separateurCreated with Sketch.

Robin (J’irai décrocher la lune) : “Ne gâchez pas votre vie, ne la gaspillez pas”

J’irai décrocher la lune trisomie 21

Robin, acteur dans J’irai décrocher la lune.

whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Louise Alméras - publié le 26/05/20
whatsappfacebooktwitter-xemailnative

Laurent Boileau, réalisateur du magnifique documentaire “J’irai décrocher la lune”, se livre à Aleteia sur les motivations qui l’ont poussé à faire ce film. Parmi les protagonistes, porteurs de trisomie 21, Robin explique quant à lui pourquoi il a accepté de participer au projet. Il a surtout tenu à nous faire passer un message important. Il est assez rare de conduire une interview avec un réalisateur et l’un de ses acteurs. Pour J’irai décrocher la lune, cela paraissait aller de soi. Car le premier mérite de ce film est de donner la parole aux personnes porteuses de trisomie 21. Comme le souligne Laurent Boileau, “d’habitude nous parlons toujours à leur place”. Il était temps que cela change. Pourquoi ce documentaire ? D’abord “par curiosité”, affirme le réalisateur. “Ce n’est pas un film militant pour la cause des personnes porteuses de trisomie 21. J’en avais rencontré au cours de ma vie et j’avais envie de faire quelque chose avec eux”. En 2016, alors que Laurent Boileau réfléchissait à un film autour de la différence, ce sujet lui est naturellement revenu à l’esprit. “En faisant des recherches sur Internet, je suis tombé sur des articles de presse et des reportages tournés à Arras, là où habitent les protagonistes du film. Après avoir observé leur vie, cela m’a donné envie de faire ce film sous cette forme”. Changer ses préjugés l’intéresse et il en fait profiter les autres.

En marche vers un changement de société

Éléonore, Robin, Stéphanie et Gilles-Emmanuel ont tous un point commun : ils travaillent, ont un appartement et ont décidé de prouver qu’ils pouvaient décrocher la lune. Comment est-ce possible ? “Dans le fait de décrocher la lune, il y a cette notion d’inaccessibilité et cette volonté que nos amis québécois ont appelé “l’autodétermination”. Cela leur permet d’affirmer leur personnalité et leurs choix. Quelle lune décrocher ? C’est à eux de décider. Peut-être n’y arriveront-ils jamais, mais il y aura sans doute un beau voyage qui les fera progresser”, s’enthousiasme le réalisateur. “Pour beaucoup, ce qu’ils vivent peut sembler surréaliste, alors que c’est leur quotidien. Depuis des années, le modèle français fait qu’il n’y a pas tellement d’alternative à la vie en milieu protégé pour ces personnes-là.”

« Ce sera plus facile pour les plus jeunes, plus tard, d’avoir comme modèles Gilles-Emmanuel, Eléonore, ou Robin, qui montrent qu’ils ont la possibilité de faire des choix, tout en étant accompagnés de manière adaptée pour chacun. »

Cette transition vers l’autonomie peut surprendre, mais elle est pourtant l’apanage de tous les adolescents qui franchissent le pas vers une vie d’adulte. “Pourquoi, en ayant une trisomie, ne pourrait-on pas vivre et travailler en milieu ordinaire ? Est-ce que tout le monde doit le faire ?”, s’interroge Laurent Boileau. “C’est au gré de chacun et on doit pouvoir leur proposer ce choix. Qu’Élise n’arrive pas à dormir seule chez elle n’est pas un échec en soi, par exemple. Passer d’un milieu protégé à une autonomie en appartement à trente ans suppose du temps et peut être un peu déstabilisant. C’est difficile, car ce sont les premiers à vivre ainsi. Ils partent d’un contexte où l’on doit tout faire à leur place, où l’on juge les parents s’ils sont seuls dans la rue ou s’il leur arrive quelque chose. Ils héritent de cette projection où l’on pense que c’est mieux pour eux de penser à leur place. Ce n’est évidemment pas un jugement envers les parents, car c’est une vie de combat pour eux”. Finalement, Laurent Boileau est plutôt confiant en l’avenir. “Ce sera plus facile pour les plus jeunes, plus tard, d’avoir comme modèles Gilles-Emmanuel, Éléonore, ou Robin, qui montrent qu’ils ont la possibilité de faire des choix, tout en étant accompagnés de manière adaptée pour chacun”. Robin est un jeune homme de vingt-huit ans, actif, responsable et soucieux de conquérir sa liberté. A-t-il eu de la chance ou plutôt du courage pour arriver jusque-là ? “Pour moi, j’ai plutôt eu du courage. Au début j’étais fier, mais plus maintenant, car cela m’agace d’avoir toujours le choix. C’est facile d’être libre sans avoir à choisir”. Un constat lucide que beaucoup de jeunes — et moins jeunes — partagent. 


