Dans le couple, la manière d’aimer n’est pas du tout la même. Pour un homme, « no news is good news ». Pour une femme, pas du tout… Les besoins sont différents en fonction de leur nature respective. Si on ne le comprend pas en profondeur et si on y associe pas Dieu, on risque alors de partir dans un cercle vicieux. Pas facile, mais cela vaut la peine d’être un peu héroïque, ne croyez-vous pas ?« Fabien est de moins en moins ouvert… On se parle très peu”, confie Élise. “Il ne s’ouvre plus comme avant. Et ça me manque tellement ! Parce que je n’ai plus accès à sa personne intérieure, à l’intimité de son cœur, il m’arrive d’avoir le sentiment de m’asphyxier… ». Elle avait même l’impression que son mari préférait parler avec le premier venu, mais pas avec elle. Comme si un rideau était tombé entre eux deux. Il rentrait de plus en plus tard du travail. Et quand elle voulait en comprendre la raison, en lui avouant à quel point cette situation la blessait, lui réagissait plutôt mal. Il lui arrivait même de se lever sans un mot et de sortir de la pièce.
De son côté, Fabien me confiait qu’il ne reconnaissait plus sa femme. Elle était de moins en moins attentive à ses besoins. Elle ne reconnaissait plus les efforts qu’il faisait au travail. Le pire, me disait-il, c’était ses expressions qui étaient parfois extrêmement violentes. Cela, il ne pouvait pas le supporter, au point qu’il préférait être seul plutôt qu’être insulté. Que s’est-il passé avec ces époux lumineux, ceux que tous appelaient le couple prodigue ? Eux qui étaient le modèle des âmes-sœur, tellement ils étaient complémentaires l’un de l’autre ?
«Ces différences sont voulues par le Créateur, elles sont même nécessaires. Car c’est précisément dans ces différences que l’homme découvre qu’il doit dépasser sa manière d’être, sa façon d’aimer.»
Pas grande chose, en fait… Ils connaissent tous les deux le rappel très simple à leur nature respective. Fabien est un homme. Élise est une femme. Leur manière d’aimer n’est pas du tout similaire. Leurs besoins sont différents. Entre elles, la plupart des femmes résolvent leurs problèmes relationnels dans une conversation sincère et ouverte, où on se dit tout ce qu’on pense et ressent, sans rien cacher. Elles essaient ensuite de comprendre l’autre et de trouver un point d’entente dans ce qui les unit. Elles reconnaissent leurs erreurs, elles se demandent pardon réciproquement. Lorsqu’elle est sincère et qu’elle se produit sans se justifier, cette demande de pardon est très importante. Cela se conclut souvent par quelques larmes, on se prend dans les bras, et c’est reparti.
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Quant à eux, les hommes préfèrent résoudre leurs problèmes entre eux sans en parler. Ils se retirent seuls dans un lieu de silence pour réfléchir… Mieux encore : quand ils ne trouvent pas de solution évidente, ils le mettent de côté et finissent par l’oublier la plupart du temps. Le temps s’écoule, la tempête s’essouffle, et la vie continue comme s’il ne s’était rien passé. Ils se souviennent bien qu’il y avait quelque chose… mais rien de grave, car la vie est plus importante que nos disputes… Ils trouvent tellement préférable de ne pas blesser l’autre, de se comporter en gentlemen. Ce sont les mêmes que l’on verra ensuite regarder ensemble un match de foot, tout aura été oublié. Cela peut sembler un peu caricatural, et pourtant c’est vraiment comme cela que ça fonctionne… entre hommes. Mais pas dans un couple, ah non !
Ces différences sont voulues par le Créateur, elles sont même nécessaires. Car c’est précisément dans ces différences que l’homme découvre qu’il doit dépasser sa manière d’être, sa façon d’aimer. Grâce aux différences il va comprendre qu’il est fait pour le don de soi :
« L’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne s’accomplit pleinement que par le don sincère de lui-même. » (Concile Vatican II, Gaudium et Spes n°24).
