« Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? » Cette question de Chantal Lauby, alias Marie Verneuil, à son mari Claude, interprété par Christian Clavier, a donné son titre à l’un des plus gros succès du box office français. La comédie de Philippe de Chauveron sortie en 2014 raconte l’histoire d’un couple de la grande bourgeoisie catholique provinciale plutôt « vieille France » dont trois des filles sont mariées avec des Français issus de l’immigration et de religions différentes tandis que la quatrième s’apprête à épouser un catholique d’origine ivoirienne. Une situation vécue comme une réelle injustice par les parents Verneuil qui se demandent donc ce qu’ils ont bien pu faire au bon Dieu pour en arriver là !
Au-delà du divertissement du film, cette question exprime toutes les interrogations de l’homme face à une situation, voire une souffrance, estimée injuste. Pourquoi ? et pourquoi moi ? Une question au centre du Livre de Job, l’un des livres de sagesse de l’Ancien Testament, qui est à l’origine de notre expression.
Job est un homme juste, intègre et droit, reconnu comme tel par Dieu (Jb 1, 8). Mis à l’épreuve par Satan avec le consentement de Dieu afin de tester sa foi, Job voit sa vie s’écrouler du jour au lendemain : il perd tous ses enfants morts dans l’effondrement de leur maison, ses troupeaux, ses serviteurs, toutes ses richesses. Il n’a plus rien. Ses malheurs ne s’arrêtent toutefois pas là car il est ensuite frappé d’un ulcère malin sur tout le corps. Le voilà totalement démuni, blessé à la fois dans son corps et au plus profond de son être. Voyant cela, sa femme le pousse à renier Dieu.
La souffrance n’est pas la punition du péché
Mais malgré cette souffrance, Job conserve sa foi en Dieu. Ses amis venus le « réconforter » essaient de le convaincre que ces épreuves sont certainement une punition divine : s’il est ainsi frappé, c’est qu’il a péché. « On dirait, expliquait le pape saint Jean-Paul II dans une Lettre Apostolique sur le sens chrétien de la souffrance humaine, que non seulement les vieux amis de Job veulent le convaincre de la justesse morale du mal, mais qu'en un certain sens ils tentent de défendre à leurs propres yeux le sens moral de la souffrance. Pour eux, celle-ci ne peut avoir de sens que comme peine pour le péché, en se plaçant donc exclusivement sur le terrain de la justice de Dieu, qui récompense le bien par le bien et punit le mal par le mal ».
Mais Job persiste dans son intégrité et conteste la vérité de ce principe : pour lui, la souffrance n’est pas la punition du péché. Certain de la justesse de son comportement, « montrez-moi en quoi j’ai failli ! » (Jb 6, 24), il accepte la situation et refuse de renier Dieu : « Si nous accueillons le bonheur comme venant de Dieu, comment ne pas accueillir de même le malheur ? » (Jb 2, 10).
La souffrance d’un innocent
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi enseigne que «s'il est vrai que la souffrance a un sens comme punition lorsqu'elle est liée à la faute, il n'est pas vrai, au contraire, que toute souffrance soit une conséquence de la faute et ait un caractère de punition. La figure de Job le juste en est une preuve spéciale dans l'Ancien Testament... Et si le Seigneur consent à éprouver Job par la souffrance, il le fait pour montrer la justice de ce dernier. La souffrance a un caractère d'épreuve ».
À la fin du Livre, Dieu intervient et reproche aux amis de Job leurs propos et leurs interprétations. Il reconnaît que Job n’est coupable en rien. « Sa souffrance, continuait le pape saint Jean-Paul II est celle d’un innocent ; elle doit être acceptée comme un mystère que l’intelligence de l’homme n’est pas en mesure de pénétrer à fond. » Totalement réhabilité par Dieu, job reçoit le double de tout ce qu’il avait perdu. Avant cette fin heureuse, c’est la situation d’extrême pauvreté matérielle de Job et son dénuement total qui sont à l’origine de l’expression « pauvre comme Job ».