Le Petit Palais propose pour la première fois en France une rétrospective consacrée au peintre Luca Giordano (1634-1705). Considéré comme le plus grand peintre napolitain, il supplantera même à son époque Le Caravage. Grand voyageur, il se rendra à Rome, Venise, Florence, pour devenir enfin peintre de cour à Madrid. Son œuvre abondante compte un très grand nombre de représentations religieuses dont certaines ont exceptionnellement quitté les églises de Naples pour être présentées à Paris.Luca Giordano est un des peintres napolitains les plus célèbres de son temps, celui du XVIIe siècle qui l’a vu naître à Naples en 1634 et mourir dans cette même ville en 1705. Il étudiera et copiera très tôt les grands maîtres sous l’influence de son père, puis auprès de Jusepe de Ribera qui très vite repèrera son talent et sa virtuosité. Si son nom a été occulté depuis par celui d’un autre peintre italien de génie, son aîné Le Caravage (1571-1610), le XVIIe siècle fut cependant défini comme celui de Giordano, alors le plus fameux peintre d’Europe. Cette immense renommée est en partie due à ses nombreux voyages. Giordano a, en effet, parcouru l’Italie dont les villes de Rome, Venise, Florence, et a finalement résidé dix ans à Madrid où il deviendra peintre de cour appelé par Charles II d’Espagne.
Le peintre conjugue le naturalisme hérité du Caravage et l’influence d’un autre artiste renommé, l’Espagnol Jusepe de Ribera, un maître qui l’influencera beaucoup pour la réalisation d’immenses fresques ornant les églises napolitaines. La confrontation des toiles, tant de Giordano, Ribera et de Mattia Preti, ce peintre maltais également réputé qui gagna Naples, est à ce titre une belle et instructive illustration de ce qui caractérise la peinture de Luca Giordano.
La théâtralité triomphante de la foi
Si la vie de Giordano est bien moins palpitante que les nombreuses frasques de Caravage, véritable épopée romanesque jusqu’à son terme dramatique, l’artiste napolitain n’en demeure pas moins essentiel pour comprendre son siècle, ce XVIIe siècle qui s’ouvre au baroque avec des effets spéciaux étonnants ; des effets que révèlent ces immenses toiles de l’artiste parvenues depuis Naples jusqu’au musée du Petit Palais, tout spécialement pour l’exposition. Nous sommes en effet bien loin du réalisme du Caravage avec sa Vierge inspirée des femmes du peuple, ses disciples aux ongles noirs ou ce corps supplicié du Christ flagellé…
Avec Giordano, c’est toute la splendeur de la foi qui rayonne en d’étonnantes palettes de couleurs chatoyantes. Mais si cette beauté esthétique éclate sur ses toiles, Giordano n’en demeure pas moins pour autant un grand peintre religieux. Par son art, le peintre idéalise d’une manière triomphale et théâtrale le sacré. Des toiles aux thèmes religieux qui ornent encore de nos jours les églises de Naples.
Une œuvre au service de la Contre-Réforme
Luca Giordano fut, ainsi que le révèle cette exposition, le dernier grand peintre méditerranéen de l’Église catholique où le thème du sacré s’avère omniprésent. Son œuvre s’inscrit en effet dans le vaste mouvement de la Contre-Réforme, cette réaction de l’Église catholique aux effets de la réforme protestante. Il s’agit de justifier les fondements mêmes du ministère pétrinien contesté notamment par Luther, Zwingli et Calvin. L’art va dès lors entrer au service de la foi catholique menacée et tous les moyens seront alors bons pour l’exalter, et le baroque comptera parmi eux.
Les tableaux monumentaux de Giordano vont ainsi servir cette action de manière foisonnante tant l’artiste est prolifique avec des milliers de peintures et de fresques, tels cet impressionnant San Gennaro intercédant pour les victimes de la peste ou cette puissante Crucifixion de saint Pierre. Luca Giordano sera le plus souvent présenté comme l’un des interprètes les plus talentueux de cette diffusion des images sacrées dans le contexte de la Contre-Réforme.
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Giordano, un peintre virtuose
Le peintre napolitain était connu pour son style non conventionnel, sa curiosité insatiable, et surtout sa rapidité d’exécution — son père l’avait surnommé « Luca Fà-presto » (Luca fait vite !). C’est à ce titre que les commissaires de l’exposition ont rapproché Giordano de Picasso. Ces deux artistes ont tous deux fait preuve, en effet, d’une virtuosité qui étonna leurs contemporains. Le peintre napolitain — à l’image de Picasso — étudia également sans cesse ses aînés, reprenant leurs thèmes pour les reconstruire tout au long de sa vie, avec comme modèle de prédilection Raphaël, ainsi que l’illustrent les œuvres de jeunesse présentées au début de l’exposition. Mais Giordano acquerra néanmoins vite son propre style. Ainsi, celui-ci, à la différence du Caravage, partira toujours de la réalité des choses pour un idéal, un réel sublimé ; il réinventera le monde grâce à tous les moyens proposés par la peinture.
Ainsi, si Giordano évoque dans L’aumône de saint Thomas de Villeneuve des détails macabres telle cette jambe blessée au premier plan recouverte de mouches, c’est pour mieux dépasser l’horreur de la représentation en une évocation glorieuse de la compassion et de la charité du saint sur un fond de nuages et de chérubins resplendissant. Avec Luca Giordano, la virtuosité picturale se trouve indéniablement intimement associée au message éclatant de la foi.
Informations pratiques : Luca Giordano (1634-1705), Le triomphe de la peinture napolitaine, Petit Palais, du 14 novembre 2019 au 23 février 2020.
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