Prêtre et éducateur à Istres (Bouches-du-Rhône), le père Philippe porte secours à des dizaines de jeunes défavorisés grâce à l’association Jeunes et Solidaires qu’il a créée. Dans son ouvrage “Cités du cœur” (éditions Salvator), il raconte la force des liens tissés jour après jour avec ces adolescents « assoiffées d’amour ».“Il suffit d’aimer”, disait sainte Bernadette. Depuis près de quinze ans, c’est le leitmotiv du père Philippe, vicaire à Istres et éducateur auprès des jeunes des cités. Chaque jour, il se plonge dans leur univers : le rap, la violence, la drogue, les galères… avec toujours la même volonté : “Je veux les faire devenir des hommes et des femmes. L’Évangile commence là, avec l’exemple de Jésus qui relève la femme adultère”.
Un jour, un groupe de jeunes entre dans l’église…
S’il a toujours eu la fibre de l’éducation des jeunes, le père Philippe n’était pas pour autant destiné à travailler dans les cités. Tout a commencé par une rencontre providentielle, au début des années 2000, alors qu’il était encore séminariste pour le diocèse d’Aix-en-Provence. “Je faisais un enseignement aux enfants de chœur, quand un groupe de jeunes est entré dans l’église pour rigoler et pour se marrer. La première parole qui m’est venue, ça a été : “venez les mecs ! C’est pour vous aussi ce que je raconte, n’hésitez pas à vous asseoir !” Au bout d’un moment, ils ne rigolaient plus. Ils m’ont écouté et m’ont proposé de venir les voir dans leur quartier”. De cette rencontre, le père Philippe a gardé en tête le visage de ses interlocuteurs, qui s’est métamorphosé au fur et à mesure de son enseignement. “Ils se sont sentis regardés, et donc capables de mieux que ce qu’eux-mêmes pouvaient espérer”, souffle-t-il.
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Ordonné prêtre en 2006, le père Philippe est d’abord envoyé à Marignane. Une nouvelle fois, la providence agit. “Cela faisait dix jours que j’étais dans la paroisse. Un jour, je sors de l’église et je vois cinq gars en survêt’, avec la capuche, en train de fumer un gros pétard sur les marches de l’église”. Au culot, il les aborde : “Salut les racailles, ça va ?” Il se souvient de leur réaction immédiate : “Ils ont d’abord cru que j’étais flic, puis ils ont vu que je connaissais le rap et que j’avais une croix sur ma chemise”. À partir de cette rencontre, il n’a plus passé un week-end sans aller les voir.
Je suis prêtre d’abord, donc je suis au service de l’Evangile.
Aujourd’hui vicaire à Istres, le père Philippe a lancé son association, Jeunes et Solidaires, avec une dizaine de bénévoles. “Grâce à Dieu”, le maire leur a octroyé un local de 300 mètres carrés, dans lequel tout est fait pour que les jeunes se sentent accueillis : “On a une salle de muscu, de cinéma… et tout ce qu’il fait pour partager des repas”. Âgés de 14 à 25 ans, une trentaine de jeunes viennent d’eux-mêmes rencontrer le père Philippe chaque semaine.
“Je suis prêtre d’abord, donc je suis au service de l’Évangile” : au cours de leurs rencontres, il n’hésite pas à leur parler de Dieu quand il le faut, mais ne cherche pas “à les apporter à tout prix vers la religion”. “L’Évangile, cela commence par l’écoute, et par comprendre qui est la personne que l’on a en face de soi, avant de la juger”, affirme le père Philippe. À ce titre, il s’interroge : “Serais-tu meilleur que lui si tu avais connu la violence à la maison, la drogue, l’alcool…? Pas sûr !” Dans ce monde hostile, où ils ont tant de mal à se faire leur place, les locaux de l’association Jeunes et Solidaires sont comme un refuge pour ces jeunes. Ils y racontent leurs galères, leurs moments de solitude, mais aussi leurs espoirs. Avec toujours le même sentiment : celui d’être enfin regardés et écoutés.