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L’homme est-il le maître de la Terre ?

Foule dans la rue
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Guillaume de Prémare - publié le 23/05/20
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Les crises contemporaines — sanitaire, écologique, économique, sociale et financière — auront-elles raison de l’illimitation des appétits humains ? Cinq ans après la publication de l’encyclique Laudato si’, l’homme va-t-il saisir l’occasion de trouver sobriété et tempérance en limitant sa soif de domination ?Sur cette terre, chaque être vivant agit selon son espèce, individuellement et collectivement. Selon son espèce, l’homme dompte, soumet et domine, à la fois la bête sauvage et les éléments naturels. Il agit selon son espèce lorsqu’il construit d’immenses barrages, détourne le lit des fleuves et en régule le débit, transforme le littoral en domptant la mer, redessine le paysage par son habitat et ses cultures, vainc l’apesanteur pour soulever du sol une impressionnante carlingue qui le mènera en quelques heures d’un bout à l’autre de la terre, ou en quelques jours sur la lune.

L’homme veut tout conquérir

Maître de la Terre, il lui faut encore devenir maître de l’univers. Il veut conquérir, percer tous les secrets et tout perfectionner, autant que possible. La seule limite reconnue de facto par l’homme est précisément celle du possible. Mais il ne s’assigne pas de limites a priori : tout juste reconnaît-il les limites du moment. Ne cherche-t-il pas à vaincre même la mort, qui est par excellence la limite la plus visible de sa condition ?


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Ainsi, comment l’homme pourrait-il se penser comme une espèce parmi les autres, un concertiste parmi d’autres dans la vaste symphonie du vivant, soucieux de modestie et désarmant ses ambitions ? L’homme peut difficilement se penser autrement que comme le centre, le maître, celui qui peut, celui qui sait, celui qui fait, celui qui veut. Et s’il lui vient à l’idée quand même de se penser comme un être lambda sur cette terre, il ne fait exprimer ici que sa capacité à penser même l’utopie, c’est-à-dire l’irréel.

Quand la nature reprend ses droits

Alors bien sûr, parfois le lion dévore le dompteur, le taureau renverse le toréro, la mer engloutit le littoral patiemment façonné par l’homme, la terre s’ébranle et détruit, l’épidémie frappe, le ciel sème la terreur parmi les hommes. D’une certaine manière, la nature reprend parfois ses droits par la force. Cette réalité, l’homme est capable de la penser et de l’intégrer en recherchant la sagesse. Il peut ainsi trouver un sursaut d’humilité pour se corriger.

Mais tout cela restera provisoire. En effet, même s’il reconnaît l’hubris qui a causé sa chute, l’homme se remettra tout de même en selle sans tarder, comme le cavalier désarçonné remonte sur l’étalon pour lui montrer qu’il demeure, in fine, le maître. La sagesse ne suffit pas. La question de la limite est aussi métaphysique : quel maître l’homme peut-il reconnaître sinon lui-même ?

Trouver le sens des limites

Il se trouve que l’homme connaît, plus ou moins consciemment, sa limite irréfragable : créer quelque chose à partir de rien. Il peut imaginer vaincre la mort mais non pas créer la vie à partir de rien. Il sait qu’il ne crée rien stricto sensu mais que sa création est une transformation. Il sait que la formule créatrice originelle est hors de son champ, qu’elle appartient au principe même du divin.



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L’homme peut alors choisir entre deux possibilités. La première est la révolte contre Dieu, révolte qui revient en quelque sorte à tenter d’absorber Dieu pour lui arracher de force l’illimité : cette voie mène à une forme d’autodestruction. La seconde possibilité consiste à chercher Dieu dans la connaissance et la relation, recherche qui revient à accomplir l’illimité dans la soumission à Dieu. Voilà pourquoi le philosophe Henri Hude dit que “l’homme ne peut accéder à la tempérance que si la tempérance lui donne Dieu en échange”. Autrement dit, l’homme ne peut accepter la limite que si la limite lui donne l’illimité en retour.

Chronique publiée en partenariat avec Radio Espérance, 13 mai 2020.

 

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