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Lionel Badet, diacre et médecin : “Nous avons transformé l’hôpital pour le mettre au service des patients”

Lionel Badet.

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Agnès Pinard Legry - publié le 22/04/20
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Chef de service en urologie et responsable du pôle d’activité chirurgicale de l’hôpital Édouard Herriot à Lyon, Lionel Badet fait partie du personnel médical mobilisé pour lutter contre l’épidémie de covid-19. Ordonné diacre il y a trois ans, il raconte sa double vocation, médicale et diaconale, qui le porte au quotidien. Depuis plusieurs semaines, le personnel soignant lutte avec dévouement et acharnement contre l’épidémie de covid-19. Médecins, infirmiers, aides-soignants, chirurgiens… Ils sont des milliers, partout en France, à ne rien céder. Lionel Badet, 53 ans, chef de service en urologie et responsable du pôle d’activité chirurgicale de l’hôpital Édouard Herriot à Lyon, est l’un d’entre eux. “J’ai plusieurs casquettes”, explique-t-il à Aleteia. “Je suis chirurgien au service d’urologie et de chirurgie de la transplantation de l’hôpital mais je suis également en charge du développement de l’activité chirurgicale au sein des Hospices civils de Lyon” qui comptent treize établissements hospitaliers, indique-t-il.

Un redéploiement des moyens

Un quotidien que l’épidémie de covid-19 a bouleversé. “Avec la crise sanitaire, nous avons réduit l’activité chirurgicale à sa portion congrue : on ne fait plus que les opérations urgentes ou semi-urgentes, c’est-à-dire celles où on estime qu’il y a une perte de chance de guérison pour le patient si l’opération n’est pas réalisée”. Concrètement, 10% des activités chirurgicales ont été maintenues. “Ce qui m’occupe le plus aujourd’hui est le redéploiement des moyens, la réorganisation des services avec la transformation des lits de chirurgie en lits de réanimation ou lits de médecine. Je fais aussi de la gestion humaine en organisant les équipes, en partageant le temps opératoire”, détaille-t-il. “On transforme l’hôpital pour le mettre pleinement au service des patients”.



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Marié et père de trois enfants, Lionel Badet a été ordonné diacre en 2017. Une vocation qu’il vit donc dans le milieu hospitalier et qui prend un nouveau sens avec l’épidémie de covid-19. “À l’hôpital, il est compliqué de l’afficher de manière très claire. Les gens l’apprennent au fur et à mesure, au fil des discussions. Je porte simplement un message de mise au service. J’ai toujours vécu ma vocation de diacre beaucoup plus dans l’être que dans le faire. Et aujourd’hui plus que jamais : fondamentalement, nos équipes se retrouvent en situation de stress. Déjà le rapport à la mort est beaucoup plus présent aujourd’hui qu’il ne l’était avant. Ensuite, elles se retrouvent face à des familles particulièrement en souffrance à cause de l’isolement des patients. Enfin, un certain nombre de personnes qui travaillent dans le paramédical se trouvent redéployées sur des activités qui ne sont pas les leurs, ce qui peut entraîner une appréhension et une perte de confiance”. Laissant filer quelques secondes de silence, Lionel Badet reprend : “Et puis il y a un changement de paradigme par rapport à sa propre exposition. Le personnel médical est certes protégé mais il demeure particulièrement exposé à la maladie”.

D’autres questions pourraient se poser prochainement. “Nous absorbons progressivement le nombre de patients atteints du covid-19 et la situation est bien contrôlée dans la région”, reconnaît-t-il. “Il n’y a pour le moment pas de débordement ou de mise en rupture mais une question éthique se posera peut-être plus tard : quelle typologie de patients mettrons-nous en réanimation en priorité, et au détriment de quelle autre typologie de patients ?”, s’interroge-t-il.

“C’est comme si on avait quitté un mode de raisonnement individuel pour retrouver ce qui fait l’essence de nos vies : le collectif et le bien commun.”

Comment la crise du covid-19 s’inscrit-elle dans la crise plus profonde du secteur hospitalier ? “On sort d’une période compliquée au niveau hospitalier au cours de laquelle les gens étaient sur des barricades pour défendre l’hôpital public. Cette crise sanitaire a amené à un volte-face instantané pour se concentrer sur l’intérêt des patients. Ce mouvement collectif fait que beaucoup de gens ont oublié leurs problèmes personnels pour se dévouer à ce mouvement solidaire de soutien à des populations en difficulté et en souffrance. » Au-delà du secteur hospitalier, c’est tout un mouvement qui s’est mis en place dans la société. « C’est comme si on avait quitté un mode de raisonnement individuel pour retrouver ce qui fait l’essence de nos vies : le collectif et le bien commun. Ce n’est pas dit tel quel mais cela se perçoit à tous les niveaux ». Il note par exemple que dans un modèle de fonctionnement dichotomique entre les secteurs public et privé, il y a désormais « un élan du secteur libéral pour participer à la hauteur de ce qu’il peut faire à la prise en charge des malades du covid-19 ».



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Saluant bien évidemment « la résilience, l’abnégation et le courage exceptionnel des personnels hospitaliers, des pharmaciens et de l’ensemble des acteurs de notre système de santé », Lionel Badet pense aussi à tous ceux qui sont confinés. « C’est une bataille qu’ils ne peuvent pas mener mais ils ont trouvé tellement de moyens de soutenir, d’encourager et d’aider leur prochain ! » Il ne compte plus les gestes de soutien et d’attention dont il a été témoin directement ou indirectement : applaudir les soignants à 20 heures, bien sûr, mais c’est aussi cette famille qui a préparé de nombreux paniers-repas pour les distribuer, cette autre personne qui a mis en place une chaîne téléphonique afin d’assurer un lien social, etc.

« Cette crise sanitaire met le doigt sur quelque chose qui fait mal, sur notre mode de fonctionnement, notre façon de vivre », reprend Lionel Badet. « J’ai l’espérance que chacun dans son foyer se dise que la vraie question n’est pas de savoir si l’on peut faire telle activité sportive, mais s’interroge sur les valeurs à avoir pour se déployer pleinement. À défaut de sens, nous trouverons peut-être la source de nos ennuis dans nos modes de vie et nous les changerons pour être au plus près des plus fragiles ».

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