La neuvaine traditionnelle à la patronne de Paris s’achève avec l’ouverture officielle, ce 11 janvier, de l’année sainte Geneviève. Qui fût celle sur les reliques de laquelle tant de générations de Parisiens se recueillirent dans les heures sombres mais aussi les jours de joie ? Les temps troubles de Geneviève ne nous parlent plus guère, mais leur tumulte devrait parler à notre cœur.Geneviève naît à Nanterre en 421, au cœur de la Gaule, d’une famille franque. Ses parents, des chrétiens ayant servi l’Empire, ont fait souche dans le Parisis. Severius, son père, est membre de la curie de Lutèce, l’assemblée qui assure le gouvernement : il fait partie de ces magistrats cooptés pour leur civisme, mais aussi pour leur fortune en mesure de de soutenir les dépenses publiques. Très pieuse, Geneviève choisit d’être vierge consacrée. Elle est soutenue dans son choix par Germain, évêque d’Auxerre et légat du pape. Son existence est celle d’une aristocrate, femme d’esprit et de volonté. Héritant des charges de son père, elle siège à la curie de Lutèce et veille aux destinées de la ville avec les autres magistrats.
Attila passe son chemin
L’ascendance franque de la jeune femme lui permet d’entretenir des relations étroites avec les rois de ce remuant peuple du nord passé d’abord au service de l’Empire, puis menant sa propre politique. Des Francs sont engagés dans l’armée du général Aetius, qui vainc les Huns d’Attila à la bataille des Champs catalauniques, près de Châlons-sur-Marne, en 451.
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De cet Attila, contre toute attente, Geneviève a déjà eu raison, peu de temps auparavant. Alors que les armées hunniques marchent sur Lutèce, elle oppose son refus à toute évacuation de la ville prévue par les autorités, et organise la prière des femmes pour le salut du peuple. Les Lutéciens doivent organiser la défense. Bien leur en prit. Attila passe son chemin.
Objectif : convertir Clovis
Quelques années plus tard, les Francs, d’amis sont devenus ennemis. Geneviève veille elle-même au ravitaillement de la ville assiégée. Les grandes figures se reconnaissent entre elles et une estime réciproque naît entre l’inflexible lutécienne et le roi Childéric. Lorsque Clovis, fils du précédent, monte sur le trône en 481, l’Empire d’Occident s’est effondré. La datation calendaire selon les règnes des empereurs et les mandats des consuls de Byzance n’est plus qu’une fiction. La guerre civile impose ses désordres, l’économie souffre, avec ses mauvaises récoltes et ses révoltes d’esclaves, l’hérésie arienne progresse partout.
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À Lutèce, Geneviève est toujours là. C’est vers le roi franc qu’elle tourne ses regards. Ce païen venu des périphéries de la civilisation est l’espoir de la chrétienté gauloise. Proche de la reine Clotilde, elle œuvre, autant qu’elle le peut, pour la conversion du roi qui place sa capitale à Lutèce. Le baptême de Clovis, puis le recul de l’arianisme en Gaule au rythme des conquêtes militaires franques donne à l’ardente vie de Geneviève une conclusion en forme d’espérance, après ces années de lutte contre le déclin. Le pouvoir franc sait ce qu’il doit à la vierge de Paris. Lorsque meurt Geneviève, son corps est déposé à l’église des Saints-Apôtres Pierre et Paul, bâtie sur ordre du roi, à la demande de la sainte. Clovis d’abord, Clotilde ensuite, la rejoignent dans la mort sous les voûtes du même lieu.
Voici ce qu’accomplit, en ces temps de recomposition de la société, une femme à la foi de feu, dont la fortune et la puissance furent mises entièrement au service de la paix et du règne de Dieu. Parisien, lorsque tu passes le pont de la Tournelle, ait au moins un regard pour la statue de Geneviève, toujours tournée vers l’Orient, d’où venaient les Huns. Ta patronne veille sur toi !
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