Au fur et à mesure que les enfants grandissent, les relations entre chaque membre d’une famille peuvent prendre des tournants délicats et le climat général en est vite entaché. Comment réagir face aux relations parfois « guerrières » entre un père et son fils ? Habituée aux relations conflictuelles au sein des familles, Gwenola Desombre, conseillère conjugale dans l’Oise au sein du cabinet Raphaël, fournit à Aleteia un éclairage sur la question. A commencer par nuancer l’adverbe « toujours », utilisé parfois de manière exagérée : « Les conflits ne sont pas constants, essayons de voir aussi tout ce qui se passe bien dans les relations. »
La famille : tout un système relationnel
Plutôt que de rester ancrés sur ce conflit, Gwenola Desombre propose de réfléchir à ce que dit cette tension de ce qui se passe dans la famille. Plusieurs cas de figure peuvent se présenter. Tout d’abord, on ne naît pas parents, on le devient et pour cela nous faisons inévitablement appel à ce que nous connaissons déjà : notre propre relation avec nos parents en tant qu’enfant. Même si nous avons changé, mûri et fait la part des choses, notre enfance et notre vécu viennent habiter notre rôle de parent. C’est notre référence. Par exemple, certains pères voudront être au maximum derrière leurs enfants, ne l’ayant pas été plus jeune.
Existe aussi le phénomène de « l’enfant symptôme » : la relation parentale semble assez paisible et la crise entre le père et son fils vient comme révélateur d’autres soucis sous-jacents, entre les parents ou dans la famille. « Un père m’appelle pour m’expliquer que son fils est ingérable en ce moment et me demande si nous pouvons prendre rendez-vous, nous explique Gwenola Desombre. J’avais donné la semaine d’avant une intervention dans son lycée et il avait manifesté à son père sa volonté de venir me voir. J’ai alors invité les parents à venir avec leur fils. Le fils arrive, s’installe entre ses parents et je lui demande s’il sait pourquoi il est là aujourd’hui. « Oui, je sais très bien », me répond-il. « Vous êtes conseillère conjugale non, vous aidez les gens qui ont des relations tendues ? Alors, je vous les laisse. A tout à l’heure. » Il s’est levé et m’a laissé avec ses deux parents, qui ont été d’accord pour rester en consultation et avaient, de facto, des problèmes conjugaux à résoudre… ».
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Enfin, les relations parentales ou familiales peuvent être déséquilibrées par le stress, des tensions professionnelles, le confinement… Auquel cas l’enfant peut vouloir se manifester au cœur de cette tension et trouver sa place dans un équilibre fragilisé. Un conflit en entraînant un autre, le climat général de la famille devient pesant pour chacun et l’urgence semble de commencer de commencer à apaiser ou consolider le premier maillon de la chaîne : le couple.
Mon fils, ce héros !
Le lien tissé entre un père et son fils se confronte également souvent, consciemment ou non, à une certaine rivalité. Voir un enfant grandir revient forcément, pour le parent, à se voir vieillir dans le même temps. Le fils et le père peuvent alors entrer dans une sorte de compétition plus ou moins implicite, la pression gonfle des deux côtés et le culte sociétal de la performance règne, au détriment du reste.
Cette notion de projection parentale qui se retrouve également entre une mère et sa fille, est passionnante à discerner. Il y a les attentes tout à fait légitimes qu’on peut avoir pour son enfant, que ce soit au niveau scolaire, sportif, relationnel mais il y a également un aspect à ne pas négliger : la personne à part entière qui est en train de se construire, l’enfant ou l’adolescent qui n’est pas et ne peut pas être une copie de son parent. Le fils peut avoir des capacités, des aspirations, un tempérament qui diffèrent de ceux de son père. Ces différences sont fondamentales à accepter pour bien distinguer ce qui est de l’ordre de l’essentiel (valeurs importantes pour nous) de nos envies et de nos rêves. Un père passionné de tennis pourrait alors se réjouir de voir son fils exceller dans la musique. L’hérédité n’est en rien du clonage : un enfant n’évolue pas pour assouvir les attentes inassouvies de ses parents.
Eduquer en vérité… et en actes !
Gwenola Desombre souligne également l’importance de l’éducation à la liberté : « Une parole éducative est une parole en vérité et non une parole de vérité. Un enfant ne comprend pas forcément les tenants d’une obligation et la communication peut tout changer. Rester trop dans l’implicite demande à l’enfant de deviner nos attentes et nos intentions : leur expliquer les raisons d’une règle ou d’une interdiction peut lui permettre de mieux l’accepter. » Un enfant, un adolescent tout autant, a besoin de pouvoir s’exprimer au cœur de sa famille.
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Donner l’exemple, puissant moteur de l’éducation
Un père demeure un exemple pour son fils. Il constitue le premier modèle que ce dernier prendra pour repère. « Un jeune apprend par l’exemple, nous rappelle la conseillère. Le fameux ‘Fais ce que je dis mais pas ce que je fais’ peut parfois manquer de cohérence éducative pour l’enfant. Un exemple tout simple : le téléphone portable. Si le père sort de table systématiquement pour répondre à des appels téléphoniques, quelle que soit l’importance de ceux-ci, l’enfant aura sans doute du mal à se résoudre à laisser son smartphone de côté. Les règles doivent être cohérentes pour tous, tout en prenant en compte la différence du statut parent/enfant.
Dois-je intervenir dans les tensions entre mon conjoint et notre enfant ?
La relation ne peut être qu’interpersonnelle : en tant que conjointe vous ne pouvez pas modifier leur relation mais vous pouvez agir sur votre propre lien avec votre mari et avec votre fils. De là, des conséquences positives pourront rejaillir dans la relation que votre conjoint entretient avec votre fils.
Cette recommandation renvoie chaque mère à la place que celle-ci prend dans la famille et à la place qu’elle donne au père au sein de la famille. Des petites phrases telles que « Tu vas voir quand ton père va rentrer, cela va mal se passer ! » révèle déjà une délégation de l’autorité au mari. Le père peut avoir envie d’avoir, lui aussi, une place dans la sphère plus détendue des loisirs ou des discussions avec son fils, une relation autre que celle de l’autorité perpétuelle. Les rôles de chacun doivent être discutés régulièrement au sein du couple, au fur et à mesure que les enfants grandissent. Le couple parental étant le fruit du couple conjugal, il est précieux d’en prendre soin, de le nourrir au maximum, sans focaliser sur le conflit parent/enfant.
Des petites phrases telles que « Tu vas voir quand ton père va rentrer, cela va mal se passer ! » révèle déjà une délégation de l’autorité au mari.
Si les conflits perdurent, une aide extérieure peut être précieuse : psychologue, ergothérapeute, conseillère conjugale… Les ressources sont multiples et le climat d’une famille entière peut s’en trouver ensuite apaisé. Accepter d’être accompagnés peut être un beau modèle d’humilité pour nos enfants.
Des conflits qui font grandir
Un parent se construit en tant que parent en même temps que son enfant grandit. Il n’y a pas de modèle parfait, le modèle parental devant s’adapter à l’enfant qui se trouve devant lui, entre admiration, imitation, crainte quelquefois. La pression ne peut être trop lourde ni sur les épaules de l’adulte, ni sur celles de l’enfant. Un conflit n’est pas forcément négatif s’il aboutit sur une pente meilleure, une adaptation positive. La clé étant comme souvent, une bonne communication et une prise en compte de l’individualité de chacun. Cette complexité de l’altérité de chacun contribue à rendre cette tâche éducative aussi ardue que passionnante.