Et le pape Jean Paul II précise que l’homme seul ne peut pas réaliser entièrement son essence :
« Il ne la réalise qu’en existant “avec quelqu’un” et encore plus profondément et complètement, en existant pour quelqu’un. » (audience générale du 09-01-1980).
Parce qu’Élise a des besoins vraiment très différents que Fabien, il lui faudra sortir de sa zone de confort, de sa façon naturelle d’aimer, pour apprendre la maîtrise des besoins profonds de son épouse. Et ce chemin de conversion, cet “exode” va déployer tout le potentiel qui se trouve en lui. Dans ce sens, la femme est un vrai don du Créateur pour l’homme (et vice-versa), grâce auquel il va pouvoir réaliser son essence.
«Pour un homme, “no news is good news”. Pour une femme, pas du tout.»
C’est précisément dans cette différence entre l’homme et la femme qu’il y a un énorme potentiel de croissance… mais c’est là aussi où se cache un cercle vicieux tout aussi potentiel. Pour un homme, « no news is good news ». Pour une femme, pas du tout. Pour elle, le plus on cesse d’échanger de cœur à cœur, le moins ça va. Ici, lorsque l’un des deux est pris par un job qui sépare un couple plus que trois jours, c’est vraiment dangereux. Si cela ne dure pas plus d’un an sans se prolonger, ça peut passer. Mais au delà, cela laisse des traces. Chez beaucoup de femmes, le silence et le manque de proximité développent en elles le sentiment qu’elles ne sont pas aimées.
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Et quand une femme ne se sent pas aimée, elle a tendance à agir de telle sorte que c’est l’homme, à son tour, qui ne se sent pas respecté. Ce qui va le durcir, ou l’inciter à prendre encore plus de recul, comme Fabien. Ce qui représente alors la pire agression pour la femme ! Élise ne voulait être ni dure ni violente. C’est tout le contraire. Elle voulait retrouver l’unité qui s’effilochait. Malgré sa colère extérieure, elle était vraiment calme à l’intérieur d’elle-même. Si elle critiquait Fabien, c’était par amour. Reconnaissons que c’est difficilement compréhensible pour les hommes. Alors attention Messieurs ! Dans le couple, presque tous les efforts d’une femme ont pour finalité de fortifier le lien entre les époux, afin de les reconnecter. C’est leur mission, c’est ainsi que Dieu les a créées. C’est ce en quoi l’homme devrait croire, et même ce envers quoi il devrait être reconnaissant ! S’il y parvient presque inconditionnellement, il réussira à digérer cette critique par amour très différemment.
«Chers couples : levons la tête et regardons Dieu droit dans les yeux. S’il nous invite à nous aimer différemment, faisons confiance, car il s’engage avec sa Parole !»
En revanche, il arrive que cette critique par amour tombe au mauvais moment, qu’elle soit accompagnée d’un visage peu amène et d’un ton de voix trop élevé. L’homme va alors l’interpréter comme un acte hostile, au moins comme une violence verbale. Ce qu’il ne saura pas gérer. Lui qui veut rester calme (à l’extérieur, car à l’intérieur son cœur bat à 100 pulsations la minute), parce qu’il croit qu’il pourra ainsi mieux résoudre le problème. Il ne veut pas réagir avec des mots trop forts, parce qu’il sait que leur signification pourrait être mal interprétée. Il suit son codex d’honneur. Il se retire, parfois même sans dire un seul mot. Non parce qu’il veut agresser sa femme, mais par amour, pour ne pas devenir violent lui-même.
Nous sommes au cœur de la contradiction et du malentendu. Pour une femme, partir en silence est une grave agression. Elle va donc réagir en conséquence. Sa colère va augmenter, ce qui donnera encore moins envie à son mari de rentrer plus tôt à la maison et d’ouvrir son cœur. Un vrai cercle vicieux ! C’est ainsi que Dieu nous a créés. Et ce n’est certainement pas pour nous faire souffrir, c’est pour notre bonheur. Pour trouver la lumière et comprendre quelles sont nos différents besoins, rien de mieux que d’ouvrir la Bible. Parfois, la Parole de Dieu contient des paroles surprenantes. Dans la lettre aux Ephésiens, saint Paul qui nous dit cette phrase :
« Chacun doit aimer sa propre femme comme lui-même, et la femme doit avoir du respect pour son mari » (Eph 5, 33).
Donc, l’homme doit aimer sa femme, et la femme doit respecter son mari. Pourquoi une telle différence ? Celle que nous retrouvons dans la deuxième question que le prêtre pose aux fiancés dans le dialogue initial, juste avant la promesse du mariage : « En vous engageant dans la voie du mariage vous vous promettez amour mutuel et respect. Est-ce pour toute votre vie ? » J’avais pris l’habitude de considérer que le « respect » signifiait l’acceptation de l’autre dans ses différences. Mais en y réfléchissant davantage, je pense que la question — celle d’un engagement mutuel et entier — est beaucoup plus profonde et importante. C’est ce que souligne la claire distinction faite par saint Paul. Cela ne veut pas dire que l’homme n’a pas à respecter sa femme, ni que la femme n’a pas à aimer son mari.
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Tout au contraire, ce sont même des tendances naturelles à chacun d’entre eux. Mais pour un homme, après quelques années de mariage, il devient moins naturel d’aimer sa femme, d’avoir des mots aimables, des regards bienveillants, des gestes de tendresse… Il lui est plus difficile de lui dire de tout son cœur « Je t’aime, mon amour ». Chez la femme, avec le temps, il devient moins naturel de respecter son mari, de l’admirer, d’être toujours positive sans le critiquer… Il lui est plus difficile de lui dire avec un cœur sincère « Je t’admire, mon amour ». Pour l’un comme pour l’autre, il s’agit de comportements moins naturels. Mais pas impossibles. Et quelle merveille quand on maîtrise les besoins de l’autre !
Chers couples : levons la tête et regardons Dieu droit dans les yeux. S’il nous invite à nous aimer différemment, faisons confiance, car il s’engage avec sa Parole ! Pour cela, il faut d’abord croire à la bonne volonté de l’autre, mais accepter les différences. L’avez-vous vu ? Fabien et Élise réagissent par amour et respect, vraiment ! Elle le critique par amour, lui recule par respect. Pour rompre le cercle vicieux, Fabien va devoir avoir le courage d’aimer sa femme par respect… c’est-à-dire que lorsqu’il rentre le soir à la maison, il laissera son nuage noir devant la porte et dira : « Fabien, ta journée commence maintenant, il y a un cœur a conquérir : yes we can ! ». S’il ose simplement entrer avec un sourire et prendre sa femme dans ses bras pour lui dire : « J’avais tellement hâte de te voir ! Raconte-moi un peu comment tu vas »… Il va voir alors les critiques disparaître et le soir, il pourra regarder la croix et dire à Jésus : « mission accomplie » !
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Élise, en revanche, a comme mission d’apprendre à respecter Fabien, par amour. Quand elle retrouve son mari le soir, fatigué et avec un regard sombre… si elle peut tout simplement poser sa main sur son épaule et lui dire : « Merci chéri de tant donner au travail pour ta famille : je suis fière de toi ! »… Elle va voir son cœur et son visage s’illuminer. Élise devra avoir le courage d’être positive, d’accueillir son mari avec joie et d’abandonner ses plaintes (pour le moment). Si elle montre qu’elle l’admire sincèrement pour tout ce qu’il fait, elle va trouver un homme qui va s’ouvrir, qui va être tendre, et attentif… même à ses critiques par amour.
Ce n’est pas facile, je suis tout à fait d’accord ! Mais je considère que ce qui ici est en jeu — votre vocation, votre conjoint, votre couple — le mérite largement. Si ce soir vous aimerez l’autre un peu plus, un peu mieux, alors l’amour de Dieu habitera votre foyer un peu plus. Et pour cela, on peut être un peu héroïque, ne croyez-vous pas ?
p.s. Si vous voulez approfondir ce thème, je vous recommande vivement le livre L’amour et le respect d’Emmerson Eggerichs.