la tradition et le consensus ». C’était d’ailleurs une « praxis », c’est-à-dire une pratique, plus qu’une adhésion à un dogme. À la différence des chrétiens qui, eux, avaient défini des règles de foi, ce qu’Irénée de Lyon appelait le « Symbole », le futur Credo. 

Pour en savoir plus : Sur l’épisode de Lyon, retrouvez Benoît Rossignol sur Storiavoce.com, la première radio consacrée à l’histoire. Il est interrogé par Christophe Dickès. 

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© Perrin

Benoît Rossignol, Marc Aurèle, Éditions Perrin, 715 pages, 29 euros. 

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