S’il y a un influenceur dans l’art floral liturgique, c’est bien le frère Didier. Moine trappiste à l’abbaye de Tamié (Savoie) depuis une cinquantaine d’années, il fait aujourd’hui figure de référence incontestée dans ce domaine. C’est lui qui donne le ton, en inspirant des centaines bénévoles qui fleurissent à leur tour leur église. Il suffit d’ailleurs d’écouter le frère Didier quelques instants, pour être emporté dans son univers artistique de fleurs et de plantes qu’il appelle ses jardins d'Épiphanie : ces lieux où Dieu manifeste sa bonté par la beauté, où Il vient nous dire tout son amour.
Chaque étincelle de beauté est un sourire entre nous, chaque composition florale est alors un bel espace de rencontre où nous pouvons, dire à Dieu "je t’aime".
Pour ce religieux, quand « chaque étincelle de beauté est un sourire entre nous, chaque composition florale est alors un bel espace de rencontre où nous pouvons, nous aussi, dire à Dieu je t’aime ».
Les couleurs du temps pascal : le blanc et le jaune
Célébrant la beauté de la Création de Dieu, l'art floral en liturgie a aussi ses codes qui s’enracinent dans le calendrier liturgique, avec une symbolique spirituelle précise. Chaque fête et chaque temps a sa couleur. Ainsi, le temps pascal qui compte cinquante jours, célébrés dans la joie comme si c’était un jour de fête unique, a ses couleurs : le blanc et le jaune.
Les supports
Quant aux compositions florales de cette période liturgique, le frère Didier conseille de choisir deux contenants comme supports : bien ancrés dans le sol, ils symbolisent notre enracinement dans le Christ. Dans l’un des deux, les feuillages s’élèvent en branches vaporeuses et légères remontant vers le cierge pascal, tandis que d’autres retombent vers le bas. Un contenant, déposé plus bas, recevra les mêmes feuillages aux formes souples, orientées vers l’autel.
Fleurs et feuillages
Le choix des feuillages est large. La nature nous offre une multitude de variétés mais aussi de branches fleuries de printemps telles que le forsythia, le kerria, ou la spirée. Par leur jaillissement, les fleurs symbolisent cette renaissance à une vie nouvelle en Jésus ressuscité. Des fleurs claires et lumineuses dans des tons jaunes, oranges ou rouges correspondent à la fête célébrée, sans oublier le blanc qui a une place essentielle. On terminera les bouquets en ajoutant une note de verdure au cœur de ceux-ci : fougères, bergénia, aralia ou tout autre feuillage plein.
Le cierge pascal, la lumière en fleurs
Nouveau chaque année, le cierge pascal est le symbole du Christ ressuscité. Il continuera à briller jusqu’à la Pentecôte. Pour exprimer sa lumière, deux couleurs s’imposent : le blanc éclatant et le jaune qui crée des points lumineux puissants qui attirent le regard. La composition partira du sol pour lui donner une dimension d’enracinement et de jaillissement, en laissant le cierge bien visible.
Le bouquet devrait-être élancé, encadré par un feuillage. Il faut enraciner la composition, c’est à dire partir d’une souche ou de pierres. L’enracinement peut se faire également à partir d’un ou plusieurs vases posés sur le sol. La composition sera légère vers le haut et plus dense au pied. Les fleurs à tiges courtes ne pourront pas être placées en hauteur mais vers l’enracinement. Ce sont les branches qui donneront la hauteur et feront le lien avec elles.
Découvrez en cliquant sur le diaporama quelques magnifiques compositions florales pour le temps pascal du frère Didier de l'abbaye de Tamié :
Afin que l'art floral soit le plus possible en harmonie avec le mystère de la liturgie, celui qui est responsable depuis des années des compositions florales de son abbaye s’efforce d'œuvrer selon trois directions :
Respecter la nature pour laisser la parole à Dieu
Il est essentiel de respecter la nature et d’accueillir son message, afin de laisser la parole à Dieu. La phrase de Blaise Pascal le résume très bien « Au-delà du grand art, il y a le naturel ». C’est un chemin d’écoute, d’humilité, de silence.
Méditer pour donner du sens symbolique aux bouquets
La méditation en profondeur des écritures sacrées est la clé pour éviter toute lecture superficielle qui entraînerait la réalisation de bouquets figuratifs et non plus symboliques. À Pâques par exemple, c'est toujours le mystère pascal qui doit être évoqué, afin que chacun soit invité à renaître et à faire Alliance avec l'Amour même... Méditer et composer les bouquets est un merveilleux chemin de dépouillement et d'engagement.
Rester simple car l’essentiel est au-delà
Frère Didier aime dire qu'une seule fleur suffit... car l'essentiel est au-delà. Les espaces libres sont bien plus importants que les espaces pleins. Le visible reste au service de l'Invisible. Quelle puissance d'expression, quand on peut dire le plus avec le moins ! Voilà encore un chemin d'humilité et de contemplation. Au cœur de l'espace liturgique, les compositions florales et leur parfum de Paradis offrent paix et joie. Selon la grande tradition cistercienne, l’amour, la beauté et la vérité s’y réconcilient.