Le rejet initial d’une proposition de loi visant l’allongement du congé de deuil d’un enfant a eu le mérite de provoquer un débat salutaire sur l’accompagnement du deuil. Le fondateur du Service catholique des funérailles explique pourquoi les personnes en deuil ont besoin de vivre socialement leur épreuve. La « polémique », pour reprendre la formule consacrée, à propos du congé pour enfant mineur décédé, est à présent en train de s’apaiser. Dès lors, quel bilan peut-on faire de cet épisode de notre vie politique, que tous les observateurs ont déjà inscrit au passif du pouvoir en place ? Il me semble que la maladresse des tenants du refus de l’allongement de ce congé, est assez révélatrice de l’indifférence collective à l’égard des personnes en deuil. Réduit, dans la vision contemporaine, à un travail individuel de dépassement de la peine, le deuil a perdu la seule dynamique qui permet de le soutenir, de l’accompagner et d’en faire un jour, un chemin de croissance : le collectif.
C’est en effet au cœur des relations humaines qu’elle entretient au sein de sa famille, parmi ses amis, dans son travail ou dans son voisinage, que la personne en deuil vit sa peine. Or, à l’heure où les hommes, comme les femmes, dans leur grande majorité, travaillent, on comprend l’importance, pour les deux parents, de la façon dont leur deuil sera pris en compte dans leur cadre professionnel. Et si les jours de congés sont évidemment plus que nécessaires dans les premiers temps du deuil pour affronter tout ce qu’il y a à faire et à vivre, je crois que l’attitude des collègues compte au moins autant. Et pour s’assurer de la sollicitude de ces derniers, le recours à la loi ne suffira jamais.
Un besoin d’humanité
Car au fond, de quoi des parents qui viennent d’enterrer leur enfant et qui retournent travailler ont-ils le plus besoin ? Ils ont besoin de ne pas faire peur, comme c’est trop souvent le cas dans une société qui ne supporte pas de côtoyer la tristesse sans chercher à la faire taire. Ils ont besoin d’écoute pour que le récit de leur deuil trouve sa place, à temps et à contretemps. Ils ont besoin d’un soutien durable pour que l’on veille, notamment, à les ménager alors que leur deuil les fragilise. En résumé, ils ont besoin d’humanité.
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C’est si vrai que les députés de la majorité chargés de formuler une proposition de nature à réparer l’impair initial, vont plus loin que la seule multiplication des jours de congés. Ils préconisent dorénavant une panoplie d’aides allant du financement des obsèques à l’aide dans les démarches administratives, l’accompagnement psychologique ou la protection dans l’emploi. Mais surtout, figure dans cette liste de mesures, une étonnante « sensibilisation sociétale au deuil ». Sans savoir ce que recouvre exactement cet item un peu ronflant, on imagine que ses rédacteurs ont sans doute compris qu’il ne peut y avoir d’aide aux personnes en deuil sans prise en compte de ce qu’elles vivent et de la difficulté qu’a notre société à les accompagner.
Vivre la peine comme chemin de croissance
Prenons exemple, sur ce sujet, sur nos cousins du Canada qui, sous l’impulsion notoire du père Jean Mombourquette, ont développé une approche de l’accompagnement des personnes en deuil qui nous aide à considérer ce temps de peine comme un chemin possible de croissance. Pour ce prêtre, la meilleure aide est celle que peuvent apporter des personnes vivant aussi un deuil. C’est ce qui se vit dans les groupes de parole. De même que les étapes que traversent les personnes en deuil peuvent aboutir, selon lui, à l’intériorisation, par ceux qui restent, de l’héritage spirituel de celui qui est mort. Autant d’avancées qui ne demandent qu’à se répandre dans notre pays.