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Père Christophe, le prêtre qui combat la tuberculose en Corée du Nord

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Domitille Farret d'Astiès - publié le 20/08/20
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Visages de missionnaires (3/5). “Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples”, nous dit l’Évangile de Matthieu. Asie, Amérique, Afrique, Europe… Chaque continent est terre de mission. Durant le mois d’août, Aleteia vous propose de découvrir différents visages de missionnaires. Découvrez aujourd’hui le père Christophe Bérard, missionnaire en Corée du Nord auprès des malades de la tuberculose.“D’avoir vécu en Corée du Sud m’a permis de mieux comprendre la Corée du Nord. Leurs cultures sont proches. La Corée du Nord est un pays où l’on est invité, mais il faut s’habituer à un certain nombre de règles, de procédures, mettre un frein à son désir de tout regarder et de tout voir, être patient”. Depuis 2012, tous les six mois, le père Christophe Bérard, des Missions Étrangères de Paris, part passer un mois en République populaire et démocratique de Corée (Corée du Nord, ndlr). Aumônier des francophones à Séoul, engagé dans la pastorale des migrants, il travaille avec la fondation Eugene Bell, qui fait de la prévention et du dépistage et délivre des traitements pour la tuberculose en Corée du Nord. “C’est un sacré challenge !”, s’exclame-t-il.

Originaire de Saint-Étienne (Loire), il a été ordonné prêtre en 1993. Prêtre diocésain pendant dix ans, notamment dans les quartiers populaires stéphanois, il a vécu en HLM au milieu d’une population très maghrébine. “Pour moi, la vie missionnaire a commencé en France. J’étais confronté à ce que c’était que d’être un étranger. Cela m’a fait plonger dans une réalité à la fois sociale et ecclésiale que je ne connaissais pas.  J’étais au cœur de ces questions-là et j’ai eu envie de visiter cette question de l’intérieur en devenant moi-même un étranger”. C’est à ce moment-là qu’il découvre les Missions Étrangères de Paris. Quelques années plus tard, en 2004, il débarque en Corée du Sud.

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Christophe Bérard
Pyongyang, capitale de la Corée du Nord.

Et c’est un défi de taille qui l’attend. La tuberculose a tué 1,3 million de personnes en 2019, dont 16.000 personnes en Corée du Nord. Il faut savoir que cette maladie se manifeste sous deux formes : celle de base et celle résistante. Le traitement pour soigner cette dernière, plus tenace que la première, coûte 5.000 dollars et nécessite pour le patient de rester confiné dans un centre pendant dix-huit mois. Chaque année, la fondation Eugene Bell soigne 2.000 à 3.000 personnes. Elle travaille main dans la main avec le ministère de la Santé nord-coréen qui lui délivre la liste des centres à visiter.

Le père Christophe Bérard est responsable du laboratoire mobile : il analyse la salive des malades, délivre un diagnostic et assure dans un second temps le suivi des patients. “Il faut aider matériellement mais aussi beaucoup éduquer”, insiste-t-il. “Mon travail, c’est de permettre que les plus pauvres de ce pays-là puissent être aidés”. Il agit avec une équipe où se mêlent soignants nord-coréens, professeur bulgare, prêtre mexicain…

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Christophe Bérard
Le père Christophe Bérard est responsable du laboratoire mobile.

Cette mission bi-annuelle est une véritable épopée. Le fait que les soignants puissent entrer sur le territoire est déjà en soi une prouesse car très peu de fondations et d’ONG peuvent obtenir leurs entrées en Corée du Nord. Les membres de l’équipe médicale qui ne sont pas nord-coréens partent de Séoul pour rallier Pékin, où ils récupèrent leurs visas. En effet, il n’y a pas d’ambassade du Nord dans le Sud. Ils prennent ensuite l’avion jusqu’à Pyongyang, où se trouve leur QG. De là-bas, ils rayonnent en étoile, conduits par des chauffeurs nord-coréens, afin de visiter les treize centres à bord d’une caravane constituée d’un fourgon dix places et de plusieurs camions à l’arrière, allant jusqu’à Kaesong, à la frontière chinoise.

“Vivre sa foi en Corée du Nord, cela passe par le service du frère malade.”

Le voyage est épuisant et nécessite de l’endurance. Durant un mois, en effet, l’équipe sillonne quotidiennement le pays, à raison de cinq heures de route par jour sur des chemins souvent boueux et rocailleux. Il faut parfois consentir à descendre du véhicule pour le pousser, quitte à passer la journée avec les pieds trempés par la pluie ou la neige. “Nous partons à 4 heures du matin et nous pouvons travailler jusqu’à 12 heures de suite. Nous rentrons à minuit, il y a beaucoup d’imprévus, des malades qui ne viennent pas au rendez-vous, des camions qui lâchent”, raconte le missionnaire qui évoque les coupures d’électricité, les problèmes d’essence, la dysenterie… “Ce sont des journées très rudes”. Des pauses tous les trois jours sont nécessaires pour tenir sur la durée. Sur place, il vit des choses très belles. “Ce sont des gens qui avec peu de moyens font des choses extraordinaires. Nous créons des liens d’amitié”. Il cite l’infirmière du laboratoire qui lui a offert une fois une petite boîte de marrons grillés qu’il avait appréciés lors d’une précédente tournée. “Cela montre que les gens pensent à nous. Ce sont des moments très sympathiques”.

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Christophe Bérard
Vue depuis la route, cette arche symbolise l'unification entre la Corée du Sud et du Nord, à Pyongyang (Corée du Nord).

Le prêtre décrit les scènes de la vie en Corée lors des déplacements : les enfants en route pour l’école avec leur uniforme bleu et blanc que vient colorer un foulard rouge, d’autres qui balaient, des soldats, des paysans qui partent aux champs, des hommes qui construisent des routes, qui se lavent dans des rivières… Autour de lui, des paysages de moyenne montagne avec des vallées où l’on cultive du riz et de grandes zones rurales qui contrastent avec les villes qui s’industrialisent. “Il n’y a pas de mécanisation partout, on plonge dans l’ambiance de la république démocratique”, note-t-il. “La Corée du Sud est en pleine mutation, c’est un pays qui n’arrête pas de bouger. Il s’inscrit dans la pensée confucianiste. Pour comprendre la Corée, il faut comprendre cela”. Cette école de pensée se caractérise par une recherche d’harmonie dans les relations humaines, considérée comme une voie d’épanouissement.

“Il ne faut pas essayer de devenir comme les Coréens mais tenter de s’approcher d’eux le plus possible.”

S’il sent qu’il s’approche de jour en jour des Coréens, il reconnaît humblement qu’il ne se sent pas coréen pour autant. “Il ne faut pas essayer de devenir comme les Coréens mais tenter de s’approcher d’eux le plus possible. Une des joies, c’est de parler la langue du pays. C’est un sacré plaisir de pouvoir échanger dans la langue, cela permet d’avoir des amis. Cela libère la parole. En Corée du Nord, c’est une clef extrêmement importante”. Il confie qu’il ne comprend pas tout dans ce pays. “C’est difficile de sentir qu’il y a des choses que l’on ne comprendra jamais et il faut l’accepter. On n’a pas les paramètres pour tout comprendre. Par exemple, ici, pour être ami, il faut avoir le même âge. Il y a une culture hiérarchique donc il faut apprendre à se taire, à exprimer ses opinions autrement, à mettre en priorité la vie de groupe. En France, on aime plaisanter, titiller les gens. Ici, il ne faut jamais faire perdre la face à quelqu’un, même en plaisantant. Je me percevais comme quelqu’un de très ouvert. La culture coréenne m’a mis face à mes limites”.

Le missionnaire est admiratif devant l’Église de Corée du Sud, dynamique, avec de jeunes prêtres, qui a donné beaucoup de martyrs. “Il y a un lien du sang entre la France et la Corée, un lien particulier”, affirme-t-il. Il souhaiterait d’ailleurs organiser un pèlerinage sur les pas de ces martyrs afin de récolter de l’argent pour ses patients tuberculeux. Sa mission à lui prend une forme indirecte. “La proclamation directe de l’Évangile, en Corée du Nord, ce n’est pas possible”, reconnaît le missionnaire. “Vivre sa foi en Corée du Nord, cela passe par le service du frère malade”, assure-t-il. “Cela n’empêche pas de se retrouver dans une chambre d’hôtel pour célébrer la messe. À ce moment-là, on est conscient que c’est la seule messe qui se dit dans le pays et ce n’est pas rien. Même si c’est une messe dite sur un lit d’hôtel, la symbolique est assez forte”.



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