Film J’irai décrocher la lune
Lire aussi :
“J’irai décrocher la lune”, de jeunes porteurs de trisomie en route pour la liberté

L’importance du regard des autres

Si le regard sur eux ne change pas, il continuera les dégâts. Avoir un regard positif sur soi est crucial pour la construction de tout un chacun. “J’aimerais bien m’assumer comme je suis, oui. Je ne sais pas si j’y arriverai, mais pas tout seul en tout cas”, explique Robin. S’il a accepté de participer au tournage de ce documentaire, c’était aussi pour “dire stop aux moqueries”. “Je voulais raconter ma vie, dire qui je suis. Et dire stop aux moqueries, pour qu’on me regarde tel que je suis. Cela m’a permis d’avancer dans mon rêve”. Le réalisateur insiste beaucoup sur ce regard porté sur eux. “Éléonore dit avoir beaucoup souffert du regard des autres. C’est grâce à sa médiatisation et au fait d’avoir écrit un livre que, tout à coup, un regard positif s’est porté sur elle. Mais le regard de la société est globalement assez négatif. La trisomie présente certaines fragilités, certes, mais que l’on retrouve chez beaucoup de personnes dans d’autres contextes”.

« Ils démontrent qu’ils sont capables de vivre en milieu ordinaire. Donc, forcément, la société est obligée de changer car elle ne peut pas nier cette réalité. »

Le changement est peut-être entre les mains de la nouvelle génération. “Quand je vois Élise qui travaille avec des enfants à la crèche, une fois adulte cela ne leur semblera pas incongru qu’une personne porteuse de trisomie travaille dans un milieu ordinaire. Ensuite, “des choses changent car ils sont acteurs de ce changement et en sont des preuves vivantes”, estime Laurent Boileau. “Ils démontrent qu’ils sont capables de vivre en milieu ordinaire. Donc, forcément, la société est obligée de changer car elle ne peut pas nier cette réalité.” Dans le film, quand il demande à Gilles-Emmanuel s’il veut essayer de retrouver ses parents biologiques, il répond : “Tout est possible, il n’est jamais trop tard”. “Quelle leçon de vie pour moi. Ils ont des choses à dire, mais il faut prendre le temps de les écouter”, réitère le réalisateur. “Ils m’ont fait changer.” D’ailleurs, Robin a quelque chose d’important à dire à un jeune qui a la vie devant lui : “Ne gâche pas ta vie, ne la gaspille pas, profite tant que tu es jeune. Profite du temps qu’il fait pour aller travailler, gagner ta nourriture et pour vivre tes rêves.”

 

J’irai décrocher la lune, de Laurent Boileau, avec Robin Sevette et Eléonore Laloux, le 18 mars au cinéma, 1h31. Uniquement le 26 mai à 20h15, en séance virtuelle sur la plateforme : https://sallevirtuelle.25eheure.com/.



Lire aussi :
Le Reflet, petite entreprise qui emploie huit porteurs de trisomie 21

Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Vous aimez le contenu de Aleteia ?

Aidez-nous à couvrir les frais de production des articles que vous lisez, et soutenez la mission d’Aleteia !

Grâce à la déduction fiscale, vous pouvez soutenir le premier site internet catholique au monde tout en réduisant vos impôts. Profitez-en !

(avec déduction fiscale)
Newsletter
Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !