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Chronique de la France confinée (8). Après la sidération, la routine ?

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Xavier Patier - publié le 14/04/20
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En apparence, c’est le chaos : ce qui était essentiel est jugé accessoire, ce qui était accessoire est devenu essentiel. En réalité, les Français redécouvrent la vraie vie.C’est fou, comme le monde change : après un instant de sidération, notre confinement est devenu une culture. Les Français confinés vivent dans un autre monde, peuplé de réseaux sociaux, de petits plats, d’école à la maison, d’applaudissements sur des balcons (de « clapping » dit-on, car la langue française aussi souffre du coronavirus) et de folles rumeurs, comme s’ils en avaient une ancestrale habitude. Pour un peu, nous aurions oublié notre vie d’avant.

En apparence, la France s’est installée presque naturellement dans une façon d’être qui ne ressemble à rien de ce qu’elle croit aimer. Ce qui lui était essentiel est devenu accessoire. Ce qu’elle estimait accessoire lui est devenu essentiel. Mais au-delà de cette apparence, on discerne fort heureusement une autre réalité : en quelques semaines, notre humanité a grandi.

L’homme confiné vit seulement de pain

L’apparence, d’abord, est celle d’un chaos. À lire les décrets, à écouter les ministres, on observe que tout est cul par-dessus tête. Est aujourd’hui considéré comme essentiel le fait de pouvoir sortir de chez soi pour acheter un pack de bière dans une supérette, mais pas pour acheter un livre dans une libraire. Essentiel, que de sortir son chien, mais accessoire, que de rendre visite à sa grand-mère. Essentiel, se déplacer pour adopter un animal à la SPA ; accessoire, se déplacer pour secourir un enfant. Essentiel, se frotter à ses concitoyens dans une boulangerie, mais accessoire, que de participer à la Sainte Eucharistie dans une église.



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L’homme confiné vit seulement de pain. Saint François d’Assise avait affirmé que ce qui l’attirait dans le royaume de France était que l’Eucharistie y était aimée plus que partout ailleurs. Un an après que l’aumônier des pompiers de Paris le prouvait encore en sauvant le Saint Sacrement dans Notre-Dame en flammes, les Français ne s’approchent plus de la sainte hostie. Il y a six semaines, ils étaient deux millions à recevoir le corps du Christ chaque dimanche. Il n’y en a pratiquement plus un seul aujourd’hui en dehors du clergé : qui peut mesurer les conséquences de cette révolution silencieuse ? 

État fragile et Élan de gratuité

Les Français ont, tout aussi docilement, renoncé à leurs droits constitutionnels tant liés à leur identité, à leurs libertés publiques si chèrement conquises, à leur vie de famille qu’ils placent plus haut que tout. Nul doute que ce bouleversement laissera des traces, d’autant que l’État, empêtré dans ses histoires de masques, de tests et d’ordre public, attendant comme il peut le choc terrible de l’effondrement économique qu’il a provoqué, est en passe, lui aussi, de nous manquer et de nous décevoir. Lisons la presse : essentielles, les énergies locales ; accessoire, l’État. Ce n’est pas anodin. La France est toujours en danger quand l’État n’y est plus aimé. 

Au-delà des prouesses des soignants que la télévision nous présente à toute heure, existe la réalité de mille signes de solidarité quotidienne. Paradoxalement, le confinement nous aura rapprochés les uns des autres.

Telles sont les apparences. Fort heureusement il existe une réalité plus profonde que ce qui se voit. Pour beaucoup de personnes, le confinement aura été un retour à ce qui fonde nos vies. Au-delà des prouesses des soignants que la télévision nous présente à toute heure, existe la réalité de mille signes de solidarité quotidienne. Paradoxalement, le confinement nous aura rapprochés les uns des autres. La débrouillardise, le don de soi, la discrétion, le retour à une forme d’humilité collective émergent partout. La possibilité d’une vie sobre est prouvée. Et l’on en vient à s’apercevoir qu’elle est une vraie vie. Les gens s’aiment un peu plus. Ils se connaissent davantage : les visioconférences dévoilent des intérieurs émouvants, décors secrets des bonheurs familiaux. Les couturières reprennent du service comme au temps de l’an II. La fièvre des masques est aussi un élan de gratuité. Une brève course en voiture prend la saveur indicible d’un voyage merveilleux.



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Et pendant que le directeur général de la Santé, le professeur Raoult ou le docteur Cymes, comme les médecins de Molière, nous prennent à témoin de leurs désaccords et brandissent des micros en guise de clystère, les Français ne les attendent pas. Ils réagissent en vieille nation qui finit toujours par gagner ses guerres. Ils s’organisent. Ils se préparent. Ils ne survivent pas : ils vivent. Les leçons de maturité nous viennent du peuple confiné. Réjouissons-nous !



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