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Bioéthique : les députés rétablissent l’autorisation de créer des embryons chimériques

IN VITRO
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Jacques Suaudeau - publié le 31/07/20
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Dans le cadre du projet de loi bioéthique, les députés ont autorisé vendredi en fin de journée la possibilité de créer des embryons d’animaux “humanisés”, le projet de loi bioéthique en discussion fait sauter un verrou éthique important qui limitait jusqu’alors les aventures pseudo-scientifiques irresponsables.Le point le plus discutable du projet de révision de la loi de bioéthique débattu en seconde lecture à l’Assemblée nationale apparaît dans l’article 15 du titre IV. Celui-ci supprime l’interdiction de la création d’embryons humains chimériques ou transgéniques. Le Sénat avait restauré cette interdiction. Le texte proposé par la Commission élimine l’interdiction apportée par le Sénat.

Qu’appelle-t-on “embryon transgénique” ? Il s’agit d’embryons dans le génome desquels une ou plusieurs séquences d’ADN n’appartenant pas à l’embryon lui-même ont été ajoutées ou supprimées. Il y a alors modification du patrimoine génétique de l’embryon, puisque l’ADN de celui-ci a été modifié. Cela peut se faire aujourd’hui assez facilement en utilisant le “bistouri génétique” CRISPR-Cas9. Cette technique a été tristement illustrée par la naissance irresponsable en Chine des “jumelles” “Lulu” et “Nana” dont le génome avait été modifié par apport d’un gène (CCR5) rendant résistant au virus du SIDA. L’annonce il y a deux ans de cette folle entreprise d’apprentis-sorcier avait alors soulevé une juste vague d’indignation mondiale.

Qu’appelle-t-on embryon “chimérique” ? Les chimères sont des organismes contenant des cellules d’origine différente, mais sans mélange des matériels génétiques. On crée des animaux “chimériques” en introduisant dans l’embryon très précoce (troisième-quatrième jour après fécondation) d’une espèce animale donnée des cellules souches pluripotentes d’une autre espèce. Lorsqu’un embryon de rat, de singe ou de porc reçoit des cellules souches embryonnaires humaines ou des cellules humaines pluripotentes induites (hiPSCs), puis est implanté chez une mère de substitution de son espèce, on obtient ainsi un animal “chimérique” — une “chimère animal-homme” qui peut servir à certaines études biologiques. C’est ainsi que certains chercheurs espèrent obtenir des organes humains créés chez le porc par transfert de cellules souches pluripotentes humaines (hiPSCs) dans l’embryon de l’animal (“complémentation de blastocyste”).

Des embryons animaux “humanisés”

En supprimant l’interdiction de créer des embryons humains transgéniques ou chimériques, l’actuel projet permet du même coup toutes ces errances, sans apporter de garde-fou, ce qui est irresponsable. Le seul type d’expérimentation auquel il fait allusion dans le projet, à ce propos des embryons transgéniques ou chimériques, est la possibilité d’insérer des cellules souches pluripotentes induites humaines « dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle » — en d’autres termes de créer des chimères animal-homme. Le texte juge cette proposition acceptable sous couvert d’une déclaration présentée à l’Agence de la biomédecine, comme pour les cellules souches embryonnaires.



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Ce qui est grave dans le texte actuel est que le projet de loi, en permettant dans les faits la création d’embryons humains chimériques ou transgéniques, et en prévoyant la possibilité de créer des embryons d’animaux “humanisés” par chimérisme, fait sauter un verrou éthique important qui limitait en France, jusqu’ici, les aventures pseudo-scientifiques irresponsables dans ce domaine très sensible des recherches sur l’embryon avec leur possibles applications à l’homme.

“Embryons synthétiques”

Outre cette autorisation voilée de la création de chimères animal-homme, le projet de loi aborde de façon conciliante deux domaines nouveaux, très contestables sur le plan éthique, tous deux liés aux développements des cellules pluripotentes induites humaines (hiPSCs). La première de ces recherches vise à la production de gamètes à partir des hiPSCs, et a fait des progrès significatifs depuis 2016. Certes, elle permettrait de résoudre les plus graves problèmes d’infécondité, sans faire appel à des gamètes venus de donneurs étrangers au couple. Mais elle ouvrirait aussi la porte à tous les caprices possibles dans le domaine de la procréation, y compris le clonage reproductif. La seconde de ces recherches vise à l’agrégation de cellules souches pluripotentes avec des cellules souches extra-embryonnaires pour obtenir des « embryons synthétiques » (SEEF en anglais, MEUS en français ou plus simplement “embryoïdes”). Cette possibilité ouverte depuis 2017 donnerait des modèles expérimentaux pour étudier le développement embryonnaire (puis fétal) au-delà du 21e jour, tournant ainsi les limites actuellement posées à l’expérimentation sur les embryons humains.

“Ne déléguons pas à des agences gouvernementales le soin de traiter de questions aussi importantes.”

L’actuel projet de loi, dans son article 15,II, 1-2-3 prévoit la possibilité de telles entreprises en France sous couvert d’une simple déclaration faite auprès de l’Agence de la biomédecine. Mais ces projets posent question et demandent à être examinés dans le calme, avec sagesse, par divers comités éthiques indépendants, nationaux, européens et internationaux. Au minimum, ils demanderaient un encadrement légal sérieux, résistant aux modes du moment. Les faire passer dans une loi votée à la va-vite par une Assemblée nationale qui n’a pas la compétence biologique et éthique nécessaire, sous couvert d’un examen préalable par une commission qui n’est que l’émanation de cette Assemblée paraît aberrant.

Ayons la sagesse de remettre à plus tard ce projet de loi qui peut attendre alors que notre pays doit faire face à des problèmes autrement plus urgents. Laissons aux instances spécialisées et responsables, comme le DH-BIO en Europe, l’Unesco et l’OMS au niveau international, le soin de réfléchir à ce que proposent les scientifiques, en portant si possible cette réflexion au niveau d’un vrai débat public, respectueux des personnes et de la démocratie. Ne déléguons pas à des agences gouvernementales, aussi distinguées soient-elles, dans une sorte de procuration aveugle, le soin de traiter de questions aussi importantes, “au coup par coup” administratif. Elles touchent à notre avenir humain, spirituel, éthique.

Pour aller plus loin :

Les membres du personnel soignant, médecins et étudiants en médecine, infirmières, sage-femmes, chercheurs, biologistes… peuvent suivre la Master-class Science et éthique de la Fondation Jérôme-Lejeune et les enseignements de Mgr Jacques Suaudeau, directeur scientifique du Centre Bioéthique de la Fondation Jérôme-Lejeune. Cette formation d’expertise donnée par des médecins, juristes et philosophes est ouverte à la rentrée universitaire 2020. Les cours sont suivis au Centre de bioéthique (Paris XVe) ou en e-learning. Informations et inscriptions

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