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Mais après quoi courent les “joggeurs” du dimanche ?

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Fabrice Hadjadj - publié le 18/04/20
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Dans son ouvrage intitulé « Résurrection, mode d’emploi » (Magnificat), Fabrice Hadjadj, philosophe et essayiste, pose un regard neuf et plein de finesse sur le mystère du Christ Ressuscité. De sa plume mordante, il offre une autre vision du matin de Pâques. Pas celle, si souvent représentée, du tombeau vide, mais celle d’une course folle où se bousculent Marie-Madeleine, Pierre et Jean. Et le philosophe invite à se demander après quoi courent-ils ? Quel est le trophée à remporter ? Extrait. « Je connais des gens qui font du jogging le week-end. Ils sont si admirables, si rapides, si réguliers dans leur foulée, qu’en comparaison, ma femme et moi, avec nos six enfants qui gesticulent en tous sens autour de notre marche lente, nous ressemblons à deux gros pots de confiture cernés par une nuée de moucherons. Que cherchent-ils, ces coureurs du dimanche ? Le fitness. La forme du cœur et du corps. Et ils ont bien raison. Le seul léger petit problème, c’est que tous, malgré tout, courent aussi vers leur tombe. Ce qui ne serait pas grand-chose encore s’il n’y avait cet autre inconvénient que certains ont tendance à oublier que leur cœur n’est pas qu’un muscle.

“Si l’on devait repenser le rituel selon le comportement pascal de Pierre, Jean et Marie Madeleine, il faudrait organiser quelque chose d’aussi incongru que des courses de relais autour de l’autel.”

Loin de moi, en tout cas, l’idée de les mépriser. Si l’on en croit saint Jean, le dimanche de Pâques, tout le monde se met à courir. Le verbe « courir » est même réservé dans son Évangile à ce jour-là, et pour des allées et venues au sépulcre. Voici d’abord cette femme – on la connaît, une ancienne pécheresse ! – qui court dans les rues de Jérusalem et vous bouscule au passage : « Vraiment, vous pourriez faire plus attention, Mademoiselle ! » Et puis voici soudain deux hommes – on les connaît, des poissonniers en retraite anticipée ! – qui courent dans l’autre sens et vous bousculent derechef : « Mais qu’est-ce qu’il leur prend à tous aujourd’hui ? Le deuil de votre maître devrait vous plonger dans une immobilité grave et dolente ! L’intériorité vous fait-elle à ce point défaut ? » C’est le reproche qu’un bon chrétien n’hésitera pas à faire aux Apôtres, surtout s’il s’évertue lui-même à être à la messe aussi vif et chaleureux qu’une statue de marbre.

À l’évidence, si l’on devait repenser le rituel selon le comportement pascal de Pierre, Jean et Marie Madeleine, il faudrait organiser quelque chose d’aussi incongru que des courses de relais autour de l’autel, en relisant à chaque départ, pour remobiliser l’assistance, ce passage de la première épître de Paul aux Corinthiens : « Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter » (1 Co 9, 24). »

 

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Pour acheter Résurrection, mode d’emploi, Fabrice Hadjadj, Magnificat, février 2016, 14,50 euros.



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