Le gouvernement annonce le lancement d’une politique d’aide aux parents pendant les « 1.000 premiers jours » de l’enfant. L’objectif est de « réinventer le soutien à la parentalité ». Certains parents craignent une volonté de contrôle de l’État sur la toute première éducation de l’enfant.Le ministère des Solidarités et de la Santé veut accompagner au mieux les parents au cours des « 1.000 premiers jours de l’enfant », situé selon lui du quatrième mois de grossesse jusqu’à son deuxième anniversaire. Pour répondre de manière adaptée aux besoins des enfants, le gouvernement s’engage à « réinventer le soutien à la parentalité ». Une consultation en ligne est annoncée « afin que cette nouvelle politique publique s’inspire de l’expérience vécue de chacune et chacun, et réponde concrètement aux besoins du quotidien des parents ».
Depuis janvier 2019, le ministre des Solidarités et de la Santé est assisté d’un secrétariat d’État à la Protection de l’enfance. Le titulaire du portefeuille, Adrien Taquet, affirme sa détermination à faire progresser des questions difficiles dont notamment l’aide sociale à l’enfance et les violences de tous ordres touchant les plus jeunes. Il est vrai que de nombreux enfants sont victimes, dès leur plus jeune âge, de situations dramatiques en raison d’une incapacité ou une impossibilité de leurs parents à assumer leur rôle auprès d’eux. 300.000 enfants, soit plus de 2% des mineurs en France, sont placés aujourd’hui dans le cadre de l’Aide sociale à l’enfance.
Être parents : un rôle difficile aujourd’hui
Par-delà ces situations difficiles, il n’est pas rare que des parents expriment leur désarroi et leur sentiment de solitude dans leur rôle de parents. La transmission d’un savoir-faire, l’aide et les conseils au quotidien donnés auparavant par des parents proches sont devenus moins fréquents. L’organisation de notre société, l’évolution des mentalités l’expliquent en partie : éloignement du cercle familial pour raisons professionnelles, généralisation du travail des femmes, volonté des seniors de « profiter de la vie » pour eux-mêmes, multiplication des foyers monoparentaux… Il est parfois difficile pour des parents de trouver appui, conseil et relais dans l’éducation de leurs enfants.
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Le gouvernement part donc de difficultés réelles existant dans un nombre important de familles pour répondre à leurs besoins. Mais dans le même temps, son projet d’aide et d’assistance aux parents se situe, même si cela n’est pas été dit expressément, dans les politiques définies depuis plusieurs années par des organismes internationaux comme la Banque mondiale ou l’Unicef. Et ce faisant, elle va nécessairement suivre de près ou de loin les préconisations de ces organismes en la matière.
Les travaux de réflexion mise en œuvre
Le contenu de la politique d’aide aux parents envisagée fait actuellement l’objet d’études menées par dix-huit experts réunis en commission présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik. Les dix-sept autres experts sont des psychiatres, des psychologues, des spécialistes de l’éducation ou de l’éveil des enfants, des acteurs de terrain de l’accompagnement social des parents, des pédiatres et praticiens hospitaliers, et une sage-femme. La commission a reçu une feuille de route avec quatre axes : l’élaboration d’un consensus scientifique sur les recommandations de santé publique concernant la période des 1.000 premiers jours ; la construction d’un parcours du jeune parent plus lisible ; un éclairage scientifique sur l’évolution éventuelle des congés maternité, paternité et parental avec notamment les questions de retour à l’emploi et la place des pères ; l’évolution des modes de garde et le système d’accueil du jeune enfant.
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Parallèlement le secrétaire d’État rencontre depuis plusieurs semaines des députés, des services hospitaliers et des parents, afin qu’ils puissent faire part de leurs besoins, de leurs difficultés, de leurs suggestions. À l’issue de ces travaux préparatoires, devrait être construit un « Parcours 1.000 jours » pour soutenir les parents au quotidien. L’objectif affiché est de « faciliter l’accès des parents aux services de santé et de soins, de leur fournir une information fiable en termes de nutrition, d’améliorer les modes de garde, de proposer des congés parentaux adaptés aux besoins de chaque famille, de répondre rapidement à leurs interrogations lorsqu’ils en ont et de leur donner confiance en eux dans leur rôle de parents ».
Les mesures déjà décidées
Même si le rapport de la commission ne doit être rendu qu’en 2020 et si certains chantiers sont annoncés comme à long terme, des mesures ont d’ores et déjà été décidées. Les plus importantes ont été annoncées le 14 octobre dernier dans le cadre d’une Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022.
Première mesure : un entretien prénatal précoce fera partie des consultations obligatoires à partir de 2020. Ensuite, chaque enfant fera obligatoirement l’objet d’un bilan de santé en école maternelle (mise en œuvre prévue pour 100% des enfants en 2022). Le nombre de visites infantiles à domicile par des infirmières puéricultrices juste après l’accouchement sera doublé d’ici 2022. Enfin, vingt nouveaux relais parentaux (ou l’équivalent de 500 nouvelles places) seront créés sur le territoire d’ici 2022 pour soutenir les parents en difficulté, sachant qu’il n’existe aujourd’hui que dix relais parentaux en France, dont cinq sont gérés par la Croix Rouge. Ces structures, ouvertes sept jours sur sept et 24 heures sur 24, permettent d’accueillir temporairement des enfants de 0 à 18 ans, dont les parents ne peuvent pas s’occuper ponctuellement (maladie, hospitalisation, etc..) et qui permet d’éviter le placement de ces enfants. Par ailleurs, des mesures particulières ont également été annoncées pour les enfants pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance.
Des craintes légitimes
Les travaux engagés et les mesures déjà décidées suscitent des craintes légitimes de la part des certains parents, en raison de la conception de la famille sous-jacente et du rôle intrusif de l’État dans la responsabilité des parents. Quelles seront par exemple les mesures obligatoires et celles simplement conseillées ? Les parents devront-ils déférer aux préconisations faites sous peine de sanction financière (diminution d’aides, d’allocations, etc.) ? Les injonctions faites aux mères de reprendre leur travail au plus tôt seront-elles encore alourdies par de nouveaux dispositifs ? La place du père sera-t-elle valorisée sans idéologie de fausse égalité ? On se souvient à ce sujet de l’amputation récente de six mois du congé parental au prétexte d’inciter les pères de famille à partager ce congé avec les mamans, mesure loin d’être approuvée par la majorité des parents.
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Par ailleurs, les programmes éducatifs vont-ils s’inscrire dès les premiers mois de l’enfant dans le cadre des gender studies déjà programmées dans l’éducation des plus grands ? Les visites à domicile (comme celles de l’infirmière puéricultrice) vont-elles être respectueuses des choix éducatifs faits par les parents ? Les aides existant déjà pour soutenir les parents comme les chantiers-éducation des AFC, les forums de discussion, les blogs dédiés etc., seront-elles soumises au contrôle, voire à la censure de l’État ?
Familles, faites-vous entendre !
Malgré ces craintes légitimes, le souci du gouvernement d’aider les parents dans leur rôle d’éducateur ne doit pas être a priori regardé d’un mauvais œil. En revanche, ce qui pourrait constituer une ingérence de l’État dans les familles, appelle une véritable vigilance. Le secrétaire d’État à la Protection de l’enfance affirme que sa priorité est de partir des besoins des parents, et qu’il a choisi d’aller à la rencontre de 1.000 parents. Or le choix de ces 1.000 parents n’est pas accessible.
Rien n’interdit cependant aux parents qui le désirent de proposer à Adrien Taquet de le rencontrer pour lui faire connaître les initiatives positives mises en œuvre pour aider des parents (comme par exemple les chantiers-éducation, véritable aide à la parentalité, et outil destiné à aider les parents à avoir confiance en eux-mêmes), ou lui dire que l’État ne peut se substituer au rôle et à l’appréciation des parents. Si vous ne faites pas partie de ces 1.000 parents, une consultation en ligne est mise à la disposition du public.