Série phare de Netflix, “Sex Education” revient à l’écran le 17 septembre prochain avec la sortie de la saison 3. Une série d’ados… pas du tout pour les ados.
Les affiches publicitaires scabreuses annonçaient la couleur, les génériques indécents de chaque début d’épisode ne faillissent pas à la promesse : la série britannique Sex Education met en scène, en très gros plan, une sexualité complètement décorrélée de son fondement qu’est, osons le rappeler au risque de passer pour ringards, l’amour. Scènes à caractère pornographique, vision tronquée de la sexualité, personnages attachants mais caricaturaux, la saison 3 de Sex Education est dans la même veine que les précédentes.
En entendant faire l’éducation sexuelle des jeunes téléspectateurs (de plus de 16 ans, selon les recommandations de Netflix), Sex Education se vante de “parler de cul sans tabous et d’aborder les bases d’une sexualité plus épanouie”, comme l’annonce sur son compte Insta Charlotte Abramow, l’auteur de la campagne publicitaire. Si l’objectif, parler de sexualité aux ados, est louable, la mise en scène prend à certains moments des allures de films X. Quant au fond, en faisant fi de cette notion fondamentale qu’est l’amour, c’est d’une tristesse effroyable. À titre d’exemple, cette réplique cinglante de l’intrépide Maeve (Emma Mackey) : “On ne fait que baiser, tu n’as pas besoin de savoir où je crèche !”.
Pourtant, la série n’est pas dénuée d’humour, avouons-le. On sourit lorsque le jeune Otis (Asa Butterfield), honteux de l’activité de sa mère, sexologue décomplexée, cherche à cacher tous les indices de son métier lorsqu’il attend son camarade de classe pour faire un devoir à la maison. On sourit de la gêne du jeune garçon lorsque celui-ci doit enfiler un préservatif sur un phallus géant en cours d’éducation sexuelle. On sourit mais c’est un sourire amer face à cette jeunesse qui se veut sexuellement libérée mais qui est en réalité tellement mal dans ses baskets. Et puis on sourit surtout parce que l’on a dix, vingt ou trente ans de plus que lui et que nous, adultes, avons le recul nécessaire pour prendre le film au second degré. Mais les ados, certes très bien informés de nos jours, prennent toutes ces images, ces bribes d’informations, ces négatifs de l’amour de plein fouet, sans explication et sans forcément connaître le sens qu’un homme et une femme qui s’aiment donnent à la sexualité.
Est-il nécessaire de tout montrer pour éduquer à la sexualité ?
Est-il nécessaire de tout dévoiler de manière aussi crue, comme le fait la série, pour aborder le sujet de la sexualité ? Pour ce qui est des images, certainement pas. “La pornographie, ce n’est pas quelque chose”, écrit le philosophe Martin Steffens dans L’amour vrai (Salvator). “Ce n’est pas un film, des films, des millions de films sur la Toile. Ce sont les yeux qui se posent sur elle. Ces yeux qu’elle ne rendra plus jamais. Elle les aura emmenés, quelque part, dans cette région où il aurait mieux valu être borgne et n’y jamais entrer”. En captant, en sidérant le regard, la pornographie blesse l’âme. Il est donc inutile voire dangereux de gaver le jeune téléspectateur de scènes plus qu’érotiques.
Lire aussi :
Martin Steffens : « La pornographie est l’image fausse d’un désir vrai… »
Quant au vocabulaire employé, s’il est nécessaire d’être réaliste et donc parfois cru, nul besoin de verser dans la vulgarité exacerbée de Sex Education. “Veillons à rester délicats dans nos paroles”, conseille Inès de Franclieu, éducatrice en vie affective et sexuelle dans son livre Amour et sexualité (Quasar). “Pour autant, cette délicatesse du langage ne doit pas masquer la réalité des choses. Avec les adolescents, on pourra parfois se permettre d’avoir quelques mots plus crus pour leur faire comprendre que nous voyons bien de quoi ils parlent”, précise-t-elle.
“S’il me manque l’amour”
Que recherchent les jeunes du lycée de Moordale ? Filles ou garçons, populaires ou harcelés, homo ou hétéro, réservés ou délurés, le saint-Graal, pour eux, c’est la jouissance. À tout prix. En solo (en se masturbant), à deux, voire à plusieurs. L’acte sexuel est présenté ici comme une performance à atteindre, un plaisir autocentré mais aussi une source de dangers : maladies sexuellement transmissibles, grossesses non désirées… Pas franchement réjouissant comme approche ! Est-ce cette vision de la sexualité que nous souhaitons transmettre à nos enfants ? N’est-il pas hautement plus édifiant de présenter l’union charnelle comme un langage de l’amour plutôt que comme une simple performance ?
Lire aussi :
Parlons d’amour à nos enfants !
Connaître et maîtriser toutes les positions du Kama Sutra n’est pas gage d’une sexualité épanouie, n’en déplaise à Charlotte Abramow. Elle est épanouissante lorsqu’elle est l’aboutissement d’un amour profond, sincère, désintéressé. “La réussite d’une relation sexuelle vient de ce qu’elle exprime l’unisson des cœurs”, précise Inès de Franclieu. “Il n’y a pas de technique à apprendre. C’est très rassurant ! Lorsque l’on s’est choisi pour ce que l’on est, on sait parfaitement trouver les gestes pour se dire combien on s’aime”, assure-t-elle. On en revient donc à l’ingrédient fondamental pour une sexualité épanouie : l’amour. Ce qui n’est pas sans rappeler les premiers mots de l’hymne de saint Paul : “S’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante”. Un ingrédient que Charlotte Abramow semble avoir omis sur le triste visage d’Emma Mackey :