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“Le service de notre prochain doit nourrir la même impatience que l’Eucharistie”

Abbé Arnaud Toury.

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Agnès Pinard Legry - publié le 20/05/20
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Prêtre du diocèse de Reims, l’abbé Arnaud Toury a revêtu la blouse d’aide-soignant durant le confinement afin de renforcer le personnel médical d’une unité accueillant des personnes atteintes d’Alzheimer. "J’ai perçu d’une manière très forte comment le fait de prendre soin des autres était un culte rendu à Dieu", confie-t-il à Aleteia.

Prêtre du diocèse de Reims, l’abbé Arnaud Toury a revêtu la blouse d’aide-soignant durant le confinement afin de renforcer le personnel médical d’une unité accueillant des personnes atteintes d’Alzheimer. “J’ai perçu d’une manière très forte comment le fait de prendre soin des autres était un culte rendu à Dieu”, confie-t-il à Aleteia.

Qui a dit que le col romain et la blouse blanche ne faisait pas bon ménage ? Alors que la vie pastorale reprend doucement son cours depuis le début du déconfinement le 11 mai dernier, l’abbé Arnaud Toury, 50 ans, prêtre du diocèse de Reims, attend ses résultats de dépistage du Covid-19. “Une des personnes du service dans lequel je travaillais a été diagnostiqué positif”, confie-t-il. Son service ? Il ne s’agit pas ici de sa paroisse ou de l’équipe liturgique mais du service de l’unité accueillant des personnes atteintes d’Alzheimer au sein de l’Ehpad de Jean-Collery d’Aÿ-Champagne.

“Quand le gouvernement a lancé la réserve sanitaire pour soutenir le personnel soignant face à l’épidémie de covid-19, cela m’a paru normal de m’inscrire”, explique-t-il. Car avant de devenir prêtre l’abbé Arnaud Toury était infirmier. “J’ai obtenu le diplôme d’État en 1992”. Il est ensuite parti deux ans afin d’exercer en Côte d’Ivoire dans le cadre d’un volontariat avec la Délégation catholique de coopération (DCC). S’il n’a pas pratiqué depuis 1994, il n’a pas hésité une seconde à se porter volontaire. “Si on ne met pas ses compétences au service des autres, elles meurent”, assure-t-il.



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Après en avoir parlé à son évêque et s’être assuré que cela était compatible avec sa charge pastorale, l’abbé Toury s’est donc inscrit. “J’ai été contacté durant de la Semaine sainte. Un certain nombre de traitements et d’outils ayant évolué depuis 1994, j’ai été réquisitionné en tant qu’aide-soignant dans un service d’hôpital où le virus circulait déjà”. D’emblée, spirituellement, l’abbé Toury est marqué : “Cela m’a paru très fort : en Orient on célèbre la descente du Christ aux enfers et là c’était une plongée en plein covid. Le fait de commencer ce service au lendemain du Jeudi et du Vendredi saint m’a fait percevoir d’une manière forte que le soin qu’on prend des malades est un culte rendu à Dieu. Dans les vingt premiers versets du chapitre 12 de la lettre de saint Paul aux Romains, c’est frappant ! Toutes les attitudes du chrétien dans son attention et son service à son prochain sont un culte rendu à Dieu”.

“Les personnes atteintes d’Alzheimer sont dans un monde bien à elles et il faut les y rejoindre afin de cheminer avec elles.”

Il sera mobilisé deux jours dans ce service avant de rejoindre, pour un mois, une unité accueillant des personnes atteintes d’Alzheimer dans un Ehpad. “C’était un peu Alice au pays des merveilles de l’autre côté du miroir”, raconte-t-il. “Les personnes atteintes d’Alzheimer sont dans un monde bien à elles et il faut les y rejoindre afin de cheminer avec elles”. Soulignant l’admiration qu’il a pour le personnel soignant et pour le travail qu’ils font chaque jour, le prêtre insiste : “Il faut se rendre compte : des personnes se lèvent chaque jour pour prendre soin de personnes que certains, dans notre société, considèrent comme inutiles. La qualité des soins que j’ai pu observer, les rapports aux personnes manifestent une attention quotidienne à la vie humaine”.

De ces jours hors du temps, frappés par la pandémie, l’abbé Arnaud Toury à mille souvenirs. Il évoque Marcelle, “une dame âgée pas loin des 100 ans”. “Je me souviens d’un jour où elle passait du coq à l’âne avant de se mettre tout d’un coup à pleurer. Je lui ai demandé ce qui n’allait pas et elle m’a répondu qu’elle cherchait Dieu !”. Lui conseillant de prier pour le trouver, Marcelle lui répond alors : “Mais personne ne peut prier avec moi !”. L’abbé Toury saisit alors l’occasion et l’invite à prier avec lui. “Le personnel soignant savait que j’étais prêtre mais pas les malades”. “Nous avons récité le Notre Père, elle m’a chaleureusement remercié puis… elle est passée à autre chose. C’est cela, la maladie d’Alzheimer, il y a des éclaircies dans les nuages, des percées vers le ciel qui sont magnifiques”. Il se souvient aussi de cet autre résidant qui l’a appelé plusieurs fois rabbi sans savoir qu’il était prêtre.

Je comprends l’impatience des fidèles concernant l’eucharistie mais le service de notre prochain doit lui aussi nourrir la même impatience.

Cette expérience a-t-elle changé sa manière de vivre son ministère de prêtre ? “Il y a un lien très fort entre l’eucharistie et le lavement des pieds”, explique-t-il. “En lavant les pieds de ses disciples comme en partageant avec eux un dernier repas lors de la Cène, il leur donne un exemple pour qu’ils fassent de même en mémoire de lui. Le lavement des pieds n’est pas moins un mémorial du sacrifice du Christ que l’eucharistie. Durant tout le confinement les catholiques ont été privés physiquement de messe, d’eucharistie, mais ils n’ont pas été privés de communion”. Agir comme le Christ aurait agit pour chacun est une manière d’être en communion avec Dieu, reprend l’abbé Toury. “Je comprends l’impatience des fidèles concernant l’eucharistie mais le service de notre prochain doit lui aussi nourrir la même impatience”.



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