C’est avec une assistance exceptionnelle et par une température estivale que la Chandeleur a été célébrée cette année à la basilique Notre-Dame de Buglose (Landes). Certes, ce 2 février, fête de la Présentation de Jésus au Temple, tombait un dimanche, Journée mondiale de la vie consacrée. Mais pour les fidèles landais, ce jour marquait aussi l’ouverture du Jubilé du 400e anniversaire de Notre-Dame de Buglose, leur grand sanctuaire marial rénové pour l’occasion.« Célébrer les 400 ans de Notre-Dame de Buglose, c’est vivre une traversée : celle des siècles qui passent, bien sûr, mais surtout cette traversée de la vase où a été retrouvée la statue, à la lumière où elle est aujourd’hui exposée » a souligné dimanche dans son homélie Mgr Nicolas Souchu, évêque d’Aire et Dax.
Le peuple des Landes a fêté ce dimanche les 400 ans de Notre-Dame de #Buglose. Grand moment de cohésion et d'unité pour celle qui nous protège et intercède pour nous auprès du Père. @NDBuglose pic.twitter.com/gcBjuaARc4
— Mgr Nicolas Souchu (@mgr_souchu) February 2, 2020
L’histoire du recouvrement de cette statue à l’origine du sanctuaire de Buglose mérite d’être racontée. Nous sommes en 1620. Un pâtre est intrigué par l’attitude de son bœuf qui lèche le sel d’une masse pierreuse à moitié envasée et cachée par les joncs du marais. C’est une émouvante statue de la Vierge à l’Enfant ! Elle avait été dissimulée 50 ans plus tôt, pendant les Guerres de religion, quand la région était mise à sac par les troupes du huguenot Montgommery, « le fléau de la Chalosse et du Béarn ».
Prévenu par le pâtre de sa découverte, le curé informe l’évêque qui ordonne le transport de la statue vers l’église paroissiale. Mais le jour venu, l’attelage manifeste un entêtement obstiné à ne pas bouger ! Y voyant un signe, l’évêque change ses plans et décide la construction d’une chapelle dans ce champ bourbeux.
« De la vase à la lumière »
Cette première chapelle fut inaugurée à la Pentecôte 1622, en présence d’une foule immense de pèlerins conduite par l’évêque de Dax venu à pied (13 kilomètres) depuis sa cathédrale. Des grâces, des guérisons furent rapidement obtenues (dix-neuf furent proclamées miraculeuses dès 1622, 24 en 1623…), si bien que le rayonnement de Buglose gagna toute la région, au-delà du diocèse d’Aire-et-Dax : Bordeaux, Auch, Bayonne etc.… Cette affluence imposa la construction à Buglose d’une première église en bois vers 1624.
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Buglose n’est pas un village mais un quartier de la commune de Saint-Vincent-de-Paul, appelée autrefois Le Pouy et aujourd’hui « Le Berceau de Saint-Vincent ». C’est en effet dans ce hameau, distant de 6 kilomètres de Buglose, qu’est né ce saint mondialement connu, le 24 avril 1581. On peut encore aujourd’hui visiter sa maison natale, une humble chaumière. Lors d’un séjour à Bordeaux, en juin 1623, « Monsieur Vincent » rendit visite à sa famille une dernière fois, et célébra une messe dans le tout nouveau sanctuaire de Buglose. Au début du XVIIIe siècle, une première équipe de religieux Lazaristes, une congrégation fondée par saint Vincent de Paul, s’installera au sanctuaire et à la paroisse du Pouy, à la demande de l’évêque (aujourd’hui, quatre pères et deux frères lazaristes présents au Berceau de Saint-Vincent y animent des retraites spirituelles ainsi qu’à Buglose).
La renaissance de Notre-Dame de Buglose
Après la tourmente révolutionnaire au cours de laquelle l’église fut vandalisée tandis que le monastère, les terres et le mobilier de Buglose étaient saisis et vendus aux enchères, le XIXe siècle voit la renaissance de Buglose où affluent de nouveau des pèlerins et où s’installent des missionnaires diocésains. En 1850, le pape Pie IX accorde à Buglose l’indulgence des missions. C’est alors qu’est construite l’actuelle église de Buglose. Le 9 septembre 1866, l’évêque couronne solennellement, au nom du pape, la statue Notre-Dame de Buglose. 30 ans plus tard, un carillon inspiré par ceux des Flandres complètera l’édifice.
Il faudra toutefois attendre le 6 septembre 1965 pour que l’église Notre-Dame de Buglose soit consacrée, 100 ans après l’achèvement de sa construction. Un an plus tard, à la demande de l’évêque d’Aire et Dax le pape Paul VI accorde à l’église du sanctuaire de Notre-Dame de Buglose le titre de basilique, lors des fêtes du centenaire du couronnement de la statue (septembre 1966).
L’année jubilaire coïncide avec un renouveau du sanctuaire qui a fait l’objet de restaurations diverses sur le site en lien avec la DRAC et le Conseil départemental, propriétaire de la basilique. Une communauté nouvelle d’origine africaine, « Mère du Divin Amour », s’y est implantée. La Maison saint-Jean qui abritait jusque-là un EHPAD accueillant des prêtres âgés va devenir un habitat partagé, animé par un jeune couple.
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Une communauté de religieuses Servantes de Marie, dont la maison-mère est à Anglet, est également présente sur le site de Buglose. La présence de ces religieuses nous ramène à un autre épisode de l’histoire de Buglose : le fondateur des Servantes de Marie, le père Louis-Edouard Cestac (1801 – 1868, béatifié à Bayonne en 2015), s’est rendu en pèlerinage à Buglose pour obtenir par l’intercession de la Vierge Marie les 50.000 francs nécessaires pour acheter une propriété qui accueillerait orphelins et jeunes filles en perdition dans le port de Bayonne. Mais c’est une parole intérieure qu’il reçut dans la basilique : « Ne me demande que mon esprit »… Cette parole lui suffit, a-t-il écrit, pour repartir tout heureux, ayant compris que son Œuvre, le Refuge, était désormais dans les mains de la Mère de Dieu.
Un message de miséricorde
Le Jubilé qui s’ouvre culminera le 1er juin, lundi de Pentecôte, avec la participation de nombreux évêques de la province ecclésiastique, et s’achèvera le dimanche 13 septembre. Il sera ponctué par de nombreux pèlerinages, week-ends à thèmes, conférences, vierges pèlerines passant de paroisse en paroisse, propres à ranimer la ferveur du diocèse et de la Grande Aquitaine. Car rien n’est impossible à Dieu, riche en miséricorde ! Tel est bien le message de Buglose : dans ce qui était au tournant des XVIe et XVIIe siècles un « trou » perdu dans les marécages du Sud-Ouest de la France, surgirent en quelques décennies saint Vincent de Paul, inlassable apôtre de la miséricorde, et un improbable sanctuaire marial édifié parce qu’une statue avait été tirée de la boue…
Ce symbole de la boue (que l’on retrouve aussi à Lourdes, dans le récit des apparitions à Bernadette) « parle » aux chrétiens qui y voient un signe de la fécondité de l’humilité, de l’humus qui se laisse imprégner par la miséricorde divine dont la source est le symbole (autre analogie avec Lourdes, une source attire les pèlerins dans la Chapelle des miracles du parc de Buglose). « De la vase à la lumière », c’est aussi le passage emprunté par la statue Notre-Dame de Buglose. N’est-ce pas symbolique de la miséricorde divine ? Le Seigneur Jésus est venu en notre chair restaurer notre beauté première.