Victime d’un AVC, l’ancien PDG de PSA nous convie à un exercice de libération. Il met le doigt sur l’essentiel de nos vies : le plus grand des professionnels est d’abord un être humain.Après un triple AVC, l’ancien PDG de PSA Christian Streiff a dû se reconstruire. Dans son livre J’étais un homme pressé (Cherche Midi), il raconte : « J’ai découvert le bonheur d’être. Ce qui était autrefois une donnée est maintenant un cadeau de la vie. » Pour nous qui sortons progressivement d’un confinement, il y a là quelques perles inspirantes. La rupture brusque d’un rythme de vie, même s’il est remarquable et passionnant comme celui du chef d’une très grande entreprise, a réorienté la vision de Christian Streiff. Son dernier chapitre en particulier nous laisse quelques leçons de vie :
Accepter l’incertitude
« Que décider ? Eh bien, je ne le sais toujours pas ! » Première leçon de vie : accepter l’incertitude. Certes, on peut imaginer qu’en tant qu’ancien PDG, Christian Streiff bénéficiait d’une sécurité financière confortable. Il n’empêche : le taux de récidive d’un AVC est de 30 % pour ceux qui en ont déjà vécu. Il faut apprendre à vivre avec : « Foncer tête baissée dans la voie où l’on s’est engagé n’est pas toujours la bonne méthode. » À la certitude de gagner prend place l’incertitude de l’avenir, non pas angoissée, mais gourmande de tout ce que la vie offre au présent.
« La vie est belle »
Il est assez heureux d’entendre ce grand chef d’entreprise affirmer « La vie est belle ! » « Je prends le temps de vivre, je ne suis plus prêt à sacrifier toute ma vie à une tâche, je ne veux plus me concentrer à cent pour cent vers un objectif. Et pourtant, je me sens plus “capable” que je ne l’ai jamais été. » Ici, le paradoxe mérite d’être souligné : l’ouverture d’esprit, l’écoute, le fait d’avoir une vision grand-angle qui porte au-delà de son activité, tout cela donne une nouvelle efficacité à sa vie professionnelle. Car Christian Streiff n’a pas du tout renoncé à être le manager qu’il est au fond de lui. Simplement, comme il le dit lui-même, « ma vie s’est ouverte » : être un bon amoureux de sa femme, bon père de ses enfants, lire, marcher, discuter, voyager… « Et je vais tout faire pour rester un bon manager. »
Manager autrement : d’abord la confiance
Qu’est-ce donc qu’un bon manager ? Pour celui qui a souffert d’être démis de ses fonctions avec le sentiment d’avoir été trahi par son actionnaire, la toute première réflexion managériale est « de bien réfléchir avant de donner sa confiance à quelqu’un ». La blessure est encore vive, mais il est clair que la confiance entre les acteurs principaux d’une organisation est un point essentiel. Être à un poste de management, c’est savoir mettre de la confiance et repérer quand il en manque pour y remédier autant que possible.
Ensuite l’endurance
Deuxième qualité managériale : « l’endurance » bien plus que l’intelligence. À la suite de son AVC, c’est la combativité qui a permis à Christian Streiff de récupérer. Trois années d’efforts considérables pour réapprendre les mots oubliés, passer des heures à faire des exercices rébarbatifs avec l’orthophoniste et recommencer des dizaines de fois avant d’aboutir. Patience, combativité, endurance, courage (cela crève les yeux quand on lit son livre mais il n’utilise pas ce mot !) « ont été pour moi la clé de la réussite professionnelle, me faisant gagner de nombreuses batailles ».
Enfin l’équilibre
Troisième qualité, l’équilibre. « Bien sûr, l’énergie, l’endurance et la ténacité restent des qualités importantes, mais savoir quand ne pas les utiliser, c’est encore plus important. » C’est une sagesse de l’homme éprouvé que de savoir discerner la voie la plus efficace : elle n’est pas forcément la plus difficile. Christian Streiff insiste sur la « qualité de vie », cet équilibre entre trois piliers : le métier, la famille et les amis et enfin… soi-même. Il décrit avec justesse comment le patron en lui avait « tout avalé ». « C’est cet équilibre que j’ai eu la chance de retrouver, ou plus exactement de rechercher, grâce à une veine minuscule qui s’est rompue dans mon thalamus. Et la simple recherche de cet équilibre est déjà un cadeau. »
Avec courage et sagesse, Christian Streiff nous convie à un exercice de libération. Il met le doigt sur l’essentiel de nos vies : le plus grand des professionnels est d’abord un être humain. Curieusement, il arrive qu’on oublie cette évidence. En ce début de déconfinement, il nous rappelle opportunément que ce cap est bénéfique et mérite plus que jamais d’être investi.