Les femmes qui avaient accompagné Jésus jusqu’à sa sépulture n’avaient pu en raison du shabbat accomplir les rites funéraires habituels. Aussi, c’est dans la désolation et les larmes qu’elles se rendirent le surlendemain au tombeau afin d’embaumer le corps avec des aromates. Mais une question s’imposa alors immédiatement à leur esprit : qui roulera pour elles la lourde pierre fermant le tombeau ?On a volé le corps de Jésus ! Le premier jour de la semaine, le dimanche, alors que le shabbat était passé, trois femmes se rendirent, en effet, jusqu’à la tombe où le corps de Jésus avait été déposé par Joseph d’Arimathie. L’évangéliste Marc prend soin de rappeler que le soleil était levé, un signe important démontrant que les ténèbres de la mort étaient déjà dissipées. Or, ce fut pourtant la stupeur qui gagna ces femmes à l’approche du sépulcre. Stupeur parce que cette lourde pierre qui en fermait l’entrée, source de leur anxiété, avait déjà été roulée ! – Surtout, elles s’aperçurent de suite que le corps même de Jésus avait disparu et n’était plus à l’intérieur du tombeau…
Qui l’avait soustrait ainsi aux ténèbres ? Mais c’est une plus grande frayeur encore qui va les gagner lorsque « toutes tremblantes et bouleversées » précise l’évangéliste, un jeune homme – il s’agira en fait d’un ange – à l’intérieur même du sépulcre leur annonce que Jésus le Crucifié est ressuscité…
Les yeux rivés sur le tombeau vide
« Et resurréxit tértia die, secúndum Scriptúras », « Jésus est ressuscité le troisième jour, suivant les Écritures » rappelle le Credo latin. Celui-ci nous rappelle qu’après le pesant silence du Sépulcre et une réelle méditation sur la mort, c’est la joie de cette étonnante et merveilleuse annonce qui doit être proclamée ! Une annonce qu’avait pourtant déjà évoquée le Christ lui-même à ses disciples avant sa Passion…
Alors l’ange les avertit : « Allez dire à ses disciples : “Il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; là, vous le verrez.” (Mt 28, 7). Mais, à ces paroles pleines de joie, les femmes effrayées de nouveau, s’enfuirent car cette annonce était trop intense pour être acceptée pour l’esprit humain. L’Évangile de préciser : « Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur ».
Le grand artiste italien, Fra Angelico, au XVe siècle a bien saisi ces différents plans dans l’une des fresques les plus célèbres qu’il ait peintes pour le couvent de San Marco à Florence.
Alors que le Christ élevé dans les cieux au-dessus de la scène nous regarde afin d’élever notre propre regard, quatre femmes sont penchées, les yeux rivés sur le tombeau vide. Un ange les observe à son tour pour leur faire comprendre que ce qu’elles scrutent n’est plus la réalité qui compte désormais.
Noli me tangere…
Mais l’épisode peut-être le plus émouvant de la Résurrection est rapporté par l’Évangile de Jean : Alors que Pierre et un autre disciple sont partis annoncer l’incroyable nouvelle, Marie Madeleine se rend au tombeau ; Là, seule, elle pleure. Le cœur de Marie Madeleine est encore attaché au Maître qu’elle a connu et aimé. Mais, à ce moment, Jésus lui apparaît ; Tout d’abord, elle ne le reconnaît pas car son attention reste prisonnière de ses souvenirs. Jésus l’interroge alors : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Marie demeure décidément attachée aux réalités terrestres et elle pense que celui qui lui adresse la parole n’est autre qu’un jardinier – le tombeau de Jésus étant installé dans un jardin. Alors, elle répondit : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » Jésus décide de se révéler et lui dit : « Marie ! » Les yeux de Marie Madeleine s’ouvrent enfin, elle a reconnu Jésus et le nomme dès lors en hébreu : « Rabbouni ! », diminutif affectueux pour désigner le Maître.
Marie est agenouillée au pied du Christ, prête à se saisir de ses pieds comme on le ferait pour un ami disparu et retrouvé, mais Jésus d’un geste de la main droite l’arrête dans son élan…
C’est alors que les peintres ont par leurs œuvres d’art pris le relais des Écritures en prenant l’initiative d’esquisser un geste de la main de Marie en direction du Christ, une manière de rappeler ce corps aux réalités terrestres, mais Jésus l’avertit alors : « Noli me tangere – Ne me retiens pas – car je ne suis pas encore monté vers le Père », précisent les Évangiles. Le tableau du peintre italien Le Corrège au musée du Prado traduit toute la complexité de la scène : Marie est agenouillée au pied du Christ, prête à se saisir de ses pieds comme on le ferait pour un ami disparu et retrouvé, mais Jésus d’un geste de la main droite l’arrête dans son élan pour, de sa main gauche, lui montrer les réalités célestes.
La mort a été vaincue et si le corps de Jésus n’est plus de chair, tout en étant reconnaissable à Marie, là n’est plus l’essentiel, Jésus rappelle ce qui devra importer à tous les croyants dorénavant :
« Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »