La nouvelle exhortation apostolique du pape François, “Querida Amazonia”, (Chère Amazonie, en espagnol) doit être dévoilée ce 12 février 2020. Fruit de plusieurs mois de réflexion et de rédaction, ce document doit faire aboutir la grande concertation synodale d’octobre sur l’Amazonie. Cependant, si ce texte aura indéniablement un impact, quels que soient les mots choisis par le pontife, il faut se garder d’en surestimer l’importance magistérielle.Une exhortation apostolique est un texte sans caractère juridique adressé par le pontife à tous les fidèles ou une catégorie de fidèles. Elle a une dimension pratique et pastorale, là où l’encyclique est doctrinale. Contrairement à cette dernière, l’exhortation apostolique ne résulte donc pas du magistère du pape uniquement, mais procède d’une réflexion collective, et est publiée après consultation du collège épiscopal. En termes d’importance magistérielle, l’exhortation vient après la constitution et l’encyclique.
Dans le cas présent, l’exhortation Querida Amazonia intervient dans le sillon tracé par le Synode sur l’Amazonie qui s’est tenu à Rome en octobre dernier. Les Pères synodaux avaient à son issue rédigé un “Document final du synode”, ensemble de propositions concernant l’évolution de l’Eglise en Amazonie. C’est sur cette base que le pontife a rédigé son exhortation, valorisant ou non certains points. La précédente exhortation, Christus Vivit (2019) comportait 299 paragraphes, répondant aux 167 du document final. Au regard de cette proportion et compte tenu des 120 paragraphes du document final de novembre, on peut estimer que la présente exhortation devrait être plus courte que la précédente.
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La version définitive de l’exhortation aurait été terminée le 27 décembre dernier, selon une source proche du Saint-Siège, ce qui signifierait que le contenu était décidé de longue date. Un certain nombre de rumeurs ont circulé depuis quelques semaines sur le contenu de l’exhortation, signe d’une tension inhabituelle précédent une telle publication. Cela peut en partie s’expliquer par la publication début janvier de Des profondeurs de nos cœurs. Rédigé par le cardinal Robert Sarah, et comportant un texte du pape émérite Benoît XVI, l’ouvrage suggérait vivement le pape François de ne pas autoriser l’ordination de viri probati.
Les cinq points sensibles du document final
La réponse du Souverain pontife sur ce point est donc particulièrement attendue. Le paragraphe n°111 du Document final du Synode sur l’Amazonie propose en effet l’ordination des viri probati, “hommes aptes reconnus” par leur communauté qui malgré leur famille exerceraient un “diaconat fécond permanent”. Certains mêmes avaient poussé pour une “approche universelle du sujet”. Dans le point 103, la demande de la réouverture de la commission pour le “diaconat pour les femmes” est clairement formulée. Le point 115 propose la création d’un organisme épiscopal promouvant la synodalité en Amazonie.
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Le point 119 suggère la création d’un rite amazonien capable d’exprimer “le patrimoine liturgique, théologique, disciplinaire et spirituel de l’Amazonie”. Les Pères synodaux ont invoqué la dynamique “d’inculturation du contenu de la fois et sa célébration à travers un langage aussi cohérent que possible” propre à l’histoire de l’Église.
Le document final propose dans son paragraphe 82 de définir le “péché écologique” comme une “action ou une omission contre Dieu, contre son prochain, la communauté et l’environnement”, car “contre les générations futures”, qui condamnerait ceux qui rompent “les réseaux de solidarité entre les créatures” par des “actes et habitudes de pollution”.
Le célibat sacerdotal, “une grâce, pas une limite”
Si ce n’est sur ce dernier point, sur lequel le pontife s’est clairement positionné favorablement à l’issue du synode, nul ne sait ce que pourrait décider l’exhortation. Pendant le synode, l’évêque de Rome avait mis en garde contre la tentation de la “cléricalisation” des laïcs en Amazonie. Cependant dans Saint Jean Paul le Grand, un livre-entretien rédigé en italien publié le 11 février, il déclare voir le célibat comme une “grâce” mais pas comme une “limite”, laissant le doute sur sa pensée profonde. Selon le journal italien Il Fatto Quotidiano, il n’y aurait cependant pas de “tournant révolutionnaire” à attendre dans Querida Amazonia. Le Pape l’aurait confié aux évêques américains en visite ad limina à Rome le 10 février lors d’une audience privée.
À noter qu’au delà des décisions prises par le pontife, c’est aussi en tant que parole post-synodale que son exhortation sera lue par beaucoup. Elle sera l’occasion d’évaluer la pertinence et l’efficacité d’un tel mode de concertation. À l’issue du synode, le successeur de Pierre a d’ailleurs confié qu’il envisageait d’ouvrir une voie synodale sur la synodalité… Reste à savoir si c’est là le signe de dysfonctionnements dans la voie synodale, ou une volonté d’accentuer ce type de consultation.