Le confinement met un coup d’arrêt à notre activisme : et si nous prenions au sérieux le sens de notre vie ? Que sommes-nous prêts à sacrifier ?D’après vous, que sera le jour d’après le confinement ? Les pronostics vont bon train. En voici quelques formulations, façon Cyrano de Bergerac ! Selon les lecteurs de 20 minutes, “demain sera différent”, un peu court jeune homme !
Dépité : “Rien ne va changer” (lu sur LinkedIn).
Basique : “Le 11 mai, ce ne sera pas la vie d’avant” (Édouard Philippe).
Naïf : “J’espère que ça ne changera rien au niveau des élèves et de l’équipe. C’était très bien avant et j’espère que ça va continuer” (une institutrice, interrogée par Ouest France).
Pratique : “Tous à vélo après le confinement” (l’Union de Reims).
Curieux : “Si le monde d’après advient, nous devrons apprendre à repenser nos limites territoriales” (un géographe, interviewé par Le Monde).
Tragique : “Le monde d’après l’épidémie peut-être pire qu’avant” (Jean-Yves Le Drian).
Pédant : “Un autre monde est peut-être possible, mais il n’adviendra pas” (un expert en innovation industrielle interrogé par Le Monde).
Flemmard : “Après la crise du coronavirus, il faudra avoir de bonnes raisons pour aller au bureau” (Les Échos).
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On aime les pronostics. Mis à la queue leu leu, ils prêtent à sourire ! Il n’empêche que notre civilisation du projet croit possible d’influencer notre avenir et c’est pour cela qu’on cherche à le scruter pour le préparer. Auguste Comte préconisait : “Savoir pour prévoir, afin de pouvoir”.
Entre le fatalisme et le volontarisme
Deux doctrines s’affrontent. D’un côté Œdipe, figure du fatalisme. Il connaît son destin, le refuse et fait tout pour l’éviter mais c’est le destin qui l’emporte. À l’opposé, Sartre s’appuie sur une formule de Dostoïevski Si Dieu n’existe pas, tout est permis, pour se faire le défenseur du volontarisme : l’homme est “condamné à être libre” dans un monde absurde. Entre les deux, on peut choisir la doctrine du libre arbitre selon laquelle l’être humain a un pouvoir sur son avenir, il peut l’anticiper et le modifier. Ce pouvoir n’est certes pas absolu, mais l’homme moderne refuse d’être fataliste et veut écrire sa partition. Ses succès technologiques sont tels qu’il se croit souvent invulnérable, les gourous de l’intelligence artificielle promettaient il y a peu la fin des maladies et la vie éternelle — avec un taux de 86% ! Le coronavirus nous rappelle à l’ordre. Ce volontarisme absolu est simplement ridicule. Entre fatalisme et volontarisme, nous avons le désir de jouer une autre carte et nous voulons savoir laquelle.
Quel avenir construire ?
Personne ne sait exactement de quoi demain sera fait, les Madame Irma sont des charlatans, c’est entendu. Mais certains augures sont plus perspicaces que d’autres. Leur vision est composée d’un brin de folie optimiste, d’une forte dose de lucidité, le tout arrosé du refus viscéral de baisser les bras, de s’avouer vaincu. “Nous avons perdu une bataille, nous n’avons pas perdu la guerre” selon la formule gaullienne en plein marasme. Elle a le mérite de stopper la spirale du pessimisme, d’ancrer l’esprit sur un fait incontestable et de dégager une issue crédible. Quelle serait aujourd’hui l’issue autour de laquelle chacun pourrait reprendre confiance ?
Oser l’aventure du sens
J’ose volontiers cette perspective humanisante : le confinement met un coup d’arrêt à notre activisme, bouscule notre espace-temps habituel, oblige à reconsidérer nos relations proches, interroge notre contribution sociétale… Et si cette nouvelle donne nous réveillait de notre sommeil existentiel ? Si nous prenions au sérieux le sens de notre vie ? Que voulons-nous faire ? Que sommes-nous prêts à sacrifier ? Qu’est ce qui est vraiment essentiel pour nous ? Une façon de réveiller le leadership qui dort en nous, et de nous engager dans un avenir mieux choisi.
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Un avenir accompli se laisse interroger par des questions essentielles. Une intranquillité bien plus féconde que le choix de les déserter. Une façon aussi de construire notre avenir de l’intérieur plutôt que de le subir de l’extérieur.