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Petite histoire de la censure sur les quais de gare parisiens

Campagne publicitaire Allance Vita
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Xavier Patier - publié le 06/01/20
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La justice vient d’ordonner la reprise de l’affichage de la campagne d’Alliance Vita. Ce n’est pas la première fois que des campagnes d’opinion sont censurées dans les gares et les stations du métro parisien, au nom d’une conception de la « publicité responsable » à géométrie très variable.L’association Alliance Vita vient de faire une expérience très significative de l’ordre moral nouveau qui imprègne notre époque. Au moment des vœux, elle lance une campagne d’affichage dans les gares, le métro et les rues parisiennes destinée à aider les passants à réfléchir sur des sujets de société qui nous concernent tous. Les affiches sobres, en noir et blanc, portent des slogans de bon sens : « La société progressera à condition de respecter le maternité », « La société progressera à condition de respecter la paternité » et enfin : « La société progressera à condition de respecter la différence ».

Tollé chez les maîtres à penser

Difficile de n’être pas d’accord avec de telles affirmations ? Pas du tout ! Ces slogans provoquent un tollé chez les maîtres à penser du moment. Respecter la maternité, c’est trop pour Anne Hidalgo, maire de Paris. Elle s’estime « indignée » et « choquée ». Elle exige le retrait immédiat des affiches. Immédiatement, elle obtient gain de cause. Seule l’affiche sur le respect de la différence est jugée acceptable par les censeurs, les deux autres ayant sur le champ été retirées par la régie publicitaire Média Transports, filiale de Publicis et partenaire historique de la SNCF et de la RATP, entreprise décidément plus habile à faire de morale qu’à faire rouler les métros. La régie publicitaire Exterion, qui opère sur le mobilier urbain pour le compte de la ville de Paris, céda à la même injonction, retirant les trois.



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Alliance Vita vient d’obtenir en référé l’annulation du retrait de la campagne, mais l’affaire n’est pas finie, et quelle que soit son issue contentieuse, elle en dit long sur le climat de censure qui s’est installé depuis plusieurs années dans notre pays.

La censure, ou pas

C’est l’occasion de nous remémorer la riche histoire qui lie la RATP et ses régies publicitaires à la censure.

En septembre 1981, des affiches 4 par 3 ornaient les stations de métro, représentant une jeune fille en bikini sur la plage annonçant : « Demain, j’enlève le haut ». Le lendemain, la même affiche représentait la même demoiselle, les seins à l’air, annonçant cette fois « Demain, j’enlève le bas ». Cette provocation publique était, a minima, du plus mauvais goût. Quelques voix s’élevèrent contre cette affiche et le spectacle qu’elle imposait à tous, y compris à des enfants. L’illégalité semblait manifeste. La RATP rétorqua solennellement qu’elle n’avait jamais pratiqué et ne pratiquerait jamais la censure. Elle laisserait les affiches comme elles étaient. Les tartuffes qui voulaient couvrir le sein dévoilé étaient sèchement renvoyés à leur ringardise. Je doute que les féministes laisseraient aujourd’hui passer une telle campagne, mais ce n’est pas notre sujet.

Le tabac et la laïcité

Notre sujet, c’est que la régie publicitaire de la RATP a inauguré, après cet épisode, une vraie tradition de censure. Souvenez-vous : en 2009, une affiche fut retirée du métro, puis finalement occultée, parce qu’elle montrait Tati en train de fumer la pipe. La régie y voyait une incitation à fumer. En 2010, c’est la fumée de la cigarette de Serge Gainsbourg qui était censurée dans les stations de métro : le péché de tabagisme, encore. En 2015, la référence « En faveur des chrétiens d’Orient » dans la communication du concert des Prêtres était retirée elle aussi : atteinte intolérable à la laïcité ! En 2018, le slogan de la campagne de la Fédération nationale des chasseurs affirmant : « Les chasseurs, premiers écologistes de France », était complété d’un point d’interrogation, à l’initiative encore de la régie publicitaire de la RATP, qui avait peur d’on ne sait quoi. En 2020, c’est le tour d’Alliance Vita.


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Cette histoire est d’autant plus édifiante que la société Média Transports, reconduite pour neuf ans en 2011 dans sa prestation pour la RATP, a mis en avant dans son projet pompeux de « Responsabilité sociétale de l’entreprise » (le fameux document RSE, condensé de bien-pensance à la portée des sociétés commerciales désireuses de séduire le public) sa volonté de « garantir une publicité responsable ». Une publicité responsable ? Qu’est-ce à dire ?

La dignité de la femme ou la survie des chrétiens d’Orient, vue du métro, valent-elles à cette aune moins que la lutte contre le tabac ? Il faut le croire.

Régression de la liberté

Mais surtout la liberté d’expression n’a cessé de régresser depuis 30 ans. Pas uniformément, certes : quand il s’agit de défendre les Vegan contre les producteurs de viande, la RATP retrouve son horreur de la censure. Mais qu’il s’agisse de la vie, de la famille, ou de toute opinion dissidente, nous n’avons plus que le droit de nous taire. Encore un peu et on nous expliquera que le propos d’Alliance Vita est « nauséabond », adjectif commode qui nous dispense, ou plutôt qui nous interdit de penser. Chez les nouveaux maîtres de la morale, le nez semble avoir remplacé le cerveau !


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