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Parents, rassurez-vous, « ces deux mois ne seront pas du temps perdu »

DZIECI W KUCHNI
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Mathilde de Robien - publié le 18/03/20
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Que les parents qui craignent que l’enseignement à distance freine l’éducation de leurs enfants se rassurent : pour Isabelle Filliozat, psychothérapeute et auteur de nombreux ouvrages sur la parentalité positive, cette période est l’occasion de renforcer trois compétences clés qui ne s’apprennent pas à l’école.Le confinement contraint est pour Isabelle Filliozat l’occasion de redécouvrir son enfant et de lui apporter la chaleur et la sécurité nécessaires au développement de trois fonctions importantes du cerveau : la mémoire de travail, le contrôle inhibiteur et la flexibilité cognitive. « Si nous profitons de ce temps avec nos enfants pour approfondir notre relation, ces deux mois ne seront pas du temps perdu sur leurs études », souligne-t-elle dans un texte posté sur les réseaux sociaux ce 17 mars. En revanche, la psychothérapeute met en garde contre deux écueils pour cette période : le stress et les écrans.

« Le coronavirus rôde… Les écoles sont fermées. Nous sommes confinés avec nos enfants et avec une certaine quantité de stress… pour plusieurs semaines. Nous avons le choix : subir ou transformer cette contrainte en opportunité. Subir ou agir ? Comme le soulignait Viktor Frankl : « Nous ne choisissons pas toujours les circonstances, mais nous pouvons choisir notre façon de les vivre. » Ce psychiatre a vécu dans les camps de concentration des circonstances autrement plus difficiles que la nôtre aujourd’hui. Il nous rappelle qu’être cloîtré entre les quatre murs de notre appartement, non seulement n’a pas le pouvoir de limiter notre liberté, mais cela pourrait être l’occasion de la reprendre. On ne peut plus se déplacer, plus de train, bus ou métro ? C’est aussi du temps gagné et de la fatigue en moins.

L’occasion de redécouvrir ses enfants

On est coincé avec les enfants ? Ce peut être l’occasion de les redécouvrir. D’ordinaire, il faut bien se l’avouer, dans l’urgence du quotidien, nos échanges se cantonnent souvent à « lève-toi », « dépêche-toi », « fais ceci, fais cela », « non, pas ça », « tu as été sage à l’école », « combien as-tu eu à ton contrôle de maths ? », « Maintenant tu dors, tu te lèves tôt demain matin ». Nous vivons avec eux, nous pensons les connaître, mais connaissons-nous leurs pensées intimes ? Nous voici enfin dans des circonstances extraordinaires, avec une belle plage de temps pour se rencontrer plus profondément, écouter, renforcer les liens familiaux, résoudre quelques conflits entre frères et sœurs, lever finalement ce qui peut faire blocage dans les apprentissages scolaires sans qu’on le sache. Ce serait dommage de ne pas profiter de ce temps.



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Oui, bien sûr, ils ne sont pas en vacances, ils ont du travail scolaire et il ne faut pas perdre le rythme. Mais nous ne sommes pas enseignants. Nous sommes parents. Alors, pas de stress inutile. S’ils ne sont pas assis à leur bureau cinq heures par jour, non seulement cela ne va pas altérer leur futur, mais ça pourrait leur faire du bien. Les deux grands écueils pour cette période sont le stress et les écrans. Le stress constitue un facteur de risque pour l’immunité. Tandis qu’une relation chaleureuse est un facteur de protection. En ces temps difficiles, autant mettre en œuvre tous les facteurs de protection ! Se mettre la pression sur les apprentissages scolaires et se bagarrer avec ses enfants pour qu’ils travaillent, c’est contre-productif. Deux mois de moins sur le programme ne vont pas faire une différence dans l’avenir de notre enfant. Mais deux mois de stress à la maison, ça pourrait. Et pas dans le bon sens. Donc no stress mais de l’attention.

L’occasion d’apprendre autrement

Bien sûr, nous allons les soutenir dans leur travail, mais nous pourrions surtout en profiter pour jouer notre rôle de parent, fournir à notre enfant la sécurité de base qui permet d’apprendre mieux et l’aider à muscler ce que les pédagogues nomment ses compétences exécutives. Trois compétences clés ont été identifiées : la mémoire de travail, qui permet de garder en tête et d’organiser des informations avant de les utiliser, le contrôle inhibiteur, pour ne pas sauter direct à la conclusion, contrôler ses impulsions, rester concentré et bien sûr réguler ses émotions, savoir persévérer, et la flexibilité cognitive, pour accepter la nouveauté, pouvoir envisager la complexité et ajuster nos stratégies en cas d’erreur.

Comment faire ? Ce sont des fonctions du cerveau, ce n’est pas forcément en répétant ses tables de multiplication qu’on les développe. A l’école, on ne prend pas toujours le temps d’apprendre à apprendre. Et puis on considère parfois que ce sont des compétences qui s’apprennent en famille, même si on n’a pas prévenu les parents. La mémoire de travail est doublée quand on grimpe à un arbre pendant 30 minutes. Elle augmente aussi notablement quand on court pieds nus dans l’herbe. Nous oublions trop facilement que nous sommes des êtres de mouvement. Rester assis à un bureau rend les apprentissages très compliqués. Le contrôle inhibiteur se travaille en jouant à 1, 2, 3 soleil ou à ni oui, ni non, en faisant des puzzles, en lisant… Et la flexibilité cognitive ? En discutant, en partageant, en faisant de la pâtisserie… En réalité, les activités les plus diverses peuvent muscler les compétences exécutives. Toute activité qui implique planification, concentration, précision des gestes, mesure…



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Second écueil, la tentation peut être forte de laisser les enfants devant leurs écrans pour qu’ils s’occupent… Réalisons que notre soulagement ne sera que de courte durée, car les écrans n’enseignent pas la régulation des émotions ! Respectons au moins les « 4 pas » de Sabine Duflo. On peut proposer une expérience aux enfants. Ils passent une demi-heure à lire une page d’histoire, puis ils font une demi-heure d’ordinateur, puis interro…
Puis le lendemain, même topo, mais on fait suivre la demi-heure de lecture de cours d’une demi-heure de rêvasserie, de promenade, de gym ou d’une sieste, et on teste. Ils découvriront eux-mêmes la différence.

Donc oui, on soutient l’enfant dans les exercices qui lui seront envoyés par ses enseignants, et au-delà de ça, on reste conscient que la situation est exceptionnelle et qu’elle peut être l’occasion pour nos enfants d’apprendre autrement et de travailler plus particulièrement un des items du socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini par l’Éducation Nationale, la formation de la personne et du citoyen : apprentissage de la vie en société, de l’action collective, de la citoyenneté. Du fait du mode de propagation du virus, rester confiné, c’est un acte citoyen. Ne pas aller à l’école, ne plus pouvoir faire son sport favori, devoir annuler un voyage scolaire, ne plus aller chez les copains, c’est frustrant, ça va être dur parfois. Si nous profitons de ce temps avec nos enfants pour approfondir notre relation, et les aider de passer de la question : « Qu’est-ce que la vie m’apporte ? » à « Qu’est-ce que je peux apporter à la vie ? », ces deux mois ne seront pas du temps perdu sur leurs études. »